LE VERDICT

Journal des étudiants en droit de l'Université Laval

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April 09, 2018 by Le Verdict

Nous ne nous étions pas donnés de thème précis pour la présente édition, préférant laisser fuser l’imagination de chacun. Or le hasard fait bien les choses et l’inconscient collectif, une fois de plus, nous a bien servi. Les divers articles, de prime abord un peu disparates, sont en fait liés par une ligne directrice ô combien d’actualité : les luttes collectives. 
En 2013, trois travailleuses du sexe rassemblent leurs forces et font invalider les dispositions criminalisant certaines activités relatives à la prostitution. Ensemble, elles ébranlent l’ordre établi et, par le fait même, font trembler quelques députés conservateurs. Plus récemment en janvier 2018, six militaires portent un pourvoi en Cour suprême pour rétablir le régime d’indemnisation des vétérans blessés au combat. En partageant le fardeau de ces luttes sur plusieurs épaules, les demandeurs accroissent leur force de frappe. Ensemble, ils militent pour le bien commun.
Au-delà du monde judiciaire, l’indignation collective soulevée par le scandale Cambridge Analytica amènera le président fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, à venir témoigner devant le Congrès pour rendre des comptes quant aux fuites massives de renseignements personnels dont son entreprise est responsable. Par ailleurs, les révélations massives de #moiaussi ont eu les impacts positifs qu’on leur connait et enfin, le mouvement #NeverAgain porté par les survivants  de la tuerie de Parkland en Floride est une autre preuve que l’union fait la force. En effet, les impacts de l’événement « March for Our Lives » et des témoignages des survivants commencent déjà à se faire sentir. La population américaine se conscientise quant aux risques du second amendement.    
C’est grâce à ces étudiants, atterrés par le décès de leurs camarades, qui se sont rassemblés et qui ont élevé leurs voix que cette prise de conscience s’opère. Ils se sont levés et ont entrainé dans leur sillage des centaines de milliers de personnes qui ont marché pour demander un contrôle plus strict des armes à feu. Plutôt que de sombrer dans l’apitoiement, ces jeunes se sont investis pour améliorer la société. Plutôt que de s’isoler, ils ont uni leur peine pour en faire un bouclier, pour se protéger d’une société qui elle, ne les protège plus.
Or, il n’est pas nécessaire d’attendre une telle tragédie pour se rassembler et travailler à faire un monde meilleur. Nous avons bien souvent tendance à être endormis, obnubilés par la quotidienneté de nos vies. Tapis dans le cynisme, nous nous complaisons dans notre confort relatif et délaissons nos idéaux. Pourtant, en tant qu’étudiants, nous serions bien placés pour être utopistes et, en tant que juristes, nous serions bien outillés pour avoir un impact sur la société.
En ce sens, j’aimerais que l’on s’unisse. J’aimerais voir l’AED prendre position dans les débats sociaux, s’impliquer encore plus au sein de la communauté. J’aimerais nous voir nous engager pour ces brillantes idées qui surgissent parfois des discussions entendues à la Dissidence. J’aimerais sentir cette solidarité et cet engagement envers un idéal commun, quel qu'il soit. Nous avons le pouvoir d'être des vecteurs de changement. 

 


 

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April 08, 2018 by Le Verdict

Le 31 janvier dernier, les plaignants de l’affaire Scott c. Canada (Procureur général), de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, ont déposé un mémoire d’appel à la Cour suprême du Canada. Mieux connue sous le nom de l’affaire Equitas, pour l’organisme à but non-lucratif qui la finance, cette affaire met de l’avant six vétérans des Forces armées canadiennes ayant subi des lésions corporelles permanentes à l’occasion de missions en Afghanistan, qui contestent les pensions leur étant allouées par le gouvernement fédéral. Selon ces vétérans, les allocations financières versées aux militaires s’étant blessés dans l’exercice de leurs fonctions sont largement inadéquates et contraires à l’existence d’une prétendue convention sociale entre la Couronne et les combattants des forces armées, qui garantirait une prise en charge raisonnable des soldats qui retournent de guerre. Subsidiairement, un tel régime de compensation serait également contraire au droit à l’égalité et au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, protégés par les articles 15 et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Actuellement, les pensions militaires sont versées en fonction de la Nouvelle Charte des anciens combattants, qui a remplacé la Loi sur les pensions en avril 2006. Alors que la Loi sur les pensions garantissait auparavant une pension à vie aux militaires blessés dans l’exercice de leurs fonctions, la Nouvelle Charte des anciens combattants ne permet que l’octroi d’un montant forfaitaire. Cette indemnité, étant non seulement plus difficile à gérer qu’un montant offert sous forme de rente, est d’ailleurs nettement inférieure aux pensions précédentes. En effet, des études ont démontré qu’un soldat s’étant blessé après 2006 ne reçoit qu’en moyenne 65% de ce qu’il aurait reçu sous la Loi sur les pensions[1]. La Nouvelle Charte ne prend également pas l’âge, le statut conjugal ni le nombre d’enfants d’un vétéran en ligne de compte. Ainsi, puisque les soldats blessés avant avril 2006 conservent leurs droits acquis, deux soldats peuvent se retrouver avec des pensions vastement différentes pour la même blessure dans la même guerre, dépendamment de la date à laquelle ils ont été blessés et du régime qui leur est applicable.

Concrètement, une fluctuation aussi importante dans la pension de nos vétérans signifie que ceux-ci mettent leur vie en danger pour un pays qui ne leur accorde aucune garantie mutuelle de traitement. Pourtant, une telle garantie est des plus essentielles pour une réhabilitation adéquate au sein de la société. Avec près de la moitié (48.4%) des membres des Forces armées régulières souffrant de troubles mentaux ou de dépendances à l’alcool au courant de leur vie, ceux-ci ont réellement besoin d’être pris en charge correctement[2]. On constate d’ailleurs que les taux de stress post-traumatique, de trouble panique et de sans-abris grandissent de manière alarmante chez les vétérans.

« Nous faisons appel à la Cour suprême parce que nous ne croyons pas avoir le choix », dit Aaron Bedard, un des appelants de l’affaire, souffrant lui-même de stress post-traumatique. Concerné d’une potentielle épidémie de suicide à l’intérieur de son métier, celui-ci avoue ne plus éprouver de fierté pour les médailles d’honneur qu’il porte.

