CRIMINALISATION À L’ENCONTRE DES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS – PLUS VRAI QUE JAMAIS : LE CAS DU GUATEMALA

Rodrigo Olmos-Hortiguela

 

Ce titre peut vous sembler tout à fait choquant, ironique à la limite de l’impossible. Détrompez-vous, la lutte contre l’impunité vient avec un lot de conséquences. Se battre pour le respect des droits humains est une activité à hauts risques et les gens qui s’y engagent corps et âme deviennent la cible privilégiée des autorités et groupes privés. Menaces, extorsion, attaques, arrestations, torture, voici un portrait des actes auxquels les défenseurs des droits humains doivent faire face quotidiennement. 

Nous avons tous déjà eu cette image en tête du défenseur des droits qui arrive dans un lieu tel un super-héros. L’air fier et confiant, il sauve la vie de milliers de personnes. Les enfants l’entourent et veulent son attention. « Il est là, enfin il est là! » crie un enfant, une larme de joie glissant sur sa joue.  Tous l’admirent et ses efforts lui vaudront certainement le Nobel de la paix. Voilà que quelques jours plus tard, nous apprenons que le sauveur est disparu, emprisonné ou mystérieusement assassiné. Notre bulle derêve éclate tout d’un coup, la réalité nous frappe au visage.

Guatemala – Cas Saúl Aurelio Méndez Muñoz et Antonio Rogelio Velásquez López

Au Guatemala, les défenseurs du droit à la terre, c’est-à-dire tous ceux qui s’opposent à l’accaparement des terres par les entreprises transnationales font face à une répression toujours plus forte. En 2008, l’entreprise Hidro Santa Cruz a commencé à réaliser des travaux pour développer un projet hydroélectrique. Tout a été mis en place sans avoir préalablement consulté ni avisé la population indigène des lieux. Méndez et Velásquez, défenseurs des droits à la terre, ont été accusés de meurtre et féminicide pour des actes auxquels ils ne faisaient pas partie. Chacun d’eux a été condamné à 33 ans et 4 mois de prison par le Tribunal.

Acteurs clés du processus de la mauvaise utilisation du droit pénal afin de criminaliser les défenseurs des droits humains

Le bref cas présenté en est un parmi tant d’autres, or, il permet de mettre en évidence les acteurs principaux de la criminalisation des défenseurs des droits humains.  Selon le rapport annuel 2014 de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, les défenseurs des droits à la terre forment le groupe reportant le plus de dénonciations sur des violations des droits humains. Les défenseurs des droits à la terre regroupent des activistes qui défendent les droits à la terre par la voie de la liberté d’expression. En ce sens, ils vont prendre des actions légales contre les entreprises, organiser des campagnes de sensibilisation ou manifester dans les rues. Dans la plupart des cas, ce type de défenseur sera aussi unchef indigène.

Cette mise en évidence nous permet de faire ressortir une interrelation entre les autorités publiques, le système judiciaire et les entreprises. Ces entités compromettent la primauté du droit en faisant une mauvaise utilisation du droit pénal et ainsi criminalisent tout défendeur des droits humains qui ose se faire entendre. Bref, on utilise le droit pénal afin d’assujettir toute personne à des poursuites judiciaires ayant comme but de réprimer et punir la contestation sociale ou toute critique contre des personnages politiques et privés.

Conséquence de la criminalisation des défenseurs des droits humains

Seulement au Guatemala, 30% des attaques étaient dirigées envers les défenseurs des droits humains travaillant dans le domaine de la justice en 2007. En plus d’attaques physiques, ils sont accusés de terrorisme, de volet de danger national. D’une part, les tribunaux nuisent à la lutte contre l’impunité en créant une jurisprudence qui condamne les défenseurs des droits humains. D’autre part, cette criminalisation effraie plusieurs défenseurs qui préfèrent se retirer au lieu de mettre leur vie et celles de ceux qui les entourent en péril. De manière générale, il y a une pénurie d’avocats spécialisés en droits humains disposés à représenter au tribunal des victimes vulnérables de violations de droits humains. De cette pénurie découle des problèmes reliés à l’accès à la justice.

Avocats sans frontières Canada (ASFC) au Guatemala

ASFC a mis en place un programme ayant comme objectifde renforcer l’accès des organisations de la société civile et des groupes vulnérables à une représentation légale qualifiée et ainsi répondre à la pénurie de spécialistes. D’ailleurs ASFC a implanté, entre autres, un cabinet d’avocats guatémaltèques spécialisés en litige stratégique de droits humains. Le litige stratégique de droits humains consiste à mener des cas emblématiques devant les tribunaux nationaux et internationaux afin de créer ou d’influencer la jurisprudence de manière favorable à la réalisation effective des droits humains.

Note : La présente chronique n’engage la responsabilité que de son auteur pour son contenu et les opinions qui sont exprimées. Le masculin est utilisé pour alléger le texte, et ce, sans préjudice pour la forme féminine. De la même façon, toute citation a été omise pour ainsi rendre le texte plus fluide.