Nouveau code... nouveaux avocats?

Jeanne Larose
Rédactrice en chef

 

En ce début de session d’automne 2016, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à la faculté, mais aussi, comme beaucoup d’entre vous le savez, dans une nouvelle ère du Code de procédure civile du Québec. Et oui, depuis janvier dernier, la procédure civile québécoise a fait un grand pas en avant par l’entrée en vigueur d’un tout nouveau code. Ça coûte cher de livres neufs, ça nous oblige à côtoyer les deux codes pour faire l’arrimage entre le passé et le présent, mais ce n’est pas tout. Le nouveau CPC crée un branle-bas de combat dans les professions juridiques qui gravitent autour des cours de justice, les obligeant à repenser leur façon de faire. L’idée essentielle qui s’en dégage ? Mettre le client au centre des priorités.

Le nouveau Code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 2016

Encore trop souvent, des avocats plaideurs négligent d’être à l’écoute des besoins des clients qui réclament leurs services. Cette constatation fait suite à une étude réalisée par le professeur Jean-François Roberge en 2013-2014, soit pendant la période d’adoption du nouveau Code de procédure civile (CPC). Il est démontré que les clients recherchent une solution rapide à leur conflit pour limiter les coûts financiers et l’impact psychologique de la procédure.

Ils mettent aussi de l’avant certaines valeurs comme la confiance et la communication entre les parties, et ils aiment sentir qu’une justice équitable a été rendue. Leurs doléances ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd : le nouveau CPC met l’accent sur la coopération entre les parties, et donc, conséquemment, sur les conférences de règlement à l’amiable (les fameuses CRA).

Économiques et accessibles, elles désengorgent le système de justice québécois et apporte une réponse à un conflit dans de brefs délais. Évidemment, les CRA n’enchantent pas tout le monde. C’est bien là que les intérêts des clients viennent se heurter à ceux des avocats. La pratique des factures au taux horaire qui augmentent plus l’avocat travaille sur le dossier peut en inciter quelques-uns à allonger les procédures, ce qui n’inspire pas la confiance en la justice.

De plus, certains avocats axent leur stratégie vers un règlement qui rapportera plus financièrement, alors que le client souhaite davantage avoir la paix d’esprit, quitte à obtenir un montant plus bas. Il leur arrive aussi de voir les CRA comme un système de justice moindre, et de croire que seul un procès apporte une vraie solution de droit. L’étude montre que cette croyance n’est pas fondée, puisque le taux de satisfaction des CRA est de 83%. Devant ce dilemme, ce sont les avocats qui ont le gros bout du bâton.

Je suis persuadée que les avocats plaideurs ont le devoir de prioriser les besoins de leurs clients avant leurs bénéfices personnels. Il est grand temps de revoir le conflit, de ne plus le considérer comme un affrontement mais comme une négociation à la recherche d’un terrain d’entente entre les parties. Tout simplement parce que l’image des avocats au sein de la société en arrache. Les clients se lancent dans une procédure judiciaire comme on lance un hameçon à l’eau, pas trop sûrs de ce qu’ils vont pêcher, même avec le plus brillant et dispendieux des appâts.

Il n’en tient qu’à nous, futurs juristes, de redorer le blason de la profession d’avocat en gardant en tête les valeurs humaines qui nous animent. Et gagner la confiance du public, n’est-ce pas gagner une clientèle fidèle et satisfaite qui remplira les coffres des uns pour le plus grand bonheur des autres?


 

Les arrêts de la Cour suprême

Roxanne Lefebvre

 

Le 9 septembre dernier s’est tenue la 13e conférence Claire L’Heureux-Dubé, cette année présentée par l’Honorable Clément Gascon, juge à la Cour suprême du Canada depuis juin 2014.  Intitulée « Avoir le dernier mot…? Mythe ou réalité…? », la conférence avait pour but de démystifier le processus décisionnel de la plus haute cour du pays, processus d’ailleurs tristement mal connu de la communauté juridique et des justiciables. Surlignés, annotés, parfois mal-aimés mais plus souvent salués, les arrêts de la Cour suprême sont au cœur du raisonnement juridique de tout initié ou professionnel du droit, de l’étudiant jusqu’au magistrat. Néanmoins, rares sont ceux qui peuvent prétendre être familier avec les différentes étapes du processus décisionnel se déroulant au 301 Wellington Street à Ottawa. L’honorable juge Clément Gascon nous en offrait, le mois dernier, un bref aperçu.

 

La Cour suprême du Canada, à Ottawa — Photo Getty Images

Rares sont les dossiers qui terminent leur parcours dans le système judiciaire à la Cour suprême. Celle-ci pourra être saisie de plein droit dans deux situations particulières, soit par renvoi d’un gouvernement ou, en matière criminelle, lorsqu’il y a dissidence en Cour d’appel sur une question de droit. Ces situations demeurent toutefois rares et, dans tous les autres cas, une autorisation devra être accordée par la Cour pour se pourvoir devant elle.

Quelques 50 à 70 autorisations seront accordée à chaque année, sur dossier, sans audience, sur la base d’une appréciation discrétionnaire de la Cour.

« La Cour suprême n’est pas une cour d’erreur. Nous ne sommes pas là pour réviser le travail des cours d’appel. »

— L'honorable Claire L'Heureux-Dubé

Pour obtenir une autorisation d’appel, les dossiers doivent généralement « avoir une envergure qui dépasse le seul intérêt des parties. » Ainsi, celle-ci se penchera principalement sur des questions d’interprétation de lois fondamentales, telles que les chartes des droits de la personne, ou qui sont l’objet de conflits jurisprudentiels devant les cours d’appel.

Monsieur le juge Gascon insiste d’ailleurs sur le fait que le rôle de la Cour suprême n’est pas de réviser les jugements des cours d’appel; le rejet d’une demande d’autorisation ne signifie donc en aucun cas que la Cour est d’accord avec la décision dont on souhaite appeler. Parfois, la Cour estime seulement que le débat soulevé n’en est pas un qui se prête intervention.

« AVOIR LE DERNIER MOT : PAS SUR TOUT »

Toute décision rendue par la Cour suprême, de l’autorisation jusqu’au jugement, est issue d’un processus collégial au cours duquel est ac­cordée une très grande importance à la discussion et au choc des idées.

La décision d’autoriser ou de rejeter une demande d’autorisation sera prise par un panel de 3 juges. S’il y a accord, les 6 autres juges en sont informés et peuvent alors demander que la question soit discutée, en présence de tous les juges, lors d’une conférence mensuelle. Si les 3 juges sont plutôt en désaccord sur l’opportunité d’entendre l’affaire, la question sera aussi référée à la conférence mensuelle. Lorsqu’il y a désaccord, il suffit que 4 juges souhaitent entendre l’affaire pour que l’autorisation soit accordée.

Pour ce qui est de la décision sur le fond, celle-ci est prise à 5, 7 ou 9 juges. Bien que la Cour tente d’être unanime, elle ne l’est que dans 65 à 70% des affaires qu’elle entend. Monsieur le juge Gascon insiste d’ailleurs sur l’importance de la dissidence pour une société démocratique, exprimant l’avis que « la dissidence confirme et renforce l’indépendance et l’impartialité individuelle de chaque juge », forçant la majorité à être redevable et à améliorer la qualité de ses propres motifs. 

Le juge termine son exposé en invitant les juristes, aussi bien que les magistrats, à faire preuve de civilité, de respect et de modération dans la pratique de leur profession. Réitérant l’importance d’un système judiciaire transparent et ouvert, celui-ci rappelle que l’opinion des juges de la Cour suprême ne triomphe pas toujours, puisque « le dernier mot appartient à la société canadienne, qui doit pouvoir compter en tout temps sur un pouvoir judiciaire indépendant, compétent et à l’écoute. »

* Note : sauf indication à l’effet contraire, les citations sont de l’hon. Clément Gascon. 

À la découverte d'Avocats sans frontières

Rodrigo Olmos-Hortiguela

 

·      Que représente ASFC ?

ASFC est une organisation non gouvernementale de défense de droits humains qui dirige des programmes de coopération internationale et des missions sur le terrain dans divers pays afin de participer concrètement au progrès de la justice et des droits humains en faveur des groupes vulnérables pour l’achèvement d’une société plus juste et solidaire. ASFC symbolise la justice, la solidarité, la coopération, l’engagement, l’intégrité et l’indépendance.

·      Quelle est la mission d’ASFC ?

Défendre la promotion des droits humains et de la primauté du droit dans le monde en renforçant l’accès à la justice et à la représentation légale. ASFC lutte contre l’impunité et se force à solidifier la sécurité et l’indépendance des avocats défenseurs des droits humains en français, anglais et espagnol.

·        Quels sont quelques axes d'intervention de l'ONG?

 Le litige stratégique

ASFC aide à mener des cas d’importance, souvent en lien avec des ex-dictateurs, devant les tribunaux nationaux et internationaux afin de créer ou modifier la jurisprudence en place en faveur des droits humains.

Droit à un procès équitable

ASFC travaille à l’institution des standards internationaux pour la protection de la sécurité et des fonctions des avocats, juges et juristes qui militent pour une meilleure justice dans le monde.