Malgré le retour aux pensions à vie proposé par les Libéraux en décembre dernier, le mécontentement subsiste au sein de la communauté militaire. En effet, le régime proposé serait significativement moindre que ce qui avait initialement été promis par Trudeau lors de sa campagne électorale. Selon ce nouveau régime, l’allocation moyenne prévue pour les récipients de l’indemnité ne serait que de 200$ par mois, comparativement aux pensions à vie antérieures à 2006, qui allouait jusqu’à 2 733$ par mois, avec un montant additionnel de 680$ pour les conjoints et les enfants des blessés[3]. Une telle disparité de traitement s’avère malheureusement capitale pour les vétérans avec les blessures les plus sévères, qui sont dans l’incapacité de travailler et qui comptent sur ces pensions pour leur subsistance.

Ainsi, la question se pose : Si on s’occupe de nos malades, de nos blessés et de nos pauvres; pourquoi on ne s’occupe pas de nos vétérans? Quand est-ce que leur traitement a cessé d’être une priorité? Quel est le but d’avoir une armée si le gouvernement fédéral n’a pas suffisamment de fonds pour prendre soin des soldats qui subissent des traumatismes en guerre à ses dépens? En l’absence d’une convention sociale assurant des pensions raisonnables et équitables aux vétérans, on demande essentiellement aux militaires de fournir une responsabilité illimitée sur leur personne et ce, gratuitement.

Pour citer Major Mark Douglas Campbell, un des appelants de l’affaire Equitas, ayant perdu ses deux jambes en Afghanistan : « Pourquoi les membres de nos forces armées continueraient à mettre leur vie en danger pour un pays qui ne leur promet pas de traitement réciproque s’ils sont malades ou blessés dans l’exercice de leurs fonctions? Je ne permettrais jamais à mes enfants de se joindre une telle organisation et je ne m’y joindrais pas non plus, si j’avais à le refaire. ».

 

[1] Alice AIKEN et Amy BUTTENHUIS, « New Veterans Charter Shortchanges our Disabled Soldiers», The Globe and Mail, 23 août 2012.

[2] Caryn PEARSON, Mark ZAMORSKI et Teresa JANZ, « Mental Health Care of the Canadian Armed Forces», 2013 Statistics Canada Catalogue no. 82-624-X, Tableau 1.

[3] Sean BRUYEA, « Liberals’ new “pension for life” for veterans fails to live up to campaign promises», CBC News, 2 janvier 2018.

 

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April 08, 2018 by Le Verdict

Il est rare que je m’implique aussi personnellement dans un article, mais j’écris celui-ci avec un énorme poids sur le cœur. Le 24 mars, un jeune homme de 17 ans a perdu la vie à la suite d’un accident survenu la veille au soir. Le piéton s'est fait happer de plein fouet par l’automobile , dont le conducteur était lourdement intoxiqué par l’alcool, alors qu’il marchait avec un ami et sa copine. Le jeune homme était un ami proche de mon copain et une personne appréciée de tous, un rayon de soleil, comme de nombreuses personnes disaient. C’est dans de tels moments qu’on ne peut que se dire que la vie est injuste ou qu’elle n’a simplement pas de sens. Malheureusement, l’erreur d’une seule personne a causé la mort d’une personne qui avait un bel avenir devant lui.

L’alcool au volant est un fléau et cause de nombreux accidents. Chaque année au Québec environ 130 personnes meurent dans des accidents causés par l’alcool au volant, c’est d’ailleurs l’une des causes principales d’accident au Québec [1]. La loi punit sévèrement les infractions et les accidents ayant pour cause l’alcool au volant, que ce soit par le Code de la sécurité routière ou le Code criminel. La peine maximale, lorsque l’accident cause des lésions graves, s’élève à 10 ans de prison et même à l’emprisonnement à perpétuité si elle cause la mort.[2]. Toutefois, lorsque je vois les proches d’une victime dévastés par la peine, je ne peux m’empêcher de ressentir de la colère. Je n’arrive pas à comprendre que, malgré la sévérité des lois, qui ont d’ailleurs été modifiées de façon à être plus strictes en 2008[3], le message ne passe pas. Malgré la sensibilisation, le trop grand nombre de victimes, rien ne change; certaines personnes n’ont pas encore compris la morale de l’histoire. Malheureusement, de nombreuses personnes tentent le diable et prennent tout de même le volant alors qu’ils sont intoxiqués et causent des tragédies comme celle survenue la nuit du 23 mars. Il est difficile pour une personne sensée de comprendre ce qui passe par la tête d’une personne au moment de prendre la décision de conduire malgré le fait qu’elle soit intoxiquée. Le fait que cette personne ne met pas seulement sa vie, mais aussi celle des autres en danger, en plus des énormes conséquences prévues par la loi ne sont-elles pas suffisante pour lui faire changer d’idée? J’ai bien peur que certaines personnes n’attendent que de vivre l’accident elles-mêmes avant de comprendre.

Je ne peux que tourner mes pensées vers les proches, les victimes, qui doivent vivre avec les cicatrices, avec l’absence d’une personne qui leur était chère. Dans le cas récent du jeune homme de 17 ans, c’est la perte d’un fils, d’un frère, d’un ami, d’un copain, d’un proche. C’est devoir réapprendre à vivre sa vie avec un vide causé par une personne qui n’a pas mesuré les conséquences de ses actes. Il est difficile d’accepter la situation pour n’importe quelle personne lorsque l’on peut seulement se dire que celle-ci ne serait pas arrivée si le conducteur n’avait pas pris le volant cette soirée-là. Les proches d’une victime ne peuvent que souffrir d’un énorme ressentiment, une profonde tristesse face à une situation auquel ils n’avaient malheureusement aucun contrôle, où ils étaient coincés dans une profonde impuissance. Le chauffard aura aussi un poids énorme sur sa conscience, il devra dorénavant vivre avec le fait qu’il a tué une personne, qu’il a pris la vie d’une personne qui n’aurait jamais dû partir aussi tôt. Je trouve que ce poids est davantage difficile à porter que les nombreuses conséquences prévues par la loi. Malheureusement, certains n’attendent que de recevoir cet électrochoc pour comprendre le danger d’un tel comportement.

