La pause qui devint commencement

Par Gabriel Boivin

Crédit photo : Canva

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TÉMOIGNAGE | Lecture musicale. Si vous le désirez, je vous invite, au moment d'amorcer la lecture de l’article, à démarrer la chanson de Fred Pellerin, « Au commencement du monde ». Ce sera sans doute en raison de la magie de Saint-Élie-de-Caxton, mais la voix du conteur devrait résonner tout juste le temps de votre lecture.

Le 20 mars dernier devait se tenir un débat oratoire dans le cadre de la Journée internationale de la Francophonie. Les participants devaient s’exprimer sur le thème « Mon Québec de rêve… ». Vous pouvez imaginer que notre ami Covid a quelque peu changé le programme. Fort d’un cinq mois supplémentaires de réflexions, permettez-moi de vous livrer aujourd’hui mon Québec de rêve, version « revue et corrigée ».

Mon Québec de rêve est celui de femmes et d’hommes qui l’ont bâti. Qu’elles et qu’ils soient Premières nations, immigrants de France, de Grande-Bretagne, d’Amérique du Sud, d’Afrique ou d’ailleurs. Qu’elles et qu’ils soient journalier, infirmière, politicienne, politicien, médecin, … nos ancêtres qui ont foulé le sol québécois ont à leur manière contribué à façonner la société dans laquelle nous évoluons. Appartenir à cette collectivité devrait être synonyme de fierté. 

Mon Québec de rêve est celui qui se réveille lucidement d’une pandémie qui ne peut laisser personne indifférent. Le 13 mars 2020 restera ancré dans la mémoire collective. Une guillotine historique. Un arrêt forcé pour le monde entier. S’enclenchera un mode de vie particulier. Alors que les fidèles se rassemblaient à 13h pour la nouvelle messe quotidienne, d’autres découvriront la course à pied et d’autres resteront simplement bored in a house. Tout cela pendant que nos « Anges gardiens » s’affaireront, à bout de bras et de corps, à soutenir la société. Alors qu’il est encore difficile d’imaginer un retour à la « normale », force est de constater que cette normalité sera transformée par le passage de Covid, un peu comme la communauté du Chenal du Moine le fut par Survenant.

La terre entière connaît un long printemps. L’éveil de toute une société qui réalise sa fragile place dans un ordre naturel beaucoup plus grand. Une grande famille qui réalise qu’elle devra changer ses habitudes si elle veut assurer sa pérennité. À mon sens, le début de ce nouveau monde doit être synonyme de plusieurs choses :

— Synonyme d’une plus grande solidarité. En avril dernier, l’évêque auxiliaire du diocèse de Québec Marc Pelchat mentionnait sa crainte « que la prise de conscience sociale engendrée par la pandémie ne soit pas permanente » ( 1 ). Même si cette solidarité ne sera peut-être pas aussi généralisée qu’elle le fut durant les mois de gloire de notre ami Covid, j’ai bon espoir que ce souci d’autrui survivra à la pandémie et deviendra une manière naturelle d’agir.

— Synonyme d’une nouvelle manière de considérer la famille. Accorder un plus grand respect, une plus grande considération à « nos Anciens » pour citer Grand Corps Malade, afin de leur offrir un âge d’or respectueux de la vie qu’ils ont menée.

— Synonyme d’une consommation plus responsable et surtout moindre. Alors que le « jour du dépassement » était depuis 2010 entre le 7 août et le 29 juillet, il est cette année estimé au 22 août. Encourageant, en effet, mais comme le rapporte le président de Global Footprint Network, l’organisme qui calcule annuellement le jour du dépassement : 

« Cela montre que des changements importants et rapides sont possibles. Mais cette réduction de notre empreinte écologique est imposée et non voulue, et comme elle ne s’accompagne pas d’un changement systémique dans nos modes de production et de consommation, elle ne va pas durer. » ( 2 )

Ainsi, pour que ce changement systémique survienne et que les dirigeants publics adoptent politiques et législations en ce sens, il est de notre devoir de citoyen de transformer nos habitudes de consommation. Cela passe par une multitude de gestes quotidiens ; de nos choix alimentaires aux choix touristiques, en passant par nos choix de transport et d’habitation.

Somme toute je souhaite que ce (re)commencement nous inspire une nouvelle mentalité, emplie des valeurs d’équité, de respect de l’environnement et de l’Autre. Si Mère-Nature a fait table rase pour nous, prenons au moins le soin de bien la regarnir. 

Ainsi, mon Québec de rêve est celui de femmes et d’hommes qui le bâtiront.


( 1 ) GLOUTNAY, François, « Les prises de conscience sociales devront survivre à la COVID-19, disent les évêques », Présence, information religieuse, 20 avril 2020. En ligne : http://presence-info.ca/article/les-prises-de-conscience-sociales-devront-survivre-a-la-covid-19-disent-les-eveques?fbclid=IwAR2TMNKIYsWZXA6UEul6CJ3-f10gvm82PyMUyowHHVIaUp39tWlgfqtJ3C8

( 2 ) GARRIC, Audrey, « Le « jour du dépassement de la Terre » recule de trois semaines sous l’effet du coronavirus », Le Monde, 5 juin 2020. En ligne : https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/05/le-jour-du-depassement-de-la-terre-recule-de-trois-semaines-sous-l-effet-du-covid-19_6041815_3244.html