RESPIRER
Par Eve Gaumond
Entre dépression saisonnière automnale, sondage maison, annonce gouvernementale et anxiété de performance pré-examen, la thématique de la santé mentale s’est imposée d’elle-même dans le cadre de la présente édition du Verdict. Avant même que je n’aie même choisi mon propre sujet, on m’avait déjà envoyé trois articles sur cette question. Grand bien cela fasse, il s’agit d’un sujet dont on traite souvent trop peu.
Cela étant, depuis quelques années, le tabou quant aux problématiques de santé mentale s’effrite tranquillement. Les stigmates tombent peu à peu et avec la fin de l’opprobre, il est presque devenu de bon ton de confesser à la blague ses traits asperger ou TOC. Devient Sheldon Cooper qui veut…
Le trouble anxieux est également bien en vogue et c’est, semblerait-il, ce trouble qui nous guette le plus sévèrement, nous, juristes en devenir. Le droit serait, paraît-il, une véritable usine à névrosés. La pression académique et professionnelle ajoutée à la montagne de lectures ainsi qu’à la pénurie d’encre de nos surligneurs ferait naître une armée de zombies angoissés.
Or, n’est-il pas un peu nombriliste de s’imaginer que le stress n’existe qu’à l’ombre de la balance de Thémis? Le droit n’a pas le monopole du stress et du travail acharné.
Et puis, il y a un monde entre l’anxiété et le stress. L’anxiété paralyse et étouffe. Le stress agite et anime. Il agit parfois aussi comme motivateur. Poussant les athlètes à battre des records, les artistes à livrer la performance de leur vie et les étudiants à donner le meilleur d’eux-même. L’énergie créatrice induite par le stress est souvent sans pareil. En effet, combien d’entre nous finissent de rédiger leurs travaux la nuit avant la remise parce que l’adrénaline les motive?
Le stress est le pendant de la passion, il permet de vaincre l’adversité et d’atteindre l’excellence. Alors certes les études en droit peuvent être exigeantes et stressantes, mais sincèrement je n’y vois aucun problème.
Mais lorsque le stress devient un boulet qui empêche de progresser, un mur infranchissable entre soi-même et la réussite, un facteur de démobilisation et de dévalorisation, il ne s’agit plus de simple stress, mais plutôt d’anxiété. L’anxiété constitue un grave problème dont les causes sont complexes et les conséquences parfois sérieusement handicapantes. Bien que je salue l’initiative de la faculté quant aux stresseurs inutiles, je doute que le fait de distribuer des balles anti-stress à tous permettra de régler des problèmes de cette envergure.
Dans le pavillon voisin du nôtre, l’université forme des professionnels dont la spécialité est justement de se consacrer à aider ce genre de problèmes : les psychologues. Beaucoup d’entre nous traverseront des périodes difficiles au cours de leur parcours à la faculté. Dépression, surmenage, trouble anxieux, crises d’angoisse, idées suicidaires, dépendances… Ces souffrances doivent être entendues et traitées. Par ailleurs, au-delà des problèmes épisodiques, il y aura aussi les troubles de santé mentale récurrents pour lesquels un encadrement spécialisé, adapté aux réalités des étudiants de droit pourrait être bénéfique. Enfin, une approche préventive pourrait également être profitable à plusieurs. En effet, si tous ne souffriront pas de maladie mentale, bien rares seront ceux qui échapperont aux remises en questions et aux crises existentielles. Des consultations psychologiques pourraient permettre de désamorcer bien des bombes.
Si la faculté à cru bon de se doter d’un conseiller en emploi pour encadrer les étudiants dans leur processus d’accès au marché du travail, je crois qu’il serait tout aussi pertinent qu’elle s’adjoigne les services d’un psychologue qui serait disponible pour venir en aide aux étudiants dans le besoin. Il s’agit certes d’une mesure plus coûteuse et complexe, mais elle témoignerait d’un engagement fort sincère et novateur envers la promotion de la santé mentale.
Enfin, j'aimerais féliciter Josée Therrien pour son initiative et la remercier pour avoir su susciter le débat sur cette importante question.