Je ne peux qu’avancer ici le fait que la sévérité des lois ne peut être nécessairement mise en cause, mais plutôt le fait que certaines personnes font simplement preuve d’une ignorance dangereuse, une ignorance parfois mortelle. Je me demande combien de personnes devront mourir; combien d’accidents devront-ils se produire pour que chacun ouvre les yeux sur les dangers de la conduite avec les facultés affaiblies? Combien de jeunes, d’adultes ou d’enfants devront être victimes de tels accidents pour que chacun arrête de prendre des chances inutiles? Prenez un temps pour réfléchir avant de prendre le volant et ne prenez pas la chance de subir des conséquences à de trop lourdes portées. Ne tentez pas de vous convaincre que vous êtes capables de conduire, que votre maison n’est pas si loin; c’est en tentant de vous convaincre comme cela que des tragédies se produisent. On est tous responsable d’aider à prévenir de telles situations, alors n’hésitez pas à sensibiliser votre entourage à faire de même et ne laissez pas partir un proche qui a les facultés affaiblies. N’attendez pas qu’un de vos proches, ou vous-mêmes, soient victime d’un tel accident pour agir; il sera peut-être déjà trop tard.

Je dédie cet article à Thomas Ratté et je souhaite mes plus sincères condoléances à sa famille et ses proches. Soyez forts et profitez de la vie pour lui, rappelez-vous qu’il sera toujours avec vous et gardez en tête les bons souvenirs. Je suis de tout cœur avec vous.
 

 

[1] SAAQ., « Alcool, le saviez-vous? », Société de l’assurance automobile du Québec, [en ligne], [https://saaq.gouv.qc.ca/securite-routiere/comportements/alcool/saviez-vous/] (25 mars 2018)

[2]Amélie Pilon, « Résolution : alcool et volant, un point final! », Le Blogue: le droit sous tous les angles,  SOQUIJ dossier: résolutions, [en ligne], [http://blogue.soquij.qc.ca/2018/01/16/resolution-alcool-volant-point-final/] (25 mars 2018)

[3] Ibid.

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April 08, 2018 by Le Verdict

Quiconque a déjà fait la route entre le centre-ville de Montréal et l’aéroport de Dorval a bien pu constater qu’il ne s’agit pas de la plus belle vitrine qu’on puisse offrir à nos visiteurs étrangers. Le transport est inefficace et, en ce qui concerne les routes, il serait plus juste de parler de ruines modernes que de véritables infrastructures. À cet effet, on peut comprendre l’enthousiasme qu’avait suscité l’annonce, en janvier 2015, de la construction du Réseau électrique métropolitain, aujourd’hui devenu le Réseau express métropolitain (REM).
 
En soit, le projet du REM est d’une envergure beaucoup plus vaste qu’une simple connexion vers l’aéroport. Il s’agit d’un nouveau réseau reliant, sur un total de 67 km, le centre-ville de Montréal, la Rive-Sud, l’Ouest-de-l’Île, la Rive-Nord, et l’aéroport. Bref, on parle du plus important développement en transport en commun depuis l’inauguration du métro de Montréal en 1966.
 
Le coût de construction du Réseau est évalué à 6,3 milliards de dollars, dont près de la moitié sera assumée par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). En fait, c’est là que se trouve une des véritables innovations du projet. Par cette entente, le REM devient le premier projet de partenariat public-public au Québec. Ainsi, par ce nouveau modèle, le gouvernement identifie les besoins en infrastructure et ensuite la Caisse propose des solutions, s’occupe de la gestion du projet et de son exploitation via sa nouvelle filiale CDPQ Infra.
 
D’emblée, l’idée peut sembler attrayante. Développer une nouvelle offre de transport en commun en partageant la facture avec un géant des gestionnaires de fonds. D’un point de vue financier, le gouvernement minimise son impact sur la dette publique, ce qui permet de faire bonne figure dans les livres comptables. Pour la Caisse, on développe un nouveau créneau d’investissement exportable à travers le monde et on s’offre la possibilité de faire fructifier davantage le fonds de retraite des citoyens. D’un point de vue environnemental, le projet devrait permettre de réduire notre empreinte écologique en diminuant le nombre de voitures sur les routes. À cet effet, des organismes crédibles comme Équiterre, la Fondation David Suzuki et Vivre en Ville ont déjà offert leur bénédiction au projet.
 
Toutefois, comme dans bien des cas, le diable est dans les détails.
 
D’entrée de jeu, ce nouveau modèle de gestion défie les logiques de l’administration publique. En temps normal, l’objectif d’un tel investissement est de répondre à un besoin et d’offrir un service à la population. La rentabilité du projet, bien qu’elle soit souhaitable, s’inscrit davantage comme un moyen que comme une fin en soi. En confiant la gestion du projet à la Caisse de dépôt, on vient donc complètement renverser cette prémisse. Si on se réfère à l’article 4.1 de la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, on peut bien voir que la Caisse a d’abord et avant tout pour mission de rechercher le rendement optimal de ses capitaux. Cette réalité s’est déjà fait sentir dans plusieurs phases du projet.
 
D’abord, en étudiant le trajet qui est planifié, on remarque que c’est l’Ouest-de-l’Île qui a obtenu la part du lion. Cette situation, où l’Est est relégué au simple rang de « considération future », avait d’ailleurs été hautement critiquée au niveau politique. En effet, considérant l’importance du développement vers Terrebonne et Repentigny, on peut difficilement croire que l’ajout d’une telle ligne se serait transformé en éléphant blanc pour la Caisse. Il en va d’un simple sentiment d’équité régional. Pourtant, en réponse à cela, on nous rappelle que le tracé proposé par la Caisse répond parfaitement à son objectif de rentabilité. En clair, le message, c’est qu’il vaut mieux modérer ses attentes légitimes en matière de service public si elles ne s’inscrivent pas parfaitement dans la gestion optimale des ressources, d’un point de vue strictement financier.
 
Un autre écueil du REM se trouve dans les choix du consortium à la tête des travaux. En temps normal, dans l’analyse d’une politique publique, l’observateur se doit d’étudier ses retombées à grande échelle. Ainsi, au-delà des limites du chantier, on va évaluer comment le projet favorise le dynamisme économique, contribue à la création d’emploi, etc. Sachant cela, on peut déplorer le fait que la candidature de Bombardier n’ait pas été retenue pour la construction des trains. Un tel mandat aurait assurément donné une bouffée d’air frais à une entreprise québécoise qui en a grandement besoin. Sinon, à tout le moins, il aurait aussi été tout à fait légitime d’exiger un taux minimal de contenu local dans la production. Malheureusement, rien de tout cela n’est arrivé. Ces choix seront dictés par les règles du marché, au nom de l’efficience économique.
 