Service d’aide juridique et d’assistance judiciaire

ASFC avec des collaborateurs locaux offrent des services d’aide juridique et d’assistance judiciaire gratuits et concentrés sur les besoins des personnes les plus vulnérables. 

·       ASFC en action !

ASFC détient à son compte, en ce moment, quatre principaux programmes soit la promotion et le renforcement de la Cour pénale internationale en Colombie, le renforcement du litige stratégique au Guatemala où un Cabinet juridique de droits humains a d’ailleurs été instauré, la mise en place de services d’aide juridiques et de règlements de différends en Haïti ainsi qu’une campagne de justice, prévention et de réconciliation pour les femmes, mineurs et autres personnes affectées par la crise au Mali.

ASFC détient à son compte, en ce moment, quatre principaux programmes soit la promotion et le renforcement de la Cour pénale internationale en Colombie, le renforcement du litige stratégique au Guatemala où un Cabinet juridique de droits humains a d’ailleurs été instauré, la mise en place de services d’aide juridiques et de règlements de différends en Haïti ainsi qu’une campagne de justice, prévention et de réconciliation pour les femmes, mineurs et autres personnes affectées par la crise au Mali.

·      La coopération internationale : mon avenir chez ASFC

Si le droit international – et plus particulièrement le droit humanitaire – te passionne et que tu rêves d’un jour participer à la lutte contre l’impunité afin que justice soit faite dans le monde, mais que tu n’arrives pas à visionner au-delà des tes cours de droit international, persévère ; ASFC a grandement besoin de toi ! En effet, ASFC compte sur la participation de juristes ayant à cœur la défense et la promotion des droits humains pour mener à terme leurs missions. À ces fins, l’organisation offre des stages (reconnus par le Barreau en plus) auprès de conseillers juridiques, plusieurs opportunités d’emploi (après le stage) sont également à ta portée. Il s’agit d’une occasion en or pour ceux qui aspirent à une carrière de ce type. Reste à l’affût sur : http://www.asfcanada.ca/fr/engagez-vous/emplois-et-stages

ASFC compte sur l’appui d’associations étudiantes ASF dans les facultés de droit canadiennes. ASF-ULaval fait partie des six comités bien établis aujourd’hui. Les tâches principales du comité consistent à sensibiliser les futurs juristes et le public aux thèmes des droits humains, des injustices sociales et de la coopération internationale.

Le comité compte énormément sur l’appui de ses généreux membres-bénévoles pour la tenue de plusieurs activités de financement et d’organisation d’évènements, notamment le tant attendu Vins, pains et fromages.  Ces derniers pourraient aussi être sollicités, à leur discrétion, à rédiger en groupe un mandat de recherche pour ASFC. La recherche effectuée servira à guider un conseiller juridique d’ASFC lors de sa mission sur le terrain (ces mandats restent à confirmer, plus d’informations à venir).

Également, ASF-ULaval met en place les recherches dirigées où l’étudiant sera appelé à faire une recherche sur un sujet choisi par ASFC pour ASFC dans le cadre du cours Recherche dirigée en droit à la session d’hiver 2017, le tout supervisé par un professeur de la faculté de droit de l’université Laval en collaboration avec un conseiller juridique de l’organisation (ci-après un exemple de sujet : Les violations des droits de l’homme commises en 2012 par les groupes armés dans les territoires occupés du nord du Mali en vertu de l’application de la Charia et leur qualification juridique en vertu du Statut de Rome).

Plus d’informations à venir en novembre 2016. Pour toute question, contactez le VP aux projets de recherche du comité. De la même façon, le comité, en collaboration avec ses pairs, organise le colloque annuel ASFC où des conférenciers prendront parole sur des sujets d’actualité internationale.

Pour plus d’informations :
ASFC: http://www.asfcanada.ca/fr
ASF – ULaval sur Facebook : Avocats sans-frontières-Université Laval

Quoi faire en attendant ? Rejoins le comité dynamique ASF de l’université Laval (ASF- ULaval) !


Entrevue avec Marc-Antoine Patenaude, président de l'AED

Jeanne Larose
Rédactrice en chef


Il est dynamique, sociable et il a vos intérêts à cœur. Il s’agit de nul autre que Marc-Antoine Patenaude, le président de notre chère association des étudiants et étudiantes en droit, et il compte rendre cette année scolaire des plus agréables à l’aide de ses précieux VP. Aperçu de son cheminement et de ses objectifs qui ont pour mot d’ordre le rassemblement.

Marc-Antoine Patenaude, président de l'AED

Qu’est-ce qui t’a motivé à devenir président de l’AED ?

J’ai toujours eu un fort sentiment d’appartenance pour l’AED. Dès ma première année, je me suis impliqué dans plusieurs comités. Au Cégep, j’étais le genre de gars qui faisait juste aller à ses cours et passer du temps avec ses amis, sans m’impliquer du tout. Une fois rendu en première année à l’université, j’ai été membre du comité du festival de droit et l’an dernier, j’en ai été le président. Cela a été une très bonne expérience de gestion d’équipe. J’ai toujours eu dans ma mire un poste au sein de l’exécutif de l’AED, et être président du festival de droit m’a vraiment convaincu que j’aspirais au poste de président de l’AED. C’est le meilleur poste pour que je puisse mettre mes qualités au service des étudiants. Je me considère comme quelqu’un de sociable et accessible qui a aussi un bon leadership. Je crois donc pouvoir apporter une certaine cohésion dans la vie étudiante. Pour le moment tout se passe bien, je me croise les doigts pour que ça le reste.

Quelle fonction a l’AED dans la vie étudiante de la Faculté ?

Le but de l’AED est de protéger les intérêts variés des étudiants. Tout d’abord, il y a les intérêts académiques, ce qui est le mandat de William Matte, qui défend les étudiants auprès des enseignants et qui s’assure que la formation qui leur est offerte soit la meilleure possible. L’AED défend également les intérêts professionnels, ce qui tombe dans le mandat de Maude Mercier, qui aide les étudiants avec la course au stage et la recherche d’emploi. Justement, cette année, le comité de droit notarial a été mis sur pied pour mettre l’accent sur cette facette de la carrière de juriste. On a aussi les intérêts sociaux des étudiants à cœur, ce qui est le mandat de Simon Gadbois, mieux connu sous le nom de VP bière qui fait fureur les jeudis soirs. L’AED tient à ce que les futurs juristes ne gardent pas le nez dans la doctrine et profitent d’une vie étudiante active.

Que comptes-tu apporter à la vie étudiante de la Faculté ?

Ce qui est dommage, c’est qu’en tant que président, il est difficile d’innover. Nous avons quand même quelques projets qui se sont réalisés, par exemple, Simon a négocié un nouveau contrat avec Labatt qui nous donne environ 3000$ de plus de budget promotionnel. Shanna a préparé un document qui présente le portail aux étudiants de première année. Ce sont de petites choses qui se font en équipe. De mon côté, ce qui m’a marqué, c’est que c’est une association dynamique. J’essaye de l’être le plus possible pour inciter les étudiants, surtout ceux qui viennent d’arriver, de participer aux évènements. C’est de cette façon qu’on devient un beau groupe rassembleur.

Quels sont les défis de l'AED que tu voudrais surmonter cette année ?

Un des problèmes qui existe depuis quelques années est le manque de représentation des étudiants du certificat et du microprogramme de droit. Ils payent eux aussi une cotisation étudiante, alors il est important que ça leur revienne d’une certaine manière. Quand on fait des évènements, on essaye de ne pas s’adresser qu’aux gens du baccalauréat même si c’est une grande proportion des gens qui viennent aux activités. À l’Assemblée Générale du 28 septembre, on a rencontré quelqu’un du certificat avec qui on a discuté de la possibilité d’implication, si ça intéresserait certains de ses amis du certificat ou lui-même pour leur donner plus de visibilité et mieux représenter leurs intérêts. 

Qu’aurais-tu à dire à quelqu’un qui hésite à s’impliquer au sein de la Faculté ?

Le meilleur argument que j’ai pour convaincre quelqu’un, c’est que c’est vraiment une bonne manière de se faire des amis. Je viens de Saint-Jérôme, alors quand je suis arrivé ici, je ne connaissais personne. Au cégep je ne faisais rien, mais à l’université je n’avais pas le choix de m’impliquer pour rencontrer les gens. Ma première année a donc été un déclic et si je ne m’étais pas impliqué, je serais resté seul dans mes livres. C’est long ! L’implication, c’est aussi une expérience de vie. Avant d’être dans les comités, parler au téléphone était quelque chose qui me stressait. À force de faire des appels de commandite, ça forge le caractère. Maintenant, j’arrive à jaser les avocats dans les cocktails sans réserve, et il y en a que j’appelle par leur prénom. On arrive à se connaître dans ce milieu, bien plus qu’au cégep. Je crois donc qu’avec l’implication, on découvre de nouvelles facettes de sa personne qu’on n’aurait pas réalisées autrement.

