Une nomination à suive de près à la Cour suprême des États-Unis

Par le Comité sociopolitique

CHRONIQUE POLITIQUE | Le 26 octobre 2020, le Sénat américain approuve le choix de Donald Trump en confirmant la magistrate conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour suprême, en remplacement de Ruth Bader Ginsburg. Cette nomination, en plus de faire du président Trump le premier, depuis Ronald Reagan, à avoir nommé trois juges sur un collège de neuf, a suscité de fortes réactions au sein du monde politique américain. En accord ou non avec cette décision, on ne peut ignorer ses impacts sur les mondes  juridique et politique des États-Unis.

AVERTISSEMENT : Ceux pour qui le droit constitutionnel rappelle de trop douloureux souvenirs, nous vous invitons à vous déplacer à la seconde section. 

Deux voisins on ne peut plus différents

À titre illustratif, il est intéressant de d’abord dresser un court portrait comparatif des Cours suprêmes des États-Unis et du Canada. Notre procédure de nomination d’un juge à la Cour suprême est plus hermétique qu’aux États-Unis. L’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 attribue la nomination des juges des instances supérieures au gouverneur général, représentant de la Reine du Canada. La Couronne agissant sous recommandation de notre premier ministre Justin Trudeau, c’est réellement celui-ci qui aura le dernier mot quant à la nomination des juges de la Cour suprême du Canada. Il s’agit ici de la différence principale entre le Canada et les États-Unis. Malgré la croyance populaire, le premier ministre canadien possède un plus grand pouvoir que le président américain, en ce qu’il nomme tous les sénateurs, tous les juges des cours d’appel, des cours supérieures et de la Cour suprême, en plus de contrôler la Chambre des communes.

Aux États-Unis, en vertu de l’article II, section 2, alinéa 2 de la Constitution, le président propose le candidat de son choix, qui lui doit ensuite être entériné par le Sénat. Les résultats des élections américaines de cette année étant toujours incertains au moment d’écrire ces lignes, selon l’élection de 2016, le Sénat est à majorité républicaine, où ces derniers occupent 52 sièges et où les démocrates occupent les 48 autres. Durant les élections, deux sénateurs par État américain sont élus par ses citoyens à majorité, ce qui assure une représentation géographique, mais pas nécessairement proportionnelle… Puisque le Sénat a ce pouvoir de désignation qui permet de rejeter une désignation présidentielle d’un candidat, il est considéré comme ayant une grande influence sur l’appartenance politique des juges qui siègent à la Cour suprême des États-Unis.

Le décès de Ruth Bader Ginsburg et la nomination de Amy Coney Barrett

Amy Coney Barrett, connue comme une fervente catholique et pour ses positions anti-avortement, jouera un rôle clé pour les autres membres conservateurs de la Cour suprême, qui est souvent amenée à se prononcer sur la question de l’avortement et de la protection sociale. Ruth Bader Ginsburg, icône de l’aile libérale à la Cour suprême, assurait un équilibre idéologique au sein des décisions entourant les droits de la personne. Son remplacement par Coney Barrett risque de complètement renverser cette balance des convictions et créer une majorité républicaine de six juges quasi impénétrable. 

En quoi cela est-il inquiétant?

Toutes les questions entourant la vie des citoyens américains seront en péril : les droits sexuels et reproductifs, le droit de vote, les protections contre la discrimination, le futur de la justice criminelle, les pouvoirs du président, les droits des immigrants, la législation fiscale et l’accès à des soins de santé abordables. 

Cette nomination fait aussi resurgir un fougueux débat concernant l'ingérence de la politique dans le système judiciaire. En 2016, à la suite du décès du juge Antonin Scalia, les sénateurs républicains ont catégoriquement refusé de voter, même seulement de considérer, la nomination d’un remplacement suggéré par Barack Obama, Merrick Garland. En omettant ainsi volontairement de combler ce poste vacant sous prétexte d’être en période électorale, Mitch McConnell, le chef républicain du Sénat, s’écarte du précédent et remodèle l’histoire de manière à justifier le traitement plus favorable de la nominée de Trump, Amy Coney Barrett. 

Qu’ils l’apprécient ou non, les démocrates et les républicains peuvent s’entendre sur le fait que la politique occupe une place importante au sein du Sénat et de la Cour suprême américaine. Il sera intéressant d'assister, dans le confort de notre Canada, aux débats tenus ainsi qu’aux décisions prises par ces institutions dans les années à venir.