Protéger les enfants contre la Charte de 1982
Par Guillaume Bédard
OPINION | S’il existe bien un héros incontesté de la médecine moderne, il s’agit de Louis Pasteur, inventeur du premier vaccin atténué. Grâce à ses travaux et à ses recherches, il a permis de protéger des milliards de personnes, de manière directe et indirecte, contre des maladies facilement évitables, comme la rougeole ou la variole. Malheureusement pour son héritage et la santé de l’humanité, un mouvement anti-science prend de l’ampleur en tentant de décrédibiliser les vaccins et d’en diminuer le nombre d’injections par année.
La plupart des vaccins fonctionnent entre autres avec ce qu’on appelle un «effet parapluie». C’est lorsque le simple effet d’être entouré de personnes immunisées contre une certaine maladie offre un niveau de protection adéquat à ceux qui ne le sont pas. Bien évidemment, plus le parapluie est grand, plus il est efficace; une saine politique publique serait donc de tenter de faire vacciner le plus de gens possible. Il est également connu que de vacciner les enfants est plus efficace que de vacciner des adultes. C’est dans cette optique que le gouvernement du Nouveau-Brunswick propose de rendre obligatoire la vaccination de tous les écoliers n’ayant pas d’exemption médicale dans son Bill 39.
Il y a pourtant deux problèmes qui peuvent survenir: premièrement, le gouvernement est minoritaire dans cette province et deuxièmement, le lobby anti-vaccin est très fort et joue sur ses cartes habituelles de l’émotion, du témoignage et de l’anecdote pour tenter de contrer les preuves scientifiques incommensurables qui se dressent contre lui. Plusieurs associations civiles ont d’ailleurs menacé d’aller devant les tribunaux pour invalider la loi, advenant son entrée en vigueur, pour empêcher ce qu’ils considèrent comme étant une violation de leur intégrité physique.
Pour la toute première fois de son histoire, le Nouveau-Brunswick pourrait avoir recours à la disposition dérogatoire pour se soustraire aux recours judiciaires qui naîtraient sûrement dans cette affaire. En plus de prouver que l’article 33 de la Charte canadienne ne sert pas qu’à protéger les intérêts du Québec, ce débat permet de très bien observer une ligne de fracture assez évidente entre les droits individuels et les droits collectifs. La Charte canadienne des droits et libertés, dans ce cas-ci comme dans la plupart des cas, se range assez clairement du côté des droits individuels.
C’est une vision que celle de mettre en péril la santé et la sécurité des enfants au nom de la liberté de conscience de leurs parents, mais j’espère de tout mon coeur que ce n’en est pas une qui sera adoptée ici. Il faut protéger les plus vulnérables de notre société contre les dérives des individualistes et de leur Charte de 1982 si l’on veut réellement réclamer une société solidaire et égalitaire.