Quand passion et veston font bon ménage

Sophie D'Entremont

Présidente du Club Droit et affaires de l'Université Laval

 

J'aurais voulu être une artiste

Quand j'étais plus jeune, il pourra vous sembler surprenant que je rêvais d'art et de design. Alors que mes camarades se voyaient astronautes ou policiers, moi je voulais vivre de ma créativité. Et pourtant, un intérêt qui semble à première vue, tout à l'opposé, se dessinait tranquillement. En effet, dès mon plus jeune âge, j’aimais observer ces gens qui, mallette à la main et veston ajusté, s’empressait d’un pas décidé de grimper dans un de ces gratte-ciels vertigineux. J’aimais me demander ce qui se tramait derrière ces regards pensifs, nerveux pour certains, et ce qui les attendait au bout de cette marche hâtive, sur les trottoirs du quartier financier. En fait, je me demandais : « Ces gens qui font des affaires, ils font quoi ? » Cette question empreinte de naïveté et d’une simplicité enfantine, dont plusieurs s’empresseraient d’y donner une réponse des plus rudimentaires, pourrait toutefois en surprendre plus d’un de par sa vastitude et sa complexité. C’est notamment au cours de mes trois mandats au sein de l’exécutif du Club Droit et Affaires de l’Université Laval (CDAUL) que j’ai pu en comprendre réellement les rouages, bien que je n’aie pas la prétention d’affirmer que j’en connais toutes les facettes. Tout au contraire, je sais pertinemment qu’il m’en reste énormément à apprendre sur le domaine, probablement plus que je ne saurais l’imaginer.

 

Le CDAUL offre, depuis son commencement en 2011, un contact des plus privilégiés avec le monde des affaires que certains pourront parfois tenir pour acquis au sein de la Faculté de droit. Ces professionnels et entrepreneurs chevronnés accordent pourtant à nos membres une des choses qui leur est si précieuse : du temps. En effet, dans ce quotidien effréné, ils s’arrêtent pour partager de leurs expériences et de leurs connaissances, témoins d’un monde captivant, entraînant.

L’ingéniosité qui émerge du domaine des affaires m’a toujours fascinée. En effet, ce dernier en est un qui développe d’une façon particulière les aptitudes sociales, académiques et artistiques de chacun. En observant ses acteurs, on en vient à assister à un véritable spectacle où les capacités intellectuelles de certains et la créativité des autres s’allient pour former le monde qui nous entoure.

Certes, ce n’est pas tout le monde qui portera le chapeau d’entrepreneur ou de gestionnaire dans sa vie, mais tous et chacun seront confrontés à ce milieu, à plus petite ou à plus grande échelle, pour ou contre son gré. Pour ceux et celles qui développent ce dédain maladif contre cet univers avide d’argent et de pouvoir, je leur répondrai simplement que leur idée préconçue gagnerait à rencontrer ces gens extraordinaires que j’ai mentionnés plus tôt.

Pour ma part, j’y vois plutôt un milieu où chacun est libre de ses idées et où la persévérance et la passion donnent naissance à des projets qui innovent et nous surprennent. Dès lors, il serait injuste de réduire la motivation de tous ces entrepreneurs, gestionnaires et professionnels à l’atteinte d’une aisance financière. L’argent étant, à mon avis, qu’un motif parmi tant d’autre. Or, ne m’y méprenez pas ; je n’exclus pas les motivations purement monétaires en toute naïveté, étant tout à fait consciente de la réalité de la chose. Je ne fais que soulever le point qu’il serait injustifié de vulgariser de la sorte le monde des affaires.

Ainsi, je souhaite que le CDAUL sache, à travers sa programmation, ses partenariats et ses publications dans le journal étudiant Le Verdict, vous faire découvrir ce qui se passe réellement dans les hauteurs de ces tours à bureaux. De mon côté, je tâcherai, de pair avec ma merveilleuse équipe, de voir à l’organisation d’activités qui sauront accroître l’esprit entrepreneurial, le goût du défi et du dépassement de soi, l’initiative ainsi que l’ouverture d’esprit de nos membres. J’ose croire que certains se laisseront charmer et peut-être même se réconcilier avec ce monde qui me passionne et me motive.


ÊTRE AVOCATE ET ENTREPRENEURE, C’EST POSSIBLE !

Marc-André Roy

 

En tant qu'étudiant en droit, fort est à parier que vous avez déjà voulu avoir un impact sur la société. À l'université, plusieurs choix s'offrent à vous. Idéalistes, peut-être avez-vous songé à sauver la planète en faisant du droit de l'environnement ou encore sauver l'humanité en faisant du droit humanitaire ? Chose certaine, on associe très rarement le droit des affaires à un droit à couleur sociale. Pourtant, j'ai eu la chance de rencontrer une avocate passionnée pour qui faire des affaires signifie aussi aider son prochain. Voici le portrait de Me Sylvie Bougie, entrepreneure, avocate et fondatrice de Vigi Services juridiques inc.

Avant d'en arriver là, Me Bougie a multiplié les 5 à 7 et a profité de toutes les chances d'agrandir son réseau, ce qui représente un des plus grands défis quand on se lance en affaires selon elle. 

Me Bougie a fait ses études à l'Université Laval et son stage chez Fasken Martineau pour ensuite travailler dans quelques autres études juridiques où elle a pu parfaire son expérience et prendre en charge ses propres dossiers en droit des affaires. Au cours de cette période, elle sentait que quelque chose manquait à sa pratique, que la routine s'installait trop rapidement et qu'il n'y avait que trop peu de reconnaissance. Alors lorsqu'une cliente, une jeune entreprise en technologie de l'information, lui a offert un poste à l'interne, elle n'a pas hésité à vivre cette nouvelle expérience. En entreprise, elle a pu travailler sur des projets de financement, mais aussi sur d'autres aspects moins juridiques, comme la rédaction du plan d'affaires et de la stratégie marketing. Sans le savoir, elle acquérait peu à peu les compétences qui font d'elle une entrepreneure de talent aujourd'hui. De plus, c'est ce séjour au sein de cette entreprise en démarrage qui l'a vraiment conscientisée à la réalité de ceux qui sont aujourd'hui ses principaux clients. Elle comprend comme peu d'autres avocates ce que peut signifier un investissement de quelques centaines de dollars pour un entrepreneur et elle est en mesure de cerner les enjeux réels auxquels ces mêmes entrepreneurs font face dans leurs négociations contractuelles.

Forte de ce bagage et armée du souci de participer à la réussite des entrepreneurs de Québec, elle se lance à son compte, d'abord comme travailleuse autonome avant de fonder VIGI services juridiques inc. en 2012. Son authenticité et sa transparence se transpose automatiquement à travers son modèle d'affaire. Chez VIGI, 80% des revenus se font à partir de tarifs forfaitaires, ce qui évite aux clients de mauvaises surprises. De l'aveu même de Me Bougie, cela peut augmenter la charge de travail, mais le lien de confiance qui se crée entre elle et le client fait en sorte que le jeu en vaut la chandelle. D'ailleurs, un des aspects qui lui a fait préférer le droit des affaires au litige est notamment la possibilité de bâtir des relations sur le long terme et si on lui demande pourquoi elle a choisi de se spécialiser dans les entreprises en démarrage, elle répondra que c'est parce que c'est le créneau où on se sent le plus utile. Ce n'est pas par hasard si le nom du cabinet fait référence à une vigie, c'est-à-dire un poste de surveillance ; la mission du cabinet étant de veiller sur ses clients.

Il semble indéniable que le dynamisme et l'authenticité que dégage Me Bougie et son équipe commence à porter ses fruits, car plusieurs beaux projets sont dans l'air chez Vigi. Le processus pour ouvrir une place d'affaires en Beauce, terre natale de la fondatrice, est bien amorcé et d'ici 5 ans, on aimerait agrandir l'équipe à environ 5 ou 6 avocats à Québec et 3 avocats en Beauce. Sans compter que Me Bougie entend sortir son premier livre "pratico-pratique" sur le droit des affaires dans les prochains mois. Tout ce succès n'est cependant pas le fruit du hasard. Avant d'en arriver là, Me Bougie a multiplié les 5 à 7 et a profité de toutes les chances d'agrandir son réseau, ce qui représente un des plus grands défis quand on se lance en affaires selon elle. Elle n'a pas non plus négligé l'importance de faire le virage technologique, intégrant de belle façon l'usage des médias sociaux et du marketing de contenu à sa stratégie de croissance. Si tous ces accomplissements peuvent sembler une charge de travail colossale, Me Bougie dit bien réussir à conserver un équilibre. Par exemple, si elle doit assister à un 5 à 7 après sa journée de travail, elle prend tout de même le temps de s'entraîner entre les deux. Pour qu'une entreprise soit en santé, ses dirigeants doivent l'être aussi selon ses dires.

Quant à l'offre de services du cabinet, on passe par toute la gamme du droit des affaires. Les incorporations, les conventions entre actionnaires et les contrats de services sont des demandes qui reviennent souvent de la part des clients, mais on ne s'y limite pas. Le cabinet peut aussi bien rédiger les conditions d'utilisation d'un site Internet que déposer une marque de commerce, puisqu'il fait affaire avec un agent de marque de commerce. Malgré tout l'éventail de services offerts, il reste que l'équipe sait reconnaître ce avec quoi elle est à l'aise ou non et certains mandats très spécialisés, par exemple en droit international, sont référés à l'externe.