Troisièmement, alors que certains saluent l’efficience du modèle de gestion, d’autres critiquent son manque de transparence. En effet, bien qu’il s’agisse d’un des plus grands projets d’investissements publics au Québec, le gouvernement libéral refuse toujours que le montage financier puisse être étudié en commission parlementaire. Pourtant, cette démarche s’inscrirait dans un processus de reddition de compte souhaitable pour un projet d’une telle envergure puisque, somme toute, plusieurs questions demeurent toujours sans réponse.
 
À titre d’exemple, comme tous les projets d’envergure, le REM a dû se soumettre à une évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). À la fin du processus, en interprétant très largement son mandat, l’organisme a soulevé plusieurs doutes sur la pertinence du projet, en termes d’achalandage et de rentabilité. Après coup, on a simplement tabletté l’avis défavorable qui en est ressorti, permettant ainsi au projet de continuer d’aller de l’avant, la pédale au fonds. En clair, en faisant le choix de s’écarter ainsi des règles traditionnelles de reddition de compte, on accélère bien sûr les processus. En revanche, on s’enlève aussi l’opportunité de bonifier le projet dans une perspective de saine gestion des fonds publics.
 
Ceci étant dit, on peut tout de même accueillir favorablement le projet du REM, mais il faut savoir distinguer le projet de son modèle de gestion. Encore aujourd’hui, on entend plusieurs critiques qui permettraient d’améliorer ce projet qui n’existe encore que sur papier. Par exemple, de meilleures connexions avec les stations de métro pour diminuer les ruptures de charge éviteraient de décourager certains utilisateurs. Considérant l’importance stratégique d’une vision intégrée des réseaux de transport, il est tout à fait légitime de s’attendre à ce que ceux qui les coordonnent soient en mesure d’harmoniser leurs pratiques. Pourtant, rien ne semble suffisant pour ramener les gestionnaires à la table à dessin.
 
On peut comprendre l’intérêt pour les partenariats public-public. Toutefois, il faut concéder que la quête de la rentabilité à tout prix dans l’octroi de services publics ne se conjugue pas avec la mission fondamentale de l’État. En portant un chapeau d’investisseur et un chapeau de gestionnaire de projets, la Caisse se bloque de toutes considérations extérieures au projet du REM. À cet égard, nous ne pouvons que souhaiter qu’elle revienne à son mandat original, soit générer des rendements intéressants afin d'assurer la pérennité du bas de laine des Québécois et investir dans l'économie du Québec afin d'en favoriser le développement dans chacune des régions. Ce faisant, le voyage en train entre le centre-ville de Montréal et l’aéroport de Dorval permettrait non seulement de redorer notre blason à l’étranger, mais surtout, il se ferait réellement au bénéfice de tous nos concitoyens.

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April 08, 2018 by Le Verdict

En ce mois de mars, il pleut, il neige ou il verglace. On dirait que la météo ne sait plus où elle en est… un peu comme moi finalement. Je viens tout juste de m’inscrire à l’École du Barreau. Mon désir de devenir avocate est une certitude, mais j’ignore totalement vers quel(s) domaine(s) je vais orienter ma pratique future et c’est la faute aux enseignants de la faculté de droit de l’Université Laval!
 
Je m’étais inscrite à la faculté avec l’intention d’exercer éventuellement en droit du travail et ce domaine m’intéresse toujours grâce à Mme Cloutier. Par contre, j’ai également envie de responsabilité civile, de droit de la famille, de litiges successoraux, de droit de la construction, de droit des assurances et peut-être même de droit des affaires, mais je refuse à me l’avouer pour l’instant. Par leur dévouement et leur passion pour le droit, les professeurs de la faculté ont causé une confusion dans ma tête. J’aspirais à une trajectoire rectiligne. D’ailleurs, je voulais voir mes cours en droit des obligations comme un passage obligé et non comme une possibilité à envisager. M. Gardner et M. Levesque, j’espère que vous culpabilisez. Vous savez pourtant que j’ai lutté autant que possible pour ne pas apprécier vos cours. Le résultat? J’ai ajouté 4 cours supplémentaires en droit des obligations à mon cheminement. Toutefois, une part de responsabilité revient également à Mme Hudon. Je m’étais inscrite à son cours en droit des assurances uniquement parce que c’était elle qui l’enseignait et que c’était un cours « recommandé ». Il s’agissait d’un autre cours que je ne voulais pas aimer; quelques mois plus tard, j’ai choisi de suivre son séminaire sur le droit des assurances de personnes. Si on s’éloigne du droit des obligations pour revenir aux trois premiers livres du Code civil du Québec, on découvre une enseignante passionnée et compétente du nom de Mme Morin qui n’enseigne pas seulement des notions juridiques mais plutôt nous rappelle également qu’au-delà du droit, il y a des gens. Finalement, il était si improbable que je me découvre un intérêt pour le droit des affaires que j’avais décidé de reporter mes cours obligatoires dans ce domaine jusqu’à la fin de mon parcours académique. À la suite de nombreuses discussions, Mme Duclos et M. Tchotourian ont réussi à faire abaisser mes barrières envers ce domaine qui ne m’inspirait initialement que du dégoût (mille excuses!).
 
À ma première session, Mme Arbour avait demandé à ses étudiants ce que le droit représentait pour nous individuellement. Dans l’esprit très cartésien qu’était le mien, je me souviens que cela ne représentait que des normes juridiques nous permettant de résoudre des conflits. Ma vision a évolué. Désormais, pour moi, cela représente le partage et la tradition. Notre partageons et léguons au suivant notre passion commune qu’est le droit. C’est ce que je vais retenir le plus de mon passage au pavillon Charles-De Koninck : Tous ces enseignants dévoués à leur domaine mais surtout à leurs étudiants. À la faculté, j’ai appris beaucoup plus que des notions juridiques. J’ai appris sur moi-même et les juristes qui m’ont formée ont veillé à ce que je développe ma réflexion critique. Je vous en suis extrêmement reconnaissante. Je me souviens de mon enseignant en droits et libertés, M. Dowd, qui n’avait aucunement la même opinion que moi sur les chartes. Au lieu d’essayer de me faire changer de camp, il a nourri ma réflexion sur ma position pour me permettre d’aller plus loin même si elle était contraire à la sienne. Je me souviens également de toutes ces fois où ces enseignants m’ont demandé de prendre position ou même de critiquer le droit. Me questionner sur ce que, fondamentalement, Josée Therrien, juriste en devenir, en pense. Cela a souvent engendré des débats qui m’ont permis de voir les faiblesses de mes positions même si elles en ont toutes et de découvrir que j’avais la conviction de les défendre malgré tout. Cela met en lumière le véritable rôle d’un professeur universitaire. Ce n’est pas seulement de nous enseigner des concepts mais également de susciter une réflexion et une curiosité intellectuelle qui sont les nôtres. Un professeur ne sert pas à asservir ses étudiants. Il est là pour alimenter la discussion qui devient de plus en plus riche au fil des sessions. À notre faculté, aucun enseignant ne m’a jamais demandé de me taire. C’est bien le contraire. Alors, collègues étudiants, ne vous gênez pas pour prendre la parole. Votre voix est la vôtre et vous avez le droit qu’elle résonne et qu’elle se fasse entendre. 
Outre la gratitude que je désire témoigner à mes enseignants, ce texte a également pour objectif de vous dire que vous avez le droit d’être perdu. Gardez votre esprit ouvert et soyez curieux, car cela ne pourra que vous servir. Il est également normal que votre réflexion sur le droit évolue et je vous le souhaite. On ne peut pas sortir totalement indemne d’un baccalauréat en droit. Vos idées préconçues risquent de vous abandonner durant votre parcours et c’est une bonne chose.
 
