Au pays du Soleil-Levant

Par William Bolduc

Crédit photo :@dotzero

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CHRONIQUE | Pour cette édition du Verdict, le pays du Soleil-Levant sera observé d’un point de vue juridique. Ce pays unique à travers le monde est riche en histoire et semble être régi par des règles propres à sa culture, malgré l’influence du monde extérieur. Toutefois, il est surprenant d’apprendre que plusieurs similitudes constitutionnelles existent avec le Canada, dont l’existence d’une monarchie. J’ai eu la chance de vivre dans ce pays exceptionnel plusieurs années, plus précisément dans la campagne de Hiroshima et au centre-ville de Tokyo. Ainsi, je vais me permettre de pousser un peu plus loin la conversation selon mes connaissances personnelles.

Il est nécessaire de saisir deux événements majeurs dans l’histoire moderne du Japon. Tout d’abord, il faut noter la restauration Meiji en 1868, soit le renversement du shogunat Tokugawa (ère dans laquelle les samouraïs étaient au sommet de la hiérarchie), et l’instauration d’un nouveau régime politique constitutionnel. En se basant sur les chartes des puissances étrangères de l’époque du premier événement, le pays se dota d’une constitution dans laquelle l’empereur disposait d’immenses pouvoirs. La grande majorité des règles du système sont basées sur le système germanique de la fin du 19e siècle. Le deuxième événement majeur est la défaite du pays durant la Deuxième Guerre mondiale. À ce moment, les États-Unis ont imposé des modifications à la constitution japonaise, notamment le controversé article 9 (renonciation à la guerre et à la levée d’une armée), encore en vigueur aujourd’hui. Cette constitution modifiée régit présentement le Japon.

Contrairement aux pouvoirs décisionnels de la Reine énumérés dans la Loi constitutionnelle de 1867 au Canada, la constitution japonaise actuelle modifiée après la Seconde Guerre mondiale n’accorde que des pouvoirs mineurs à l’empereur. De plus, celui-ci est requis de demander l’autorisation du Parlement pour la plupart de ses actions (art. 3 à 6).

Il est intéressant de constater que malgré tout, le texte énonce clairement les relations entre le premier ministre du Japon ainsi que celles du Parlement avec l’empereur. Par exemple, alors qu’au Canada la Reine nomme officiellement à travers le gouverneur général les juges de la Cour suprême, mais qu’ils sont, dans les faits, nommés sur recommandation (ou plutôt d’après un ordre) du premier ministre, l’article 6 de la Constitution de 1946 du Japon dispose textuellement que l’empereur nomme le juge en chef de la Cour suprême désigné par le cabinet ministériel. Bref, les éléments essentiels de la structure légale du pays sont clairs, en contraste total avec le Canada, où certaines connaissances sont nécessaires pour saisir certaines ambiguïtés.

Ayant pu vivre tant à la campagne que dans un environnement urbain, j’ai pu observer par moi-même la grande différence (ou l’indifférence) de la perception des citoyens par rapport au droit civil. À la base, les coutumes et les usages dans les différentes communautés rurales sont moralement au-dessus du droit pour ce qui est des matières privées. Alors qu’en ville, une certaine automatisation au regard de la loi plutôt stricte est notable : on agit de telle manière car tout le monde le fait de cette manière précise. Cela est le cas partout, que ce soit dans la rue, au travail ou à l’école. Alors qu’au Canada, il existe une homogénéité dans toutes les régions et des communications relativement directes entre les individus et la loi ainsi qu’avec les décideurs, les Japonais sont plus froids à l’égard de quelque chose qui semble au-dessus d’une certaine facilité de compréhension. La plupart ne connaissent pas formellement la loi, mais préfèrent se fier à la coutume apprise dans leurs communautés. Arrivés en ville pour le travail, où cette communauté rurale n’existe plus près d’eux, ils doivent adopter l’automatisme se pratiquant dans les milieux urbains.

Il fut très intéressant d’observer et même d’interagir avec la communauté de ce pays à travers le travail et la camaraderie. Sans grande surprise, les coutumes et les lois sont différentes d’ici. Toutefois, étant donné la position géographiquement isolée du Japon, la différence entre l’Orient et l’Occident se sent de manière exponentielle, encore plus qu’en Thaïlande (observé dans un numéro précédent du Verdict). Chacun a sa propre manière d’apprécier le monde. Pour moi, les différences dans les us et coutumes sont ce qui rend passionnante la découverte de cultures étrangères.

 L’étude du droit nous limite en tant qu’étudiant et professionnel à étudier et à pratiquer dans notre coin de pays. Également, comme si cela n’était pas assez, la pandémie actuelle ne fait que nous limiter encore plus. Jusqu’à ce que les frontières internationales redeviennent ouvertes, préparons notre prochain voyage! Nous apprécierons davantage la chance que nous avons de partir découvrir notre planète et ses civilisations.

Même si cet article sort du cadre ordinaire de l’observation du droit d’un État étranger, je crois profondément que le fait d’encourager les juristes de l’Université à garder la motivation pour leur passion de découvrir le monde est, au moment présent, un des plus importants apports de cette publication. Les prochains articles discuteront de pays différents et je vous encourage à m’apporter des suggestions pour les prochains pays à observer. Sans savoir ce que le futur nous réserve, gardons confiance!

Références

Ressource (en anglais seulement) : The Japanese Legal System in a Nutshell (Colin P.A. Jones et Frank S. Ravitch).

Ressource (en japonais seulement, relativement facile à comprendre): 憲法入門 第六版  (伊藤 真).