En résumé, ma visite au bureau de VIGI a confirmé la première impression que j'avais du cabinet et de l'équipe. J'avais rencontré Me Bougie et sa collègue pour la première fois au printemps passé, dans le cadre d'un événement organisé par Entrepreneuriat Québec qui se      tenait au Roc Gym. La présence d'avocates à cette activité plutôt éclatée m'avait d'abord surpris, mais une simple conversation m'avait permis de découvrir avec plaisir deux personnes sympathiques, originales et innovantes. Aujourd'hui, mon impression est que VIGI incarne le dynamisme de notre temps et une pratique du droit humaine.

Pour terminer, en tant que bon étudiant en droit intéressé par le milieu des affaires, je me devais de soutirer à Me Bougie quelques conseils. Par rapport à la Course aux stages, pour elle, c'est vraiment l'implication étudiante et le fait de faire confiance à sa personnalité qui lui a permis de réussir. Alors qu'elle n'avait pas eu d'offre à sa première tentative en deuxième année, elle a fait un stage à la Cour d'appel en troisième année en plus d'être assistante de recherche pour quelques professeurs, ce qui a permis aux employeurs d'apprécier autres choses que simplement ses notes. En ce qui a trait à la réussite en affaires, elle conseille de savoir s'entourer de personnes ayant des connaissances et des compétences complémentaires, mais surtout d'écouter son for intérieur et son intuition devant la prise de décision


 

ENTREVUE AVEC VANESSA ROMANO, CONSEILLÈRE JURIDIQUE ET SECRÉTAIRE CORPORATIVE

Jeanne Larose
Rédactrice en chef

ENTREVUE AVEC VANESSA ROMANO, CONSEILLÈRE JURIDIQUE ET SECRÉTAIRE CORPORATIVE

Maître Vanessa Romano est une avocate bien particulière. Elle intéresse par son double titre de conseillère juridique chez PyroGenesis Canada Inc. et de secrétaire sur le conseil d’administration de cette société par actions. Seule avocate de la compagnie, elle œuvre dans plusieurs domaines du droit, ce qui lui confère une grande responsabilité. C’est avec enthousiasme qu’elle nous fait voyager dans le monde du droit corporatif. 

Me Vanessa Romano

WHAT ARE YOUR MAIN RESPONSIBILITIES AS A LEGAL COUNSEL AT PYROGENESIS?


There are many responsibilities that come with being internal legal counsel to a company however one significant part of what I do here at PyroGenesis entails drafting, reviewing and/or developing legal documentation, including overseeing contracts before they are signed, sometimes at a very early stage, and subsequently, assisting in the negotiations, if any. Essentially, any type of document that would be legally binding needs to be reviewed and/or seen by me before being signed. We do have standard forms of legal documentation, such as non-disclosure or consulting agreements which are not as complex; they may simply require minor changes to certain clauses in order to reflect a given or intended relationship however 

despite the simplicity and standardization, employees are not allowed to complete or issue them without my final approval. Working so closely with the CEO, having to report and liaise with him constantly regarding the daily operations and strategy of the Company is also a large part of my responsibilities. Another part of my job as corporate lawyer includes the corporate finance of the Company; that is to say, securities regulation and laws governing the

capital raisings and financings we undertake, as well as all the public and corporate disclosures related thereto. More so, as a public company, we are required to disclose to the public as soon as it has a material impact on the Company and the Company stock, anything significant related to contracts, operations, our business, any developments thereto or any other topic management deems of significance and which would require the public’s knowledge. It is management’s decision to choose the timing of such disclosure however it will be my responsibility to ascertain that the content of these press releases meet all legal and regulatory requirements.

More so, I oversee the legal adequacy of any and all postings or publications made generally available to the public, up and above these press releases; that is to say any presentations, editorials, or videos that might be published by the Company, either on our website or social media accounts.

Lastly, as internal counsel, I work closely with the HR department with respect to any employment matters, including the review and drafting of offer letters, employment contracts, any disciplinary action needed or any event of termination of employment. I also liaise with outside counsel in the eventuality of any litigious disputes, but generally speaking, all employment related issues are dealt with internally, a large part by me independently.

Separately, but equally related to my job as internal legal counsel, is my position as Corporate Secretary of the Company. As a public company, management is essentially governed by a Board of Directors, both of whom have fiduciary duties to the Company and in my title as Corporate Secretary I am tasked to continuously stay informed on both management and the Board’s respective responsibilities, their obligations towards the Company and the proper governance of the Company’s affairs. This includes, amongst others, organizing Board meetings; planning for the Company’s annual general meeting of shareholders, which takes approx. 6 months to prepare; drafting of the minutes of meetings; and drafting of Board resolutions necessary in lieu of meetings. Generally speaking, I am responsible for maintaining the minute books of the Company and the corporate records of the Company.

WHAT PART OF YOUR JOB DO YOU LIKE THE MOST, AND WHY?

I have grown to really appreciate the business side of my job, particularly the corporate finance and corporate disclosures. I do enjoy the contractual side, that is to say the Company’s undertakings and obligations however contracts can at times be standard, in that a lot of the situations/clauses are similar and therefore I often see a lot of the same scenarios. Despite the experience gained, the challenges faced are not always as diverse as with corporate finance and it is these variances that have come to appeal to me more than just the mere contractual side of the business.

WHAT IS THE HARDEST PART ABOUT YOUR JOB?

I would have to say that it’s probably being the only lawyer in the company. Essentially, I am running a legal department on my own; however, it can be as exciting as it can be difficult.

In the beginning it was overwhelming, and it may seem that way at times, especially when I am being pulled in several different directions however after nearly 3 years of practice, I got used to being the only one. I would have to say the challenges I face are not as difficult as they used to be. They are still very much present but I’ve learnt to deal with what’s asked of me more efficiently. I’ve learnt to organize myself and better prioritize the things I have to do, which makes a huge difference. As a lot is depending on me, and often times I am faced with frequent interruptions, learning to multi-task is definitely a must.

“A very important, if not primary quality would be to pay close attention to detail; to focus on all aspects of a given situation so as to not only look at what is at face-value, but to focus on other underlying issues that need to be addressed.”

As I mentioned, working a lot with the CEO, frequently needing to meet with him and discuss daily operations with him, may take away from my day to day tasks at times, thereby extending my work hours; however, it also allows me to better understand the Company and that I cannot object to. I am mindful of the fact that the job asked of me requires me to work beyond the regular work hours and often times on weekends; however it’s a part of the job I accepted and have learnt to prioritize my time in order to still enjoy what I do regardless.

DID YOU DO ADDITIONAL STUDIES AFTER YOUR LAW BACHELOR?

Following bar school and my internship, I took a few business classes at McGill University to see if I wanted to eventually pursue my MBA. After that, I did my common law, J.D., at University of Montreal, which I must admit has proven to really help me in my job at PyroGenesis. We often times do not deal with Quebec-based companies but rather, with national or international companies, and having more than just a civil law degree has provided me with more knowledge when  drafting contracts, reviewing contracts, or even negotiating the terms of certain contracts. I might still do my MBA however I have not yet decided if and when I will do so.

WHAT QUALITIES DOES IT TAKE TO WORK AS A LEGAL COUNSEL?  

A very important, if not primary quality would be to pay close attention to detail; to focus on all aspects of a given situation so as to not only look at what is at face-value, but to focus on other underlying issues that need to be addressed. Secondly, it is important to be analytical, as once again, in order to develop a sound opinion or strategy, or at the very least, grasp the nature of the situation, it is important to look at the situation as a whole and fine tune the details in order be able to ask the right questions. A common misconception, especially early on in our careers I find, is that we are reluctant to ask too many questions for fear of seeming inadequate. I believe on the contrary, asking questions will prove to enhance your adequacy as it will avoid you misunderstanding a given situation and avoid you having to redo that work a second time. This is something I am still learning today.

Practicing law in general also requires determination and ambition. A legal career is most often associated with long hours, which arguably can be the case however as demanding as it can be, if one is determined to excel, despite how demanding it is, this will prevail I believe.

In my little experience as a lawyer, I also believe dedication and perseverance will help make the job easier in time. As you develop more of an understanding of the field you practice, you become more knowledgeable, which in turn I have found to entice me to want to do and learn more.

Being patient is also needed. You may often times have to deal with difficult people, both within your Company as well as outside your company/firm and it is not always easy to handle. Some people might be rude, aggressive, or even confrontational however with time, experiences will allow you to build confidence and be more assertive in your discussions or decisions. I can say personally that it’s not easy to always remain patient or at the very least, not to get frustrated; however in time, I’ve learnt to believe in my own opinion and defend my position or decision with less doubt. Everything takes time and practice, but I believe being patient will prove fruitful in the long run.

HOW IS IT TO BE THE ONLY LAWYER IN THE COMPANY?

As mentioned above, it can have its advantages as much as its disadvantages however overall I’ve come to really appreciate being the only lawyer in the company. Essentially, I get to touch upon different types of laws and explore them to the fullest extent without being dictated what to do. 

