Perceptions environnementales

Par Jérémie Wyatt

Les citoyens de Québec ont uni leurs voix afin d’adresser un message clair au premier ministre du Québec, François Legault. Crédit photo : Dominique Gobeil

Les citoyens de Québec ont uni leurs voix afin d’adresser un message clair au premier ministre du Québec, François Legault.
Crédit photo : Dominique Gobeil

DOSSIER CLIMAT | En excluant les climatosceptiques, tout le monde s’entend pour dire que les changements climatiques sont un phénomène mondial. Évidemment, ce ne sont pas toutes les régions du monde qui en subiront les mêmes conséquences ni en même temps, mais les dangers liés aux changements climatiques ne s’arrêtent pas aux frontières d’une province, d’un État ou même d’un continent.

S’il y a bien un moment dans l’histoire de l’humanité où toute la planète devrait se sentir concernée, c’est maintenant. Cela dit, les États passent beaucoup de temps à comparer leurs actions avec celles des autres pays. Que ce soit pour blâmer les pays qui en font moins que nous ou idolâtrer ceux qui semblent en faire plus, toutes les raisons sont bonnes pour se tourner vers ce qui se fait ailleurs. Cependant, selon moi, cette approche ne devrait pas être préconisée, puisqu’elle se base souvent sur les perceptions plutôt que sur la réalité.

Avez-vous déjà entendu l’expression « l’herbe est toujours plus verte ailleurs » ? Nous avons souvent tendance à admirer d’autres pays qui en font plus que nous pour l’environnement, qui recyclent plus, qui émettent moins de gaz à effet de serre (GES), etc. Certes, ce que font ces autres pays est admirable, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’ils soient parfaits. Prenons l’exemple des Pays-Bas, un pays que je découvre depuis plus d’un mois. Le stéréotype est bien fondé, presque tout le monde se déplace en vélo un peu partout, et le système de transport en commun est mieux adapté et plus utilisé que ce à quoi nous sommes habitués au Canada, ce qui contribue certainement à réduire leurs émissions de GES.

Par contre, dans d’autres domaines, les Néerlandais ont des années de retard sur le Canada. Le tri de déchets est à peine présent, et c’est surtout le papier qui est recyclé. Le plastique ne l’est que très peu, l’aluminium non plus, et le compostage des matières organiques ne semble pas exister ici. Alors qu’au Canada, les initiatives visant à réduire l’utilisation des bouteilles de plastique à usage unique se multiplient (par exemple, l’annonce de Familiprix qui arrêtera de vendre des bouteilles d’eau de moins de 750 mL dès janvier prochain ( 1 ) ), je n’ai toujours pas vu un seul point de remplissage d’eau dans un endroit public aux Pays-Bas. Dans le même ordre d’idées, la cafétéria de mon université n’offre que des ustensiles jetables, et toute la nourriture est servie soit sur des couverts jetables, ou dans des emballages de plastique. Côté réduction des déchets, on a déjà vu mieux…

Qu’un pays comme les Pays-Bas, dont environ le tiers de la superficie se trouve sous le niveau de la mer et qui se trouve au premier plan des conséquences associées aux changements climatiques, n’accorde pas plus d’importance au recyclage et à la réduction de déchets me sidère. Je sursaute chaque fois que je passe à côté de la cafétéria de l’université et que je constate la quantité de déchets qui est produite, et je cherche encore des points d’eau pour remplir ma bouteille réutilisable. Des comportements qui sont maintenant des réflexes au Canada sont encore l’exception dans ce pays moderne d’Europe qu’on considère comