La fonction publique québécoise sous l’oeil de Me Marie-Pier Trépanier
Par Julien Léveillé, publié le 20 février 2021
ENTREVUE | J’ai cru bon de donner aux étudiantes et étudiants de la Faculté de droit la chance d’en apprendre davantage sur la fonction publique québécoise et sur les options de carrière qu’elle offre au terme de leurs études. C’est dans cette lignée que s’inscrit cet échange que j’ai eu avec Me Marie-Pier Trépanier, avocate au contentieux du Centre jeunesse de l’Estrie (DPJ).
Me Trépanier, membre en ordre du Barreau du Québec depuis maintenant cinq ans, a fait ses études au baccalauréat à l’Université de Sherbrooke. Une fois complété son stage au service des affaires juridiques de la Ville de Québec, une amie a recommandé à la toute nouvelle avocate un poste dans un cabinet privé œuvrant principalement en protection de la jeunesse. N’ayant jamais pensé pratiquer dans ce domaine auparavant, elle a été propulsée par une envie d’essayer quelque chose de nouveau. Sa candidature devait être enviable, puisqu’elle a très rapidement décroché le poste après avoir soumis sa candidature. En tout et partout, elle aura passé un peu plus de dix mois du côté de la défense en lien avec toutes sortes de dossiers se rapportant à la protection de personnes mineures. Force est de constater qu’elle se démarquait dans ses fonctions, car un peu moins d’un an après ses débuts à la défense, on lui a offert un premier contrat pour plancher aux côtés des avocates membres de l’équipe contre laquelle elle plaidait depuis ses débuts, soit celle du Centre jeunesse de l’Estrie. C’est dans ce contexte que je la rencontrais le matin de notre entrevue. J’étais intrigué par son métier et, si vous l’êtes également, je suis convaincu que cette entrevue vous plaira autant que j’ai pu aimer la conduire.
Comme les autres avocates et avocats travaillant pour la DPJ, Me Trépanier est assignée à une région définie de la province. Comme mentionné précédemment, la sienne est celle de l’Estrie. Son rôle premier est de représenter la DPJ devant les différentes instances judiciaires concernées par le travail de ses divers intervenants. Principalement, il sera question de la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec. Elle m’informe que c’est une pratique dite « à volume », c’est-à-dire que c’est un travail caractérisé par une forte présence à la Cour et où tout peut changer, parfois même très rapidement. Il n’est pas rare qu’elle soit devant le tribunal à raison de 4 jours dans sa semaine de travail, et ce, pour diverses raisons, qu’il soit question d’une simple audience ou pour voir à la modification de la portée d’un mandat donné. Elle m’offre ces détails en faisant, selon moi à juste titre, un parallèle avec le droit criminel, lequel est aussi de cette nature presque aventureuse tellement il est chargé en péripéties et en revirements inattendus. Le fondement humain des deux domaines est également évident à constater.
Puisque les personnes concernées par les dossiers qu’elle pilote sont encore très jeunes, Me Trépanier est motivée par un besoin de faire une différence positive dans leurs vies respectives. Le métier en étant un de protection de la jeunesse, elle se doit de demeurer alerte aux changements pouvant survenir à tout moment au cours d’une affaire donnée pour bien réagir et assurer le bon déroulement du dossier et, surtout, pour garantir une fin avantageuse pour l’organisation qu’elle représente.
Étant du côté de la partie demanderesse, cela veut dire qu’en plus des nombreuses présences devant la Cour mentionnée plus tôt, Me Trépanier a beaucoup de rédaction à faire. En effet, la rédaction des actes de procédure lui incombe. En plus de tout cela, il lui arrive aussi d’avoir, comme plusieurs autres juristes de ce monde, des opinions juridiques à composer. Finalement, elle peut aussi être appelée à répondre, par voie téléphonique, aux questions plus urgentes qu’ont certains intervenants de la DPJ visitant un milieu familial donné. Par exemple, l’intervenant pourrait lui demander s’il a le droit de sortir immédiatement l’enfant de son milieu familial, le tout afin d’assurer sa sécurité et en fonction des circonstances propres à chaque situation.
Une fois cet aperçu de ses fonctions complété, il était temps de comparer ses conditions de travail avec celles d’un employeur n’émanant pas de la fonction publique québécoise, comme un cabinet privé, par exemple. J’étais sous l’impression que les siennes allaient être nettement plus avantageuses, notamment en ce qui a trait au fonds de pension attendant à peu près tous les fonctionnaires, une fois à la retraite. Elle m’en a fait mention comme étant un évident bénéfice de son emploi, mais a su apporter une dose de nuance à la comparaison entre le public et le privé, de sorte que le contraste m’est maintenant beaucoup moins frappant qu’il ne l’était auparavant. Si je rédige bien mon premier article journalistique, vous pourrez faire le même constat que moi dans les lignes qui suivront.
Sans grande surprise, son seul client étant le gouvernement du Québec, elle n’a pas à participer aux évènements de réseautage auxquels prennent habituellement part plusieurs juristes, le but premier de ces rencontres étant de permettre aux avocates et aux avocats d’ajouter des noms à leurs listes de clientèle afin de faire gonfler leur pile de dossiers et, subséquemment, leurs revenus annuels. Cela étant, Me Trépanier a voulu se faire claire sur un point qui est, selon moi, crucial : les avocats de la fonction publique québécoise ne travaillent pas moins que ceux œuvrant en pratique privée. Le mythe des fonctionnaires « pousseux de crayons et brasseurs de papier » ne colle pas à la réalité de son métier. Bien au contraire, la malléabilité des dossiers pilotés par l’avocate conjuguée avec son importante présence à la Cour et sa position de demanderesse fait en sorte qu’il n’est pas rare qu’elle outrepasse le nombre d’heures de travail pour lequel elle est rémunérée chaque semaine. Quel que soit son champ de pratique ou son milieu de travail, le souci du détail et le sens du devoir dominent la pratique de tout bon juriste.
En guise de mot de la fin, Me Trépanier souhaitait formuler un conseil aux étudiantes et étudiants qui ne savent pas trop par où commencer pour entreprendre leur recherche d’emploi. Son mot d’ordre est fort simple : plongez ! Elle suggère de ne pas être gêné et de participer aux évènements organisés par les différents acteurs du monde du travail, de ne pas hésiter à contacter des employeurs qui suscitent de l’intérêt pour obtenir, par exemple, de plus amples renseignements sur leurs bureaux ainsi que les perspectives d’emploi envisageables pour eux. Notre échange s’est terminé sur ce précieux conseil.
Pour terminer, à titre plus personnel, j’espère sincèrement que cette entrevue vous aura été utile dans votre développement professionnel. Ceci n’est que la première partie d’une série. Effectivement, d’autres entrevues sont à venir!