DÉVELOPPEMENT AU QUÉBEC, LE DROIT DE MANIFESTER

Comité d'action sociopolitique 

Image : Radio-Canada. (2012). Manifestation à Montréal (Photo Luc Lavigne) [Image]. Repéré à http://ici.radio-canada.ca/regions/Montreal/2012/05/23/002-manifestation-spvm_exclut_pas-poursuites_organisateurs.shtml (modifée)

Image : Radio-Canada. (2012). Manifestation à Montréal (Photo Luc Lavigne) [Image]. Repéré à http://ici.radio-canada.ca/regions/Montreal/2012/05/23/002-manifestation-spvm_exclut_pas-poursuites_organisateurs.shtml (modifée)

Alors que la course présidentielle américaine bat son plein et alors que les débats visant à déterminer la fiche du Canadien en pré-saison s’animent, il semble que la sphère sociopolitique du Québec s’est immobilisée. Cependant, comme durant la course présidentielle et comme durant la saison de golf du Canadien, on a connu un lot important de développements sociopolitiques et juridiques. En effet, les grandes luttes du Québec de 2012 et 2015 ont marqué une génération et ont même fait l’objet d’un forum public sur l’état du droit de manifester, tenu à L’Université Laval le 16 et 17 septembre et organisé par la Ligue des droits et libertés (section Québec). D’ailleurs, c’est à cette fin que votre comité sociopo [sic] vous dédie cette chronique en offrant ces plus récentes observations avant que le sujet ne soit jeté aux oubliettes.

Est-il légal de manifester au Québec ? Réponse simple : oui. Cependant, la réalité n’est pas simple, alors ne tournons pas les coins ronds. Chose sûre, aujourd’hui, il y a une assise jurisprudentielle quant à la légalité de celui-ci. Le plus récent développement nous provient d’un jugement rendu par le juge Cournoyer en Cour supérieure suspendant la validité de l’article (art.) 500.1 du Code de la sécurité routière (CSR)1. L’art. 500.1 CSR allait (va) comme suit : 

Nul ne peut, au cours d’une action concertée destinée à entraver de quelque manière la circu-lation des véhicules rou-tiers sur un chemin public, en occuper la chaussée, l’accotement (…), de ma-nière à entraver la circula-tion des véhicules routiers sur ce chemin ou l’accès à un tel

Cette règle de droit a été déterminée comme allant à l’encontre des droits fondamentaux protégés aux arts. 2 a) et 2c) de la Charte canadienne des droits et libertés3 ainsi qu’à l’art 3 de la Charte de droits et libertés de la personne4. Dans l’affaire Garbeau, le juge Cournoyer a tranché que l’art. 500.1 contrevenait donc aux limites raisonnables prévues aux arts. 1 et 9.1 des deux Chartes5. 

Pouvons-nous affirmer que le droit de manifester est absolu au Québec ? Non, et c’est pourquoi il convient d’être prudent dans les rassemblements populaires. Malgré ce jugement invalidant la disposition du CSR, il faut avant tout savoir que ce droit reste limité par les dispositions du Code criminel6 (C.cr.). Notamment, l’art. 65 du C.cr. stipule que ce droit est limité selon le principe de l’autolimitation des droits dans une société libre et démocratique : « ce droit ne peut s’exercer en troublant la paix, en commettant des voies de fait, de l’intimidation, en proférant des menaces de mort, par le moyen d’un attroupement illégal ou la participation à une émeute7. » Toutefois, « troubler la paix » comporte des assises légales floues qui ne permettent pas de garantir un respect total de ce droit. Cependant, tout rassemblement raisonnable devrait jouir d’une immunité dans une société libre et démocratique. Chose sûre, comme les 3 premiers trios du Canadien, ce droit est en mutation. Sans être absolu, il jouit d’une reconnaissance juridique. Cela étant dit, il est toujours préférable de demeurer vigilant lors de la participation à de telles activités. 

Tendrement, vos serviteurs dévoués, le Comité sociopolitique. 
P.S. Le premier bière et politique sera le 12 octobre. Venez nombreux.

[1] Garbeau c. Montréal (Ville de), 2015 QCCS 5246

2Code de la sécurité routière, RLRQ, c. C-24.2, a. 500.1

3 Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 2a) et 2c), partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de de 1982 sur le Canada, 1982, c.11 (R-U)

4 Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c.C-12, art. 3 et art. 9.1                                                                                                                                          

5 Garbeau c. Montréal (Ville de), 2015 QCCS 5246, par. 12.                                                                                                                                    

6 Garbeau c. Montréal (Ville de), 2015 QCCS 5246, par. 59.                                                                                                                                                                      

7 Code criminel, LRC 1985, c. C-46, a. 65

RÉFLEXION: VIVRE SEUL ET HEUREUX

Marie-Philipe Lévesque

Plusieurs diront que mieux vaut être seul que mal accompagné. Certains vont considérer qu’un conjoint très souvent appelé par le travail pourrait être considéré comme un mauvais compagnon. On peut notamment penser aux femmes dont leur conjoint est pompier, ambulancier, policier, etc. Ces hommes peuvent se faire appeler à toute heure du jour ou de la nuit pour aller travailler. Pensez-y. Si leur conjoint venait à mourir soudainement, elles seraient alors totalement seules.

Pourraient-elles vivre seules et heureuses ?

UNE RÉPONSE LINGUISTIQUE

Pour y répondre, il faut d’abord faire une analyse linguistique et prendre le temps de bien saisir la définition des mots qui la composent : vivre, seul et enfin, heureux. Le mot heureux est faci­lement saisissable par ses synonymes tels joyeux, satisfait, content et comblé. Pour comprendre ce que ce n’est pas, on peut aussi analyser ses antonymes comme malheureux, triste, douloureux et désolant. Lorsqu’une personne est heureuse, elle se trouve dans une situation qui lui est favorable et positive. On parle aussi d’un état durable de plénitude et de satisfaction.

Quant à lui, le mot seul peut avoir de multiples significations. Les dif­férents dictionnaires parlent d’une personne ou d’un objet qui est sans compagnie, isolé. Également, il y a des références à l’unicité, à l’exclusion des autres, à une personne sans aide, à des relations interpersonnelles peu fréquentes ou encore à une solitude. En d’autres mots, les ouvrages semblent référer aux cas où une personne se retrouve physiquement en l’absence d’autres personnes. 

Curieusement, plusieurs personnes vont se qualifier de seules pour indiquer qu’elles ne sont pas en couple. Le célibat n’est pourtant pas intrinsèquement heureux ou malheureux. D’autres vont se sentir seuls alors qu’ils se retrouvent au beau milieu d’une foule. Dans ce contexte, quelqu’un disant se sentir seul n’est certes pas heureux, même s’il est    physiquement en présence d’autres personnes. 

Enfin, le dernier mot à définir est vivre. Si essentiel comme concept qu’on a de la difficulté à le saisir. On pourrait dire qu’il constitue le verbe d’action de la vie. Naître, vivre et mourir. Boire, manger et dormir. Il me semble plutôt que ces dernières actions sont nécessaires à la survie. Survivre n’est pas vivre, mais saura combler les besoins de base, mais le sentiment de plénitude ou d’accomplissement ne pourra être présent que si l’on vit. 

UNE RÉPONSE PSYCHOLOGIQUE

Sous l’angle de la psychologique, il est très intéressant de faire une analyse de la solitude en relation avec la théorie de la pyramide des besoins Maslow. Ce chercheur en psychologie a réalisé une étude afin de hiérarchiser les besoins des humains, plus principalement sur les personnes occidentales. Pour pouvoir bien vivre et avoir un sain équilibre psychologique, l’individu aura tendance à chercher à satisfaire les besoins qui se retrouvent à la base de la pyramide avant de réellement chercher à combler les besoins du niveau suivant.

À la base de la pyramide, on retrouve les besoins physiologiques tel que manger, boire, dormir et respirer. Au second niveau, il y a la sécurité avec les besoins du corps, la santé, la propriété, avoir un toit ou encore un emploi. Au troisième niveau, le besoin à combler est l’appartenance, pensons à l’amour, au couple, aux relations amicales et interpersonnelles. À contrario, ce n’est que dans un troisième temps que la solitude peut impacter sur l’état émotif d’un individu. Enfin, le besoin d’estime vient au quatrième niveau. Le besoin du cinquième niveau est l’accomplissement personnel, qui est d’ailleurs très rarement atteint. 

En résumé, l’être humain va chercher à satisfaire ses besoins vitaux avant de chercher à socialiser. Avec cette analyse, il est aisé de comprendre qu’une personne qui ne peut pas répondre à ses besoins de base ne pourrait pas vraiment être heureuse. En bref, selon Maslow, il est possible de vivre seul et heureux, puisque ce ne sont que les deux premiers niveaux qui sont essentiels à la vie, du moins, le premier. 

UNE RÉPONSE SOCIOLOGIQUE

D’un point de vue sociologique, la question « Vivre seul et heureux ? » provoque réellement des contra­dictions. D’une part, on encourage les gens à être ouverts sur le monde, à faire des échanges, à rencontrer des nouvelles personnes. Les réseaux sociaux nous permettent de rester en contact perpétuel avec les autres. D’autre part, l’individualisme prend de l’expansion. À la cafétéria, les personnes mangent souvent seules. Dans les transports en commun, personne ne parle à personne. L’être humain occidental moyen de 2016 ne veut pas parler avec des inconnus. 