Tel que précédemment mentionné, je me suis inscrite à l’École du Barreau. Même si j’ignore totalement vers quel(s) domaine(s) je vais orienter ma pratique future, je suis passionnée par le droit plus que jamais et c’est grâce aux enseignants de la faculté de droit de l’Université Laval!
 

April 08, 2018 /Le Verdict
April 08, 2018 by Le Verdict

Depuis la sortie médiatique de l’affaire Harvey Weinstein et du mouvement de masse #moiaussi, les gens sont devenus plus sensibles et plus attentifs, et avec raison, aux rapports entre les hommes et les femmes. La population observe davantage, critique plus rapidement, intervient ou pointe du doigt instantanément des situations qui, auparavant, auraient pu demeurer dans l’ombre longtemps ; voir ad vitam aeternam. C’est donc un pas de plus pour notre collectivité ; un pas de plus vers l’égalité. Des femmes, longtemps silencieuses, muettes, tenues de se taire, crient aujourd’hui haut à fort à l’injustice, lorsqu’injustice il y a.
 
Or, je crois personnellement qu’il ne faut pas pousser les effets de ce mouvement de masse trop loin. Avant de me faire lancer une pluie de pierres, je m’explique.
 
 Récemment, je suis tombée sur un article qui mentionnait que l’affaire Weinstein avait aussi eu un impact important sur le regard que posent aujourd’hui les gens sur les œuvres artistiques réalisées dans le passé : Des œuvres d’art, des tableaux, des livres, des films… tout y passe. Le problème : Un certain courant souhaite bannir ce qui ne concorde plus avec nos valeurs actuelles.
 
Par exemple, une galerie d’art, la Manchester Art Gallery, a retiré un tableau de ses murs, nommé Hylas et les nymphes, toile de John William Waterhouse réalisée en 1896, car, dit-on, « les femmes y sont représentées sous une forme passive décorative ». D’autres évènements de la sorte ont suivi ; par exemple, l’on pointe du doigt, ou l’on va jusqu’à modifier la fin de films qui nous semblent critiquables dans notre société égalitariste du 21e siècle. C’est le cas notamment pour le film Blow-Up de 1966, qui a été fortement critiqué, critique qui est allée jusqu’à la proposition de censure, en raison de l’illustration évidente de violence faite aux femmes. Aussi, Carmen, opéra de Bizet datant de 1875, fut modifiée par un scénariste italien, celui-ci prônant qu’il est « inconcevable qu’à notre époque de violences faites aux femmes, on applaudisse au meurtre de l’une d’elles ».
 
Où cela nous mènera-il ? Dans l’histoire des Hommes, chaque fois que l’on a censuré des œuvres, des écrits, des livres ou des idées, tenté de les cacher, de les faire disparaître de la surface du Monde, s’en sont inévitablement suivis des conflits ; des tensions.
 
L’Histoire, et sa connaissance par la population, est plus que nécessaire. Ses fondements sont essentiels à la subsistance d’une société saine et évolutive.
 
Nous avons, et ce depuis 1883, une devise québécoise qui nous ressemble ; qui nous rassemble, et que l’on voit partout, chaque jour. Elle est passée des armoiries du Québec aux plaques d’immatriculation, ne passant pas inaperçue. Elle dit ce qui suit : « Je me souviens ». Or, il ne s’agit pas simplement de la lire. Il importe de la saisir ; de comprendre son sens, son importance et sa nécessité.
 
À mon avis, il est essentiel que toutes ces œuvres d’art, ces livres, ces films, restent exactement où ils sont, et qu’ils conservent leur place dans notre société. Je ne dis pas qu’il est interdit de les critiquer ; bien au contraire. La critique taille l’esprit de la communauté ; bien construite, elle ne peut qu’être positive. Que le mouvement du #moiaussi pousse la collectivité à réfléchir davantage, à se positionner et à critiquer, la communauté ne peut que s’en trouver renforcie. Or voici pourquoi le sujet m’interpelle autant : pour être en mesure de critiquer, il faut connaître. C’est donc l’idée de la censure, du camouflage, qui me cause un grand inconfort.
 
L’on ne peut oublier que les hommes et les femmes ne furent pas toujours perçus de la même façon ; l’on ne peut oublier non plus que les « blancs » et les « noirs » ne furent pas toujours égaux. Ces faits font partie de l’histoire qui est la nôtre, histoire qui a forgé la société dans laquelle l’on vit aujourd’hui. L’on ne peut passer sous silence les défauts, les erreurs, les échancrures, en rétorquant que le problème est aujourd’hui résolu ; qu’il est chose du passé. Ce serait là, à mon avis, une grave erreur.
 
Il faut songer aux générations qui s’en viennent éminemment, qui seront là après nous, qui suivront et qui devront, elles aussi, critiquer, et donc du même coup, connaître.
 
Que sera le Monde, si on leur enlève une parcelle de la connaissance que l’on possède aujourd’hui, celle des inégalités qui prenaient auparavant place non seulement au Québec, mais partout dans le Monde ? Serait-ce de se mentir ? Est-ce de la honte ? Tenterions-nous de faire croire que l’on a toujours été beaux et bons ? C’est totalement faux, et nous le savons tous. On ne solutionne jamais un problème en le camouflant.
 
À mon sens, en voulant censurer les films, les livres, les œuvres d’art d’une autre époque en évoquant qu’ils illustrent des inégalités, l’on retire une parcelle importante de connaissance aux générations futures, et le danger est imminent.
 
