Le podcast, arme utile à la décolonisation de notre imaginaire
Par Marc-Antoine Bolduc
DOSSIER ARTS ET CULTURE | Indéniablement, il se passe quelque chose actuellement. Je n’ai pas la prétention de me proclamer sociologue, psychologue ou quelconquologue, mais comme vous, j’appartiens à la communauté humaine et, depuis quelques mois, les idées se bousculent un peu plus violemment qu’auparavant.
Les communautés s’indignent, se soulèvent et s’élèvent.
Peu à peu, on entend les opprimés parler d’oppression, les personnes racisées parler de racisme, on entend des idées.
Pas assez vite, mais bien assez tard, on entend une volonté de sortir du joug de l’hétéronormativité, de sortir de la culture de la pelouse parfaite pour sauver les abeilles des pesticides, de sortir de la culture du corps parfait, de sortir de la culture du travail, de sortir de la culture old school de la séduction et entrer dans une conception saine, positive et égalitaire des rôles et des rapports sociaux, naturels et sexuels.
En parallèle, nos écouteurs deviennent peu à peu l’extension naturelle de nos oreilles et nous accompagnent dans les tâches machinales du quotidien. La consommation de la culture passe désormais beaucoup par ces engins. À travers toute l’offre culturelle « auditive », j’identifie le podcast comme un phénomène incontournable, comme une arme dorénavant utile à la décolonisation de notre imaginaire.
Le monde change et il change vite. Les discours devraient en faire autant et prendre part à la course. Les podcasts sont un entrainement parfait pour le cardio des idées. Ils sont désinhibés et connectés, en toute simplicité, à la réalité du voisin d’en bas et de celui d’à côté.
C’est souvent à coup de « J’ai entendu dans un podcast » que les idées s’échangent désormais et ce dialogue, bien que fréquemment basé sur des sources anecdotiques, reste pertinent pour brasser la cage de notre imaginaire et le décoloniser au fil de remises en question saines et assumées.
« J’ai entendu dans un podcast » permet de parler politique, de parler engagement social, de parler sexualité positive, de parler d’environnement, d’éducation et d’art.
« J’ai entendu dans un podcast » donne envie de le redire et donc d’entretenir une curiosité, au fil des semaines, et d’explorer des thématiques particulièrement éloignées de nos champs d’intérêt habituels.
Je.suis.un.fan.
En effet, je suis convaincu que pour trouver des solutions aux nombreux problèmes qui nous affectent actuellement, nous sommes destinés à revoir nos idées, nos croyances, nos désirs, nos rêves et nos aspirations.
Quand les experts parlent de « décolonisation de l’imaginaire », ils expriment, avec précision, cette nécessité de penser différemment. Est-ce cynique de penser que l’idée d’une retraite en 2060 passée paisiblement sous le soleil de la Californie, au rythme auquel ce pauvre État brûle actuellement, relève de l’utopie ?
Certes, nos rêves et nos ambitions sont le produit de la culture à laquelle nous appartenons, mais je crois qu’il est grand temps d’actualiser ces référents culturels avant de se prendre un coup en plein visage.
Pour ce faire, les idées créatives, concrètes et visiblement réalistes du commun des mortels, véhiculées à travers les podcasts, m’apparaissent souvent inspirantes.
Quel plaisir que d’entendre des gens, connectés à ce qu’ils font, être invités à prendre la parole au sein d’un média nouveau et décomplexé. Les vraies choses sont dites, qu’elles plaisent ou non, et chacun est libre d’en faire ce qu’il veut, ce qui est génial tant que cela permet d’amorcer une réflexion.
Je me surprends, au quotidien, dire, penser ou changer un comportement à la lumière de ce qu’un podcast m’a récemment appris.
Trop souvent, j’ai cette impression d’évoluer dans une bulle de personnes, intéressantes certes, mais qui partage un même champ d’études, les mêmes référents sociaux, les mêmes connaissances. Cet état des choses est rassurant et nécessaire, mais parfois pas assez orienté vers la réelle complexité du monde auquel nous appartenons. Particulièrement, il est, dans le contexte actuel, difficile de rencontrer sans cesse de nouvelles personnes et d’avoir des discussions innovantes. Ainsi, le podcast vient quelque peu compenser ce manque de stimulation. Il empêche la curiosité de se nécroser.
Entendre des éducatrices en CPE, des nutritionnistes, des sœurs augustines, des personnes immigrantes, des drag queens ou toutes sortes d’autres artistes et acteurs sociaux prendre la parole me permet de rester alerte à la diversité.
À mon avis, c’est en diversifiant nos modes de pensée que l’on peut aborder la décolonisation de notre imaginaire sans grande violence, mais plutôt à coup d’alternatives bien réfléchies qui nous attachent un peu plus justement à notre époque. Il s’agit bien là de transformer le deuil en mouvement et de rivaliser d’ingéniosité pour se créer de nouvelles opportunités.
À ce propos, quelques podcasts québécois coups de cœur :