Quand des amis se réunissent autour d’un repas, ils sont chacun seul de leur côté à surfer sur les réseaux sociaux pour essayer d’être avec tous les autres qui ne sont pas dans la pièce. Curieux, ce désir d’être constamment connecté à la toile. Dans le même ordre d’idée, plusieurs vont utiliser les réseaux sociaux en cherchant à obtenir une approbation sociale. 

Lorsqu’on demande s’il est possible d’être heureux en vivant seul, j’entends souvent « Je suis indépendante, je n’ai besoin de personne pour vivre ». Cette phrase peut bien être vraie. Cependant, il ne faut pas confondre seul et indépendant. L’indépendance est fréquemment positive puisqu’elle démontre, entre autres, l’autonomie de la personne ou encore son leadership.

UNE RÉPONSE PERSONNELLE

En somme, lorsque je me demande s’il est possible que je sois heureuse en vivant seule, dans le sens d’être célibataire, je dis oui. La relation de couple ne peut pas être le pilier du bonheur d’une personne. Cependant, je suis convaincue que cette question a un sens bien plus large et que la réponse que l’on attend doit être plus globale. Alors, si je me pose la question de nouveau, je réponds non. 

L’être humain est fait pour vivre en communauté. Je suis convaincue qu’une personne ne peut pas être heureuse, satisfaite, joyeuse, comblée et avoir un sentiment de plénitude si elle est seule au monde. Oui, il est possible survivre seul, même sur une île déserte. Cependant, pour vivre une vie épanouie, mieux vaut être bien entouré de collègue, famille et ami. Alors que certaines personnes disent que mieux vaut vivre seule que mal accompagné, moi je dirais que mieux vaut être accompagné d’un inconnu que d’être seul. 

ET SI VÉNUS ET MARS ÉTAIENT COMPLICES?

Émilie Lacasse en collaboration avec Charlotte Reid

Les définitions de genres évoluant au rythme des générations, nous pensons qu’il y a là place à votre avis et à vos réflexions. Nous voyons en notre comité une plateforme libre, un forum de discussion, afin de faciliter les débats sur ces sujets qui divisent leurs protagonistes ou qui n'ont pas beaucoup de visibilité. Le but ultime est de donner un nouveau souffle à la faculté et une façon nouvelle de saisir ce que représentent ces tabous pour la communauté juridique, et, de façon plus large, notre génération. 

Il est possible que vous entendiez parler à plusieurs reprises des activités à venir au courant de cette année universitaire. Au menu, nous préparons quelques évènements tels que des tables rondes en formules 5 à 7 et des conférences, toujours dans l’optique de stimuler les dialogues au centre des intérêts du comité. Nous avons également un autre projet en préparation dont nous sommes très excitées d’entreprendre : celui du recensement de vos expériences et votre point de vue concernant les genres. Nous prévoyons vous interroger et prendre le pouls de la faculté façon Humans of New York personnalisée, que nous appellerons les Genres d’Ulaval. Bref, il s’agira d’une expérience sociologique que nous attendons de mettre en œuvre avec impatience.  

À travers notre page Facebook, nous partageons des points de vue et des nouvelles portant sur l’identité sexuelle et les enjeux reliés aux genres. Nous espérons donc que vous saurez vous intéresser au sujet et que vous serez nombreux à participer concrètement à ce grand dialogue qui nous concerne tous, hommes, femmes et transgenres. De plus, le Comité est toujours ouvert aux commentaires et suggestions, mais, de surcroît, à travailler avec vous dans la réalisation de nos projets, donc n’hésitez pas à nous écrire sur Facebook pour nous partager vos idées. Votre point de vue est, après tout, simplement une question de genre.

Une merveilleuse rentrée à tous et au plaisir de discuter avec vous.

Cordialement, Charlotte Reid, Élodie Drolet, Odélie Beaurivage Godbout, Camille Dupont et Élizabeth Maheux.       

www.facebook.com/questiondegenre

 

LES FUTUROLOGUES EN DROIT: LE DROIT À L'OUBLI NUMÉRIQUE

Maryse Catellier Boulianne et Catheryne Bélanger 

Nous connaissons tous le refrain par cœur, « faites attention à ce que vous mettez en ligne » ! Cet avertissement est en effet devenu chose commune à l’ère des médias sociaux et de l’omniprésence d’Internet. Il n’est pas rare non plus d’entendre dire qu’une fois qu’une information se retrouve sur la toile, il est impossible de l’en retirer avec certitude. C’est sans doute vrai, mais cela signifie-t-il que l’on ne devrait pas essayer ? C’est comme si du moment qu’une personne va en ligne, elle renonçait tacitement à son droit à la vie privée. Or, tout le monde n’est pas de cet avis et certains se sont tournés vers le droit pour trouver une solution : le droit à l’oubli numérique. 

Source: https://www.entrepreneur.com/article/252733

Source: https://www.entrepreneur.com/article/252733

Le droit à l’oubli numérique est une notion relativement nouvelle en droit. Pour les besoins de cet article, nous nous contenterons d’étudier brièvement le droit à l’oubli numérique tel qu’il a été circonscrit par la Cour de justice de l’Union européenne dans un jugement désormais célèbre1. Dans cette affaire, Mario Costeja Gonzalez poursuit Google pour faire retirer les liens menant à de vieux articles de journaux faisant état de ses problèmes financiers passés. Il prétendait que les articles en question ressortaient toujours lors de recherches dans Google le concernant et que cela causait préjudice à sa réputation, maintenant qu’il avait réglé ses problèmes financiers. En 2014 à la surprise générale, la Cour de justice européenne lui donna raison et, par la même occasion, elle a défini le droit à l’oubli. Selon la Cour, celui-ci permet de demander le déréférencement d’informations personnelles. Une personne peut donc demander à un moteur de recherche de retirer les liens qui mènent à des informations personnelles la concernant, lorsque ces informations sont « inadéquates, pas ou plus pertinentes ou excessives au regard des finalités du traitement en cause réalisé par l’exploitant du moteur de recherche »2. À la suite de ce jugement, Google a mis en place une procédure administrative permettant aux  Européens de faire une demande de déréférencement3.

Le droit à l’oubli n’existe pas encore au Canada, mais il a déjà fait couler beaucoup d’encre en plus de soulever des débats juridiques intéressants. Dans le but d’illustrer la question, nous avons choisi de présenter certains arguments de ses défenseurs et de ses opposants. 

Aujourd’hui, nous vivons dans un village global et si les technologies de l’information offrent plusieurs avantages, il faut accepter qu’elles impli-quent également certains in-convénients.

LES ARGUMENTS EN FAVEUR DU DROIT À L’OUBLI

Internet peut parfois sembler comme un puits sans fond. L’information peut en effet y demeurer de manière permanente, en plus d’être incontrôlable et accessible mondialement. Cela peut constituer un boulet dont il est impossible de se débarrasser. En effet, est-ce vraiment juste de demander par exemple à de jeunes adolescents qui, soyons honnêtes, n’ont pas réellement le choix d’être en ligne en 2016, de se comporter de manière irréprochable au cas où un billet de blogue, une photo embarrassante ou un commentaire maladroit vienne les hanter 20, 30 ans plus tard ? N’est-ce pas là une certaine injustice intergénérationnelle ? De tout temps les gens ont fait des « erreurs de jeunesse » qui parfois refaisaient surface plus tard ; lors de campagnes électorales par exemple. Il demeure tout de même qu’il n’y a pas si longtemps ces « erreurs de jeunesse » demeuraient généralement dans le domaine privé et n’étaient donc pas aussi lourdes de conséquences. Le droit à l’oubli pourrait permettre de rétablir un certain équilibre. 

De plus, il n’existe pas pour l’instant de moyen juridique efficace de faire retirer d’Internet l’information qui viole le droit à la vie privée ou qui est autrement préjudiciable. Il suffit de penser aux limites du recours en diffamation. En effet, s’il demeure possible de poursuivre une personne qui met une information diffamatoire en ligne, si cette information est partagée à grande échelle sur les réseaux sociaux, ça devient facilement incontrôlable. Par ailleurs, les poursuites en diffamation sont également limitées par les difficultés d’accès à la justice. Compte tenu des frais d’avocats et des longs délais judiciaires, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi une telle option n’est pas toujours appropriée pour les personnes dont la réputation est atteinte en ligne. Et pourtant, le besoin demeure. C’est en effet plus de 400 000 demandes d’effacement d’URL que Google a reçues à la suite de la décision européenne4. Ces milliers de personnes ne peuvent pas tous se retourner vers le système de justice ; celui-ci s’effondrerait sans doute. Le droit à l’oubli pourrait ainsi potentiellement constituer une solution alternative intéressante. 

LES ARGUMENTS CONTRE LE DROIT À L’OUBLI

Si l’on ne peut nier la permanence des informations qui sont mises en ligne et l’impact que celles-ci peuvent avoir, ce seul aspect ne justifie pas la mise en place d’un droit à l’oubli numérique. Il faut nuancer cette notion d’injustice intergénérationnelle, puisque de tout temps la réputation d’une personne a eu un impact sur sa vie. Autrefois, la réputation de quelqu’un était connue de tout le village et cela suffisait à lui nuire. Aujourd’hui, nous vivons dans un village global et si les technologies de l’information offrent plusieurs avantages, il faut accepter qu’elles impliquent également certains inconvénients. 