Que feront ceux qui ne comprennent pas le contexte socio-historique du Monde dans lequel on vit ? Que feront ceux qui ne connaîtront pas les erreurs passées des Hommes ? L’histoire, sur ce point, est révélatrice. Si l’Homme oublie, l’Homme recommence.
 
N’oublions pas. Souvenons-nous.
 

April 08, 2018 /Le Verdict
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April 08, 2018 by Le Verdict

L’arrêt Procureur général du Canada c. Bedford, monté jusqu’en Cour suprême a fait couler beaucoup d’encre en droit canadien et a modifié considérablement la situation des travailleuses du sexe au Canada. Il soulève un bon nombre de problématiques qui se rattachent au droit constitutionnel, aux droits et libertés de la personne ainsi qu’au droit criminel. Ainsi, tout bon étudiant en droit qui chemine au baccalauréat depuis quelque temps en a déjà entendu parler. Pour ceux et celles qui ne savent pas de quoi il s’agit, voici un court résumé :
 
En 2008, trois travailleuses du sexe ont intenté des procédures laborieuses visant à rendre inconstitutionnelles trois dispositions du Code criminel qui criminalisent différentes activités en lien avec la prostitution. Elles indiquent que celles-ci portent atteinte à leur droit à la vie, à la sécurité et à la liberté, garanti par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [ci-après Charte canadienne]. Elles soutiennent que les articles 197(1), 210, 212(1) j) et 213(1) c) du Code criminel empêchent les travailleuses du sexe de prendre certaines mesures de sécurité. Elles ne peuvent pas, par exemple, en raison de ces dispositions, embaucher un garde du corps ou encore procéder à l’évaluation préalable de leurs clients. Elles affirment qu’en aucun cas les dispositions ne peuvent être justifiées dans une société libre et démocratique et qu’elles doivent donc être invalidées par la Cour. Cinq ans plus tard, après une longue bataille constitutionnelle, la Cour suprême tranche : les trois dispositions ne résistent pas au test du contrôle de constitutionnalité commandé par l’article premier de la Charte canadienne et portent atteinte de manière injustifiée au droit à la vie, à la sécurité et à la liberté des travailleuses du sexe. La Cour accorde une année au gouvernement pour retirer les anciennes dispositions ou en instaurer de nouvelles. Ainsi, en réponse à cet arrêt, le gouvernement conservateur adopte la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, qui entre en vigueur le 6 décembre 2014 et modifie le Code criminel[1].
 
Si certains soutiennent que cette réponse du gouvernement était appropriée, dans les faits, le régime instauré par cette nouvelle loi ne modifie pas réellement la situation des travailleuses du sexe au Canada et ne réussit pas à leur procurer un environnement qui soit plus sécuritaire. On criminalise davantage la prostitution, afin de voir chuter le nombre de personne s’adonnant à cette activité et on renforce les lois, au nom de l’ordre public, exposant ainsi les travailleuses du sexe à de plus grands dangers.
 
Les objectifs visés par la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation
 
Dans un document technique accessible sur le site du Ministère de la justice du Canada intitulé « Projet de loi C-36, Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation », on étaye les différents objectifs et les raisons qui ont mené le gouvernement à formuler une telle réponse à l’arrêt Procureur du Canada c. Bedford. À la lecture de ce document, on comprend que le gouvernement souhaite changer la perception de la société à l’égard de la prostitution et diminuer le nombre de personnes qui s’y adonnent, tant les clients que les vendeurs de services. Résultat : on victimise les travailleuses du sexe en indiquant que leur situation est influencée par une multitude de facteurs socio-économiques négatifs ou encore que leur présence dans le milieu est attribuable au phénomène d’exploitation sexuelle. Bref, on insinue que toutes les travailleuses du sexe, sans exception, se retrouvent à exercer ce métier contre leur gré. Ainsi, plutôt que de les considérer comme étant des nuisances, elles sont désormais perçues comme des victimes.
 
Cependant, aucune statistique ne permet réellement de prouver ce point. En effet, puisque la prostitution entraîne certains stigmates, peu de travailleuses déclarent ce qu’elles font. Il n’existe donc pas de chiffres qui puissent servir à vérifier les assertions du gouvernement à ce sujet. Or, sur le terrain, certaines femmes affirment œuvrer dans ce domaine en toute connaissance de cause et ne pas être des « victimes » du réseau. Un documentaire réalisé et propulsé par Vice Canada intitulé « The New Era of Canadian Sex Work »[2] illustre cette réalité. On y rencontre plusieurs travailleuses du sexe qui indiquent que cette perception, qui victimise leur situation, est néfaste et ne change pas réellement ce qui était revendiqué par les requérantes dans l’arrêt Bedford.
 
Le gouvernement, dans sa Loi, tente d’accroître la sécurité du public plutôt que d’accorder une plus grande protection aux travailleuses du sexe. Un sénateur a d’ailleurs indiqué que le projet de Loi C-36 n’a pas été proposé dans le but de protéger les travailleuses du sexe, mais bien pour abolir la prostitution.
 
La Loi instaure donc à cet effet un bon nombre de restrictions et crée des infractions nouvelles en lien avec la prostitution. On criminalise, par exemple, l’achat de services sexuels. On protège également les enfants des effets néfastes de la prostitution en imposant des amendes sévères à ceux qui communiquent en vue d’acheter des services sexuels ou qui en achètent près des parcs, des écoles, des institutions religieuses et des endroits où la présence d’enfants est raisonnablement attendue, tout en ne définissant pas ce que signifie « près de ». On renforce aussi les interdictions, de sorte que désormais, la publicité de services sexuels est proscrite en droit criminel canadien. On adopte ainsi le « modèle nordique », fort utilisé en Norvège et en Suède et vivement critiqué par l’industrie. En criminalisant davantage, on se retrouve à la case départ. Les travailleuses du sexe travaillent toujours dans des endroits reculés et s’exposent au même niveau de danger pourtant dénoncé dans l’arrêt Bedford et jugé inconstitutionnel.
 
