Le commerce équitable et la justice sociale

Par Jessica Shone et Florence Verreault

De la plante à la tasse, il importe que le café soit produit équitablement et écologiquement. : Canva

De la plante à la tasse, il importe que le café soit produit équitablement et écologiquement. : Canva

CHRONIQUE | Qui produit le confort matériel de l’Occident?

Voilà une question complexe envers laquelle la société québécoise semble légèrement mal à l’aise, puisque nous sommes complètement dissociés de la réalité des produits que nous consommons. Que ce soit dans le domaine du textile ou de l’alimentation, il semble y avoir une réelle incompréhension quant au coût du mode de vie que nous perpétuons.

La consommation de café fait partie intégrante de la vie de plusieurs étudiants. Toutefois, il nous arrive rarement de nous questionner quant à l’impact de notre consommation de café sur la vie de ceux qui le produisent.

Les pays producteurs de café sont majoritairement des pays en voie de développement. Dans le domaine de l’agriculture et, plus particulièrement, dans celui de la production de café, les travailleurs bénéficient rarement de garanties minimales au regard de leurs droits économiques et sociaux. Cela menace directement leur sécurité physique et leur sécurité financière. En effet, puisque l’État n’a pas nécessairement les moyens de protéger les droits des travailleurs nationaux, les multinationales n’ont pas d’incitatif à les protéger en retour.

Des écarts choquants

Ainsi, d’importants écarts sont générés entre les pays producteurs et les pays consommateurs. Par exemple, en ce qui concerne le café, selon un rapport produit par Équiterre, environ 70 % du marché mondial du café est détenu par cinq multinationales. Parallèlement, le revenu annuel de la compagnie Starbucks est d’environ huit milliards de dollars américains, tandis que celui d’un producteur de café éthiopien est de moins de 300 $. 

Le besoin des multinationales pour le développement du commerce dans les pays producteurs de café mène en outre à une exploitation non-durable du territoire. Puisque la consommation de café croît chaque année, la production doit être en mesure de répondre à la demande. Ainsi, dans les années 1970, les cultivateurs se sont tournés vers la production d’une variété de cafés cultivés au soleil, en raison de leur haut rendement (Rainforest Alliance, 2018). Conséquemment, les pays producteurs ont entamé une déforestation massive de leur territoire. Les conséquences sont évidentes : diminution de la biodiversité, déplétion des sols et pollution de l’eau. 

De surcroît, la production de café épuise les ressources d’eau dans les pays où cette ressource n’est pas abondante. Lorsque la cerise de café est traitée avec la méthode humide, entre 1000 et 2000 litres d’eau pour 45 kg de café sont utilisés, selon une étude de maîtrise en environnement effectuée par Jennifer Schwanker de l’Université de Sherbrooke.

Crédit image: Fairtrade

Crédit image: Fairtrade

Un cycle vicieux

Les gouvernements des pays en voie de développement n’ont pas nécessairement le choix d’accepter l’exploitation de leur territoire par les multinationales pour leur survie économique. En effet, les pays exportateurs de café dépendent du revenu généré par la production de café afin de maintenir les services offerts par l’État. Fairtrade Canada fournit un exemple frappant de cette situation : 60 % des revenus d’exportation du Burundi proviennent de la production de café. De cette façon, les multinationales se trouvent dans une situation de force vis-à-vis des producteurs locaux, leur permettant ainsi de perpétuer un cycle vicieux d’exploitation non-durable du territoire et de pauvreté. 

Nos choix de consommation matérialisent notre appui envers les pratiques de commerce employées par les compagnies desquelles nous achetons, de là l’importance d’acheter des produits provenant de commerces qui encouragent des pratiques responsables et durables. Afin d’assurer au consommateur que les aliments qu’il consomme soient produits dans le respect des droits des producteurs et de manière à minimiser l’impact environnemental, il existe des marques de certification. Plusieurs types de certification responsable existent. L’une des plus connues est la marque Fairtrade. 

Fairtrade a mis en place certaines normes qui permettent aux producteurs d’avoir une plus grande indépendance, une plus grande sécurité financière et un plus grand respect de leurs droits fondamentaux. Les producteurs certifiés Fairtrade sont regroupés en coopératives, ce qui leur permet d’avoir un contrôle direct sur la culture de leur café. Ces travailleurs ont le droit de se syndiquer, ce qui a pour effet de faire respecter leurs droits de manière plus efficace. De plus, Fairtrade établit un revenu minimal pour les producteurs, qui correspond à 1,40 $ par livre de café vendu. Le prix mondial du café n’étant pas stable puisqu’il fluctue en fonction des récoltes, ce revenu minimal assure une plus grande stabilité pour les producteurs et leur famille. 

Finalement, en sus du revenu minimum garanti, les producteurs des coopératives Fairtrade reçoivent une prime de 0,20 $ par livre de café vendu. Cette prime peut être réinvestie dans leur production pour recevoir une certification biologique, par exemple, ou encore dans la communauté, selon les besoins. 

Des choix dissidents

Cette année, à la Dissidence, nous avons fait le choix d’offrir une sorte de café filtre biologique et équitable à nos clients. Nous aimerions aussi offrir un autre choix équitable dans un avenir proche. De plus, notre fournisseur de thé, Camellia Sinensis, est une entreprise qui fait du commerce à la source. En plus de proposer plusieurs produits certifiés Fairtrade, elle connaît les cultivateurs de thé et elle travaille à leurs côtés, notamment pour développer des méthodes d’exploitation plus écologiques. À la Dissidence, nous tentons également de prioriser l’utilisation de tasses réutilisables et d’éviter la consommation d’objets à utilisation unique. D’ailleurs, fait cocasse : les Canadiens utilisent plus de 1,6 milliard de tasses de café à usage unique annuellement (Toronto Solid Waste Management Services, 2018). Nous croyons fermement que nous devons être vigilants en ce qui concerne les conséquences directes de la consommation occidentale, d’où l’importance de ne pas nier l’impact éventuel de chacun de nos choix de consommation. 

Si le sujet vous intéresse, nous vous invitons à consulter les sites de Fairtrade Canada, Équiterre, Oxfam et Rain Forest Alliance.