Il a été souligné par plusieurs que la mise en place d’un droit à l’oubli entrerait en conflit avec la liberté d’expression5. Celle-ci protège a priori toute activité expressive, c’est-à-dire tout acte qui transmet ou tente de transmettre un message6. Il est donc évident que la mise en place d’un droit à l’oubli numérique brimerait la liberté d’expression de nombreuses personnes qui publient ou diffusent sur Internet. Bien sûr, la liberté d’expression n’est pas absolue et possède des limites, dont le recours en diffamation, au nom du droit à la sauvegarde de la réputation7. 

D’ailleurs, celui-ci répond déjà à la problématique de la diffusion d’informations préjudiciables. Il faut aussi souligner que puisque le droit à l’oubli numérique ne fait que couper le lien entre la page Web et le moteur de recherche, il ne constitue pas une véritable solution pour stopper la publication d’informations diffamatoires ou autrement illicites. Un autre élément défavorable au droit à l’oubli est qu’il rendrait très difficile l’accès à certaines données et contreviendrait ainsi au droit à l’information8.

Un dernier problème associé au droit à l’oubli numérique est que celui-ci s’apparente à une censure privée9. En effet, le pouvoir de décider si telle ou telle information doit être retirée d’Internet reviendrait à l’entreprise administrant le moteur de recherche. Or, celle-ci n’a ni la légitimité, ni l’expertise, ni la neutralité qui sont nécessaires pour prendre des décisions ayant d’aussi importantes répercussions sur les droits fondamentaux des individus.

CONCLUSION

Il nous semble clair que le cœur du débat porte sur le type d’information en cause et sur la question de savoir qui doit prendre la décision de la retirer du web. Certains cas sont plus évidents que d’autres. Par exemple, l’« oubli » d’informations liées à la cyberintimidation, au phénomène de revenge porn, aux menaces, ou encore aux informations personnelles prises sans le consentement de la personne (ex. : adresse privée) semble a priori facilement justifiable. De l’autre côté, des informations d’intérêt public, comme les dons aux partis politiques ou les articles de presse méritent d’être protégés contre l’« oubli numérique ».  Nous croyons donc que, dans un avenir proche, le droit à l’oubli aura sa place en droit canadien puisqu’il répond à un besoin, mais que celui-ci devra être soigneusement encadré et modulé de manière à tenir compte des droits fondamentaux et éviter une censure privée. Et vous, qu’en pensez-vous ? Pour ou contre le droit à l’oubli ?

*Note : Cet article est la version écrite de la première édition notre chronique mensuelle « L’avenir du droit » présentée dans le cadre de l’émission Les futurologues diffusée sur les ondes de CHYZ 94.3 le 3 septembre dernier. 

[1] Google Spain SL et Google Inc. c. Agencia Española de Protección de Datos (AEPD) et Mario Costeja González, Affaire C-131/12,  13 mai 2014, Rec. C.E. I.

2 Google Spain SL et Google Inc. c. Agencia Española de Protección de Datos (AEPD) et Mario Costeja González, Affaire C-131/12,  13 mai 2014,  Rec. C.E. I,  par. 94.

3 Jean LIOU, AFP, « Google prié d'appliquer uniformément le « droit à l'oubli » en Europe », 24 mars 2016, La Presse, en ligne : http://techno.lapresse.ca/nouvelles/internet/201603/24/014964195googleprie dappliqueruniformementledroitaloublieneurope.php, (page consultée le 1 septembre 2016).                                                                                                                                                                                  

4 Canadian Journalists for Free Expression et al., « Media Coalition Calls the « Right to be Forgotten » a Threat to Press Freedom in Canada », CJFE, 2 mai 2016, en ligne : http://www.cjfe.org/the_right _to_be_forgotten_a_threat_to_press_freedom_in_canada (page consultée le 11 septembre 2016).

5 Protégée par l’article 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.) et par l’article 3 de Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12.

6 Irwin Toy Ltd c. Québec (Procureur général),  [1989] 1 R.C.S. 927, 969.

7 Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12, art. 4.

 8 Id., art. 44.

9 Radio-Canada avec AFP et AP, « Droit à l’oubli sur internet : Google accusé de censure », Radio-Canada, 3 juillet 2014, en ligne : http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/international/2014/07/03/008-google-censure-formulaire-resultats-recherche.shtml%20 (page consultée le 25 septembre 2016).

 

 

HISTOIRES D'ÉCHANGES

Sophie D'Entremont

De retour à la Faculté de droit de l’Université Laval pour y compléter la dernière année de mon baccalauréat en droit, après quelques mois d’absence, je reviens grandie d’une expérience sans mot. J’ai quitté le Québec en février dernier, la neige encombrait ses trottoirs, il faisait gris et je disais mes derniers « au revoir » pour m’envoler vers le Luxembourg et y compléter une session d’études.  Dès lors, je savais trop bien que ce serait une femme toute différente qui retrouverait ces mêmes rues, un peu moins enneigées, un peu plus ensoleillées pour la rentrée en septembre.

Dès mon plus jeune âge, je rêvais du monde, je rêvais de partir. Cependant, quand arrive enfin le moment, celui-là où tu essuies du revers de la main les quelques larmes sur les joues de ta mère à l’aéroport et que tu te retournes seule vers ce monde, il paraît soudainement si grand et si vaste.  Un drôle de sentiment s’empare de toi, comme un vertige incoercible, car partir en échange, c’est de se lancer dans le vide, c’est partir vers l’inconnu, c’est d’avoir la trouille et l’appréhension qui te pincent le cœur.

Puis arrive le moment où tu découvres ton nouveau chez-toi, ton nouvel appartement, tes nouveaux amis, ceux et celles qui ne parlent pas ta langue maternelle et qui ne partagent ni tes habitudes ni ta façon de penser. La vie prend un tout autre rythme et, sous un pas plus rapide, tu te sens curieusement revivre à nouveau. Le mal du pays qui te guettait s’avère finalement être la prémisse de l’expérience la plus incroyable et la plus enrichissante d’une vie.

L’Europe se distingue sans contredit de l’Amérique alors que ce petit territoire regroupe un nombre incroyablement plus élevé de pays aux cultures toutes plus différentes et riches les unes que les autres et qui imprègnent de façon peu singulière mon pays d’accueil.  En effet, le multiculturalisme qui caractérise le Luxembourg a su me surprendre à coup sûr. Alors que je défilais dans les rues de sa capitale, qui compte parmi les villes les plus fortunées du monde, je m’amusais à observer les passants, à tenter de deviner les dialectes les plus étranges et les origines les moins familières. Faire son épicerie n’aura jamais été aussi intéressant, alors que ses citoyens apprennent au minimum quatre langues dès leur plus jeune âge et qu’il leur importe peu d’acheter un pot de confiture en allemand, en français, en anglais ou encore en luxembourgeois.

La Faculté de droit, quant à elle, où le droit comparé est le mot d’ordre, se distingue par son corps professoral de qualité et témoigne, encore une fois, de la richesse de ce petit pays européen.  Je la recommanderais à quiconque éprouvant le moindre intérêt pour le droit des affaires, car il va sans dire que les cours dans le domaine n’y manquent pas.  La mentalité qui diffère largement de la nôtre, de par son libéralisme marquant, donne le ton à l’enseignement qui y est promulgué et rend la chose d’autant plus intéressante. L’expérience ne saurait être complète sans une visite toute spéciale à la la Cour de Justice de l'Union Européenne, où son étonnante architecture et ses deux impressionnantes tours dorées s’élèvent fièrement au centre du quartier financier. Je me suis sans contredit sentie des plus choyés alors que j’assistais à une conférence du Juge Francois Biltgen, qui compte parmi les 28 juges siégeant à la plus haute instance en matière de droit européen.

Il serait toutefois naïf de croire que l’on peut raconter des mois si intenses en quelques lignes seulement, que l’on puisse faire un portrait qui rende justice à une telle expérience, avec toutes ses nuances et ses subtilités.  

Des romans ne pourraient venir à bout de tous ses moments inoubliables, toutes ses réflexions, toutes ses discussions, toutes ses rencontres extraordinaires, tous ses nombreux voyages, tous ses endroits dont aucune photo ne pourrait proprement en refléter la beauté, mais qui restent à jamais dans une mémoire, qui à son tour s'effile et s’embrouille.

Chose certaine, c’est lorsqu’on s’immerge dans un nouvel endroit que l’on finit par connaître chacun de ses aspects, ceux qui nous auraient normalement échappés dans un voyage plus touristique. Et c’est là toute la beauté de la chose. Car notre vision du monde est trop souvent infondée et nos opinions sont perpétuellement biaisées par les médias, par les réseaux sociaux, par les gens qui nous entourent. Il m’est apparu, plus que jamais, que l’on se devait de faire nos propres découvertes. 