Un parallèle avec les États-Unis : les « brothels » et la légalisation de la prostitution
 
Dans le documentaire susmentionné, on compare la situation au Canada avec le comté de Pahrump, au Nevada, où la prostitution est entièrement légale. On y visite un « brothel », le « Sheri’s ranch » où des gens qui souhaitent acheter des services sexuels peuvent le faire en toute légalité. On y découvre un endroit sécuritaire et surveillé où les travailleuses du sexe peuvent rencontrer leurs clients, indiquer ce qu’elles offrent et ce qu’elles n’offrent pas et où les tests de dépistages pour les maladies transmissibles sexuellement sont imposés. De surcroît, on offre un milieu où les femmes peuvent vivre de leur métier et où on respecte leurs choix. On évite ainsi plusieurs situations fâcheuses d’exploitation sexuelle, de séquestration et d’inconfort. Le Canada pourrait aisément calquer ce modèle et instaurer des règles strictes pour protéger à la fois la société et les travailleuses du sexe et de cesser d’occulter ce phénomène, qui n’est pas près de disparaître.
 
Plusieurs affirment que la prostitution est l’un des plus vieux métiers au monde. Ainsi, puisqu’elle est ancrée profondément dans notre société, nos dirigeants auraient tout avantage à entendre les travailleuses du sexe et à leur offrir un milieu sécuritaire pour qu’elles puissent pratiquer leur métier. Plutôt que de s’acharner à criminaliser la prostitution et à exposer les travailleuses du sexe à de plus grands dangers, ne serait-il pas plus simple de la décriminaliser tout simplement ?

 

[1] Pour une lecture complète de l’arrêt, voir Procureur général du Canada c. Bedford, 2013 CSC 72.

[2] Accessible sur Youtube, https://www.youtube.com/watch?v=S5fXBN80mxs&t=57s&has_verified=1.


 

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April 08, 2018 by Le Verdict

La liberté d’expression est une valeur fondamentale de la civilisation occidentale et je dirais même, une de ses plus grandes réussites. À l’ère des médias sociaux, on pourrait facilement penser qu’elle est intouchable et plus protégée que jamais. Hélas, les récentes révélations du scandale Cambridge Analytica et les nouvelles politiques de certaines entreprises de Silicon Valley me laissent pessimiste. Je m’explique.

Je vais partir d’une prémisse assez simple : si vous êtes en train de lire ceci, vous lisez certains articles de journaux ou de blog sur vos médias sociaux. Que vous soyez au courant ou non, Facebook, YouTube, Twitter, Instagram tous ses médias filtrent le contenu qui se défile sous vos yeux. Par exemple, les dirigeants de YouTube (propriété du géant Google) ont décidé ,cet été, d’instaurer de nouvelles politiques concernant la diffusion de contenu en vue d’éliminer ce qu’ils considèrent être des propos dangereux ou dissidents de ce qu’ils prétendent être, selon leur continuum personnel de pensée, acceptable. Venant de la part de la plus grande plateforme de diffusion vidéo, il y a de quoi s’inquiéter. Ainsi, vous ne voyez qu’une partie du spectre politique et on vous prive du contenu disponible. Il s’agit d’un élitisme pernicieux de gens qui se considèrent supérieurs à vous et qui ne vous laissent pas avoir accès à toute la gamme de faits pour pouvoir vous forger votre propre opinion.

On se trouve dès lors dans une situation où une partie du contenu politique "controversé" bénéficie d'une moindre grande visibilité. Certaines vidéos sont aussi démonétisées, ce qui fait que le créateur du contenu ne reçoit aucun revenu publicitaire ce qui nuit à sa viabilité. Il y a beaucoup trop d’exemple ouù de telles situations surviennent. À titre d'exemple, je peux citer le cas d'une  chaîne qui couvre l’actualité chinoise en critiquant le Parti communisme, qui s’est vu retiré tout revenu publicitaire puisqu’il a été considéré par les experts de YouTube comme étant sensible. Mais qui sont donc ces experts? On retrouve entre autres l’Anti-defamation League qui considère Pepe the frog comme un symbole haineux. De plus, si on oublie ses  «experts» il reste que le contenu peut être retiré si une poignée d’utilisateurs portent plainte, car de leur point de vue, le contenu est «offensant».

Twitter n’est pas en reste. Le petit oiseau bleu utilise une technique assez sournoise pour censurer certains contenus. Le «shadowbanning» consiste à retirer certains tweets de la barre de recherche et les rendre plus difficiles d’accès. Un des hauts dirigeants de Twitter, Ed Ho, a d’ailleurs admis la pratique[1]. C’est ainsi que des personnalités publiques et certains journaux, principalement conservateurs se sont vus placées dans cette situation. On arrive alors à une autocensure de certains des utilisateurs pour éviter de voir son contenu retirer de la section «trending». Si certains clament que c’est pour éviter les trolls qui détruiraient la plateforme, on a simplement à regarder Reddit ou encore même 4chan pour se convaincre que ce ne peut être le cas. On vient plutôt chercher volontairement à faire la promotion de certaines politiques, idéaux au détriment de celles des autres qui sont jugées comme dérangeants.

En utilisant ses exemples, je cherche plutôt à vous faire réaliser que lorsqu’un sujet d’actualité est controversé, il faut chercher plusieurs sources d’informations différentes, prises dans tout le spectre politique pour saisir l’étendue d’un dossier. Sinon, on finit inévitablement à se renfermer dans nos convictions et se rassembler autour de personnes qui pensent les mêmes choses que nous. On en vient alors à se convaincre que l’on détient la suprématie morale et les autres groupes sont nécessairement du mauvais côté de l’histoire. Tout cela se répercute dans nos vies, en dehors du monde virtuel. En effet, il n’est pas surprenant de voir certaines personnes attaquer les idées d’une autre en la traitant de fascisme, xénophobe, misogyne et j’en passe. En se renfermant dans une seule vision du monde et en éliminant tout débat, on finit par se convaincre que l’on possède l’unique vérité et que les dissidents de celle-ci sont par conséquences propagatrices de propos non désirables. D’où l’importance de constater de l’ampleur de l’influence que le filtrage du contenu peut avoir.

On a tous une part de responsabilité et il est de notre devoir de s’assurer que les géants de l’Internet s’autorégulent. Sinon, nous allons continuer à voir des situations comme Cambridge Analytica, où des élections sont influencées par la seule volonté de ces joueurs-ci. Il faut garder l’œil ouvert et un esprit critique face à ce que l’on rencontre sur Internet.

 

 

[1] Ed Ho, «An Uptade on Safety», Twitter, [En ligne], 2017, https://blog.twitter.com/official/en_us/topics/product/2017/an-update-on-safety.html.

April 08, 2018 /Le Verdict
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April 08, 2018 by Le Verdict

Récemment les réseaux sociaux se sont remplis de publications concernant la fusillade survenue à l’école Parkland en Floride. C’est suite à la mort de nombreux jeunes que la question de la réglementation des armes à feux est revenue sur la table et cette fois le monde entier est à l’écoute.

