RETROUVER NOS REPÈRES DÉMOCRATIQUES

Philippe Maltais-Guilbault 

Rares sont ceux qui avaient prédit, sur la base d’informations crédibles, la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle.

Depuis, tout a été dit à ce sujet : rejet de l’ « establishment » et des « élites politiques », protectionnisme en réaction à la mondialisation des marchés, montée de la xénophobie, etc. Il était rassurant de voir la vaste majorité des panellistes critiquer la rhétorique haineuse du président élu. Toutefois, cela aura mis en sourdine un aspect pourtant incontournable de l’élection, soit la faiblesse du taux de participation.

Cette situation n’est pas nouvelle en soi. De manière généralisée, dans plusieurs sociétés démocratiques, on se désole du nombre d’électeurs qui se présentent aux urnes. Ce constat devrait servir de rampe de lancement à un vaste chantier de réflexion sur notre vie démocratique.

« De toute façon, ça ne sert à rien »

Les taux de participation électorale sont anémiques. Seulement 55 % des électeurs se sont présentés aux urnes lors de la dernière élection américaine. C’est le plus faible résultat en 20 ans[1]. Au Québec, la situation est moins alarmante (71,43 % en 2014[2]), sans être reluisante pour autant.

Mais qu’est-ce qui explique un tel désengagement? Plusieurs choses.

Bien souvent, comme simples citoyens, c’est difficile d’avoir l’impression de peser très lourd dans la balance. À ce sujet, notre système électoral n’offre pas vraiment de bon contre-argument. Pour diverses raisons, plusieurs comtés suivent les mêmes tendances depuis des années et la balance du pouvoir revient aux circonscriptions « baromètres ».

Bien sûr, c’est important d’exercer son « devoir de citoyen », mais on peut comprendre le désenchantement du péquiste d’Outremont, du libéral de Rosemont, du démocrate du Kentucky ou du républicain de Californie qui prennent tous le temps d’aller perdre leurs élections tous les 4 ans. On salue votre courage et votre détermination.

Où sont les jeunes?

La place des jeunes doit être au centre de cette réflexion. Au cours des dernières années, c’est chez les 18-34 ans que la baisse de participation est la plus importante[3]. Il s’agit là d’une situation alarmante.

Malheureusement, les politiciens ont perdu l’habitude de s’adresser à cette tranche de la population. Après tout, pourquoi parler à des gens qui ne sortiront pas voter de toute façon? Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas ce qui va améliorer les choses.

En effet, il est fort probable qu’un jeune qui n’exerce pas son droit de vote à sa première occasion ne le fera pas aux élections subséquentes. Pourtant, avec le renversement de la pyramide démographique, les jeunes d’aujourd’hui sont destinés à occuper une place de plus en plus importante et ainsi façonner des politiques publiques à leur image.

Si la tendance se maintient, nous serions plutôt à risque de vivre un déficit démocratique important.

C’est la faute des médias?

C’est rarement une bonne idée que de s’attaquer aux médias pour expliquer ses propres échecs. Cependant, notre façon de nous informer devrait aussi faire partie de la réflexion pour expliquer le décrochage démocratique.

La couverture politique est particulièrement négative. C’est rare qu’on souligne les bons coups et qu’on se lance des fleurs. En tant que tel, ce n’est pas surprenant. C’est même souhaitable que de faire ressortir ce qui cloche. Cependant, il ne faut pas se surprendre que d’entendre sans cesse des histoires de corruption, ce n’est pas particulièrement enthousiasmant. Par rapport à cela, la classe politique n’a qu’elle-même à blâmer. Après tout, le rôle des médias est en partie d’être le « chien de garde de la démocratie ».

Ce rôle implique toutefois qu’on s’attarde aux véritables enjeux. Pourtant, au quotidien, dans plusieurs médias, on s’intéresse davantage à la joute partisane qu’à une véritable analyse des propositions. Sur les panels d’information, qui n’ont pour la plupart rien à envier à l’Antichambre, la politique est présentée comme un sport. On veut savoir qui a « gagné la journée », qui a obtenu la meilleure « clip », qui a su imposer son agenda, etc.

En agissant de la sorte, on banalise les enjeux. La politique devient un simple champ d’intérêts auquel on peut tourner le dos ou baisser le volume sans avoir à se sentir trop coupable. Encore là, rien de très engageant.

Une réforme souhaitable

L’an dernier, en campagne électorale, Justin Trudeau avait mis la réforme du système électoral au cœur de sa plateforme. Durant la campagne présidentielle américaine, Donald Trump répétait à qui voulait l’entendre que le collège électoral était un véritable désastre pour la démocratie. Dans les deux cas, après l’élection, ils ont visiblement découvert de nouvelles vertus au système qui leur a donné le pouvoir.

La mise au rancart d’une telle réforme par le gouvernement libéral ne ferait qu’alimenter le cynisme ambiant. Ainsi, pour la suite de son mandat, il est primordial que le premier ministre respecte son engagement.

En allant de l’avant, nous aurons alors la chance de remettre le citoyen au cœur du système et lui permettre de retrouver ses repères démocratiques.

Philippe Maltais-Guilbault

Membre

Comité d’Action Sociopolitique

 

[1] http://www.cnn.com/2016/11/11/politics/popular-vote-turnout-2016/

[2] http://www.electionsquebec.qc.ca/francais/tableaux/historique-du-taux-de-participation.php#no8

[3] http://www.cms.fss.ulaval.ca/recherche/upload/chaire_democratie/fichiers/participation_regionsjeunesvf181016.pdf (page 16)