J’ai découvert que plus on visite le monde, plus il nous apparaît à la fois vaste et intriguant, à la fois inspirant et déboussolant. J’ai découvert que la richesse d’un pays ne se mesure ni par sa taille ni par ses infrastructures, mais par sa culture, son histoire et ses gens. J’ai découvert que l’argent n’était pas à lui seul générateur de grandes choses et que la nature peut nous impressionner tout autant que la plus impressionnante des architectures. J’ai découvert que l’on peut se laisser éblouir par les merveilles du monde, mais également des petits riens, de ces choses éphémères qui seraient normalement passées inaperçues, mais qui, ô combien nous fascinent lorsqu’on y porte attention. J’ai découvert ce que signifiait de prendre réellement et impunément le temps de profiter de la vie et de simplement arrêter de compter les secondes qui s’écoulent malgré nous. J’ai découvert que tout est relatif et qu’un court instant peut nous faire grandir et ressentir, comme si on faisait un bond dans l’espace-temps, alors que plus souvent qu’autrement, on vieillit ride à ride, jour après jour, lentement au fil des années. J’ai découvert que les voyages forment assurément la jeunesse et que les mésaventures auxquelles personne n’échappe font de bonnes histoires à raconter au retour. J’ai découvert que les liens que l’on tisse avec les gens nous tiennent à tout jamais et qu’il est parfois déchirant d’avoir ces ficelles qui nous rattachent aux quatre coins du monde. J’ai découvert que chacun devrait prendre du temps pour soi, même si cela signifie parfois d’être seul, et que l’on sous-estime le bien-être qu’apporte un lever du soleil, pieds nus dans le sable avec le seul bruit des vagues. J’ai découvert qu’au-delà de la Tour Eiffel et de la vue qu’on y a tout en haut, la beauté de voyager et d’étudier à l’étranger réside dans ces découvertes que l’on fait, sur le monde, sur la vie et sur soi-même.

HISTOIRES D'ÉCHANGES

Marc-Antoine Patenaude 

Ferrara, Italie, session d’hiver 2016

Depuis le début de la session, je dis et redis à toutes les nouvelles recrues de la faculté de ne pas s’en faire avec la charge de travail imposante qui vient avec le baccalauréat en droit, qu’il y a une adaptation, que tout va finir par se placer et qu’ils ne couleront pas leurs examens. Mon secret, c’est que je vis un peu la même situation qu’eux. Sans vouloir jouer les victimes, il n’a pas été facile de passer du mode de vie québécois à la dolce vita italienne, mais surtout, l’inverse s’est avéré être encore plus ardu.

Cette dolce vita à Ferrara, ça avait l’air de quoi ? C’était me lever à 11h (heure à laquelle la ville commence à s’animer), aller me chercher un cappucino avec des pâtisseries à un euro pour débuter ma journée du bon pied pour ensuite me rendre à mon cours dans cette université vieille de plus de 600 ans (l’Université de Ferrara a quand même été fondée en 1391 !). Évidemment, s’il était écrit à l’horaire que mon cours débutait à 13h, jamais un enseignant ne débutait son cours avant 13h15, les italiens appellent ça un « délai administratif », ce qui peut se traduire ici par : « les Italiens sont incapables d’arriver à l’heure ». Au niveau des cours, et bien je peux vous dire que le système italien est beaucoup moins exigeant qu’il ne l’est ici. Tout d’abord, aucune lecture ! C’est ce qui m’a frappé le plus dès le début des cours, pas d’ouvrages doctrinaux à lire, la jurisprudence est couverte en classe, tout comme la législation pertinente. Quelle immense différence par rapport aux pages de lecture qui n’en finissent plus de s’accumuler au fil de ma procrastination.

16h00, le cours terminé, que faire à Ferrara ? Il fait chaud aujourd’hui (en fait, il fait chaud tous les jours, en partant de 15 degrés Celsius à mon arrivée en février, jusqu’à aller à 35 lors de mon départ en juin), quoi de mieux pour combattre la chaleur qu’une bonne gelato italienne, principale raison de ma prise de poids durant mon échange. Ensuite, pour s’assurer de bien digérer, une petite promenade sur les fortifications médiévales de la ville, datant du 15e siècle et toujours bien intactes, est de mise. C’est bière à la main que je croise nombreux joggeurs, promeneurs de chiens et vieillards. Ah ces vieillards italiens ! Ils sont exactement comme on les imagine, toujours bien habillés, avec un béret ou un petit chapeau, je suis toujours persuadé qu’ils sont engagés par la ville pour s’habiller ainsi et pour déambuler dans les rues. Ça ajoute du cachet à Ferrara.

Vient ensuite mon moment préféré de la journée et de la culture italienne, l’aperitivo ! L’apéritif, considéré un peu comme une tradition de vieux au Québec, est bien ancré dans les habitudes de la jeune populace italienne. Le principe est simple, tu vas prendre un verre au bar et ça te donne accès à toute la nourriture servie sous forme de buffet, et attention, on ne parle pas ici d’un buffet dans le style « Buffet chez Marcelle » avec du Kraft Dinner température pièce. Les italiens sont par nature des épicuriens. Surtout quand ça touche la nourriture ! On parle ici de pizza traditionnelle italienne, de pâtes et autres bouchées succulentes. Tout ça pour le prix d’un verre de Spritz (soit deux euros).

21h00, la soirée commence, tout le monde se rassemble devant le Duomo, l’église centrale de Ferrara, bouteille de vin ou de bière à la main pour discuter. Pratiquement toute la population de Ferrara de 18 à 25 ans s’y trouve, on y voit tous nos amis Erasmus, plusieurs italiens, beaucoup, beaucoup de gens à vélo. Ça me faisait bizarre au début de consommer de la boisson devant un lieu religieux mais si tout le monde est à l’aise avec ça, aussi bien me fondre dans la masse.

23h30, la soirée tire à sa fin, certains quittent pour aller rejoindre les boîtes de nuit, d’autres avec les priorités aux bonnes places comme moi préfèrent terminer la veillée avec un kebab ou bien avec une délicieuse pizza italienne. On retourne ensuite à la maison, dodo, et puis on recommence, et ce, pendant 4 mois, j’aime l’Italie.

Et les examens dans tout ça me direz-vous? Disons qu’ils sont à l’image des Italiens, très décontractés. Plusieurs des examens se font à l’oral et pour le seul examen à l’écrit que j’ai eu à faire, l’ordinateur était permis. De plus, pas de stress au niveau de la performance, le système d’éducation italien possède cette particularité où il est possible de refuser sa note, dans un tel cas l’examen peut être repris plusieurs fois jusqu’à l’obtention d’une note satisfaisante.

Je n’aurais pu demander mieux comme conditions pour une session en échange, cela m’a laissé beaucoup de temps pour explorer divers pays. En quatre mois à l’étranger, j’ai eu la chance de prendre 17 vols, voir 9 pays sur 3 continents. Dites-vous que ça en fait pas mal des photos Instagram des voyages comme ça. C’est d’ailleurs au fil de mes aventures que j’en suis venu à développer une relation amour/haine avec la compagnie d’aviation Ryanair, oui le service de Ryanair est exécrable et les vols sont incroyablement inconfortables, mais d’un autre côté, avoir un vol pour la Grèce aller-retour pour la modique somme de 18 euros, ça n’a pas de prix… Ou presque ! Parlant de la Grèce, si vous voulez prendre un traversier pour aller en Turquie, je vous avertis d’avance, le visa turc coûte 60 euros, ne faites pas le saut en arrivant à la frontière ! Par contre ça fait toujours beau dans un passeport et les kebabs y sont incroyables.

Ma session à l’étranger m’a permis de barrer l’un des points au sommet de ma liste de choses à faire avant de mourir, j’ai enfin pu assister à un match du FC Barcelone au mythique Camp Nou. Tout le stress de partir à l’étranger, de ne pas voir ma copine, mes amis, ma famille et mon chien pendant 4 mois, tout ça valait la peine pour voir Lionel Messi compter un but sur un coup franc incroyable de mes propres yeux. Honnêtement, à ce moment-là c’est comme si j’avais 6 ans, j’étais assis dans la foule et je ne faisais que sourire bêtement et c’est probablement un moment qui va rester ancré dans mes souvenirs pour toute ma vie.

Mais surtout, mon échange aura valu la peine pour les rencontres que j’y ai faites, la communauté Erasmus est tissée assez serrée dans un contexte comme ça. Je ne peux vous cacher que j’ai toujours un petit pincement au cœur quand je pense à mes amis de l’autre côté de l’Atlantique, Carmen des Pays-Bas, Louise de la Suède, Isabel de l’Allemagne, Tenshiro du Japon de même que mes fidèles colocataires Niccolo et Guillaume, auront tous contribué à faire de ma session d’hiver 2016 une expérience haute en couleur que je n’oublierai pas de sitôt.

En rétrospective, même si j’apprécie notre classique poutine québécoise, nos paysages et notre mode de vie nord-américain, il y aura toujours une petite partie de moi qui sera restée à Ferrara et je crois ne pas en avoir fini de me surprendre à rêvasser entre deux pages de doctrine et à m’imaginer là-bas devant le Duomo, avec un bon Spritz à la main et mes amis à mes côtés. Vraiment, le retour à la réalité est beaucoup plus dur que je ne le croyais.