La réglementation prévue par la législation aux États-Unis reste probablement l’une des moins sévères et l’une des plus permissives en termes de possession d’armes à feux. Je ne peux que citer la jeune Emma Gonzalez, présente lors de la fusillade de l’école Parkland, qui exprime sa colère en mentionnant le fait qu’il est plus simple de se procurer une arme à feux en toute légalité que de réussir à obtenir son permis de conduire[1]. C’est d’ailleurs dans ce sentiment de colère profonde que de nombreuses voix se sont élevé pour ce faire entendre. Les mouvements étudiants, demandant un plus grand contrôle des armes à feux, grondent aux États-Unis. Le mouvement « Never again » est celui nommé par les survivants de la tuerie de Parkland, la 18ième de l’année aux États-Unis, qui se répand comme une traînée de poudre. Il est intéressant d’observer l’impact d’un tel mouvement de masse sur  la société et notamment la loi.

Le président américain Donald Trump est un fier partisan du droit constitutionnel de porter une arme. Il fût alors surprenant de le voir se sentir touché, même à l’écoute et prêt à agir face à ce problème grandissant dans le pays. Les divers regroupements ont mis une forte pression sur le président ce qui l’a poussé à agir et à se mettre à l’écoute d’une population sous le choc. Suite à des rencontres avec les étudiants et les divers groupes, l’homme se dit prêt à agir face au contrôle des armes. En effet, on compte restreindre la possibilité d’achat des armes en procédant à un contrôle des antécédents, notamment en mettant en place une limitation des armes pour les personnes souffrant de maladies mentales, en changeant l’âge minimum pour acheter certaines armes de 18 à 21 ans [2]. Malgré que ces changements prévus restent minimes pour un pays avec plus de trois millions d’armes en circulations, il s’agit d’un début prometteur à une bonne amélioration de l’accès trop simple aux armes à feux. Un vrai vent de changement ou simplement une façade pour plaire au 2/3 de la population mécontente de la situation? Seulement le futur pourra nous le dire.

Cette pression ne se fait pas seulement au niveau des divers dirigeants des états, mais aussi sur la population et ses entreprises. Les entreprises sont de plus en plus invitées à prendre position face à la situation. Ce fût principalement le cas des méga-centres Walmart et Dick’s sporting goods. Walmart avait déjà interdit la vente de fusils d’assaut semi-automatique depuis 2015 dans tous ses centres américains et vient  tout juste de relever l’âge minimal pour acheter une arme ou des munitions de 18 à 21 ans[3]. Dans le cas du géant Dick’s sporting goods il a pris la décision, suite à la tuerie de l’école Parkland, de ne plus vendre de fusil d’assaut semi-automatique, de chargeur à grande capacité et d’interdire la vente au personne de moins de 21 ans dans ses magasins[4]. C’est aussi le cas de nombreuses entreprises qui prennent bon nombres de mesures pour diminuer l’accessibilité de certaines armes dans leurs magasins et qui se disent à l’écoute des cris du cœur de la population attristée par le trop grand nombre de victime en une seule année.

Même les fervents défenseurs du deuxième amendement de la constitution américaine commence à prendre position du côté des personnes qui souhaitent un plus grand contrôle des armes à feu aux États-Unis. C’est le cas d’Amanda Meyer, institutrice dans une école, qui suite à la tuerie de l’école Parkland c’est joint au mouvement Never Again et a mis une vidéo d’elle faisant exploser son arme à feu[5]. De nombreuses personnes se sont joint à elle et ont pris photos et vidéos d’eux en train de jeter leurs armes à feu, de les faire exploser ou de couper le canon de leur fusil. Cette manifestation est la preuve qu’un mouvement est en branle aux États-Unis et que celui-ci n’est pas prêt de s’éteindre de sitôt. Les réseaux sociaux répandent le mouvement et ne laissent plus personne indifférent, l’heure du changement à sonner et tant que ces mouvements se tiendront debout et fort, il y a de bonnes chances de voir un changement d’importance se produire. Il reste toutefois une bonne partie de la population qui n’est pas prête à laisser tomber leur droit concernant les armes à feux.

La NRA, National Rifle Association, n’est bien sûr pas d’accord avec ces nombreux changements en ce moment en branle aux États-Unis. Le président prévient qu’il ne faut pas craindre l’association qui compte plus de 5 millions de membres à son actif. Les nombreuses entreprises et personnalités se dissocient tranquillement de l’association et emboîtent le pas, par exemple en enlevant les privilèges accordés aux membres de la NRA, au risque de perdre des clients. La NRA est mécontente de la situation et décrit le tout comme : « un affichage honteux de la lâcheté civique et politique »[6]. Bien que la NRA possède une influence considérable, elle qui a financer la campagne du président américain en poste, il faut ici voir un essoufflement important d’une association affilié au mouvement pro-arme et, donc, un léger essoufflement de ce même mouvement.

En conclusion, ces nombreuses démonstrations montrent un réel envie de changement qui n’est pour le moment pas prêt de s’essouffler. Les têtes dirigeantes, les entreprises et la population s’y prennent ensemble pour créer un réel changement qui, je l’espère, se produira et permettra d’éviter d’autres tragédies comme les nombreuses vécus cette année. Le débat ne fait que commencer et sera à suivre de près. Est-ce la fin d’une réglementation trop permissive aux État-Unis? À voir.

[1] Emma Gonzalez, Twitter, [en ligne], [https://twitter.com/emma4change] (27 mars 2018)

[2] AFP, « Trump soutient des mesures de contrôle des armes à feu, Walmart en faveur de limitations d'achat », Journal de Montréal, [en ligne], [http://www.journaldemontreal.com/2018/02/28/une-grande-enseigne-americaine-bannit-les-fusils-dassaut-semi-automatiques] (27 mars 2018)

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] RFI, « Etats-Unis: «Never Again», un mouvement étudiant contre les armes », [en ligne],

[http://www.rfi.fr/ameriques/20180220-etats-unis-never-again-mouvement-etudiant-contre-armes] (27 mars 2018)

[6] AFP, « Trump soutient des mesures de contrôle des armes à feu, Walmart en faveur de limitations d'achat », Journal de Montréal, [en ligne], [http://www.journaldemontreal.com/2018/02/28/une-grande-enseigne-americaine-bannit-les-fusils-dassaut-semi-automatiques] (27 mars 2018)

 

 

April 08, 2018 /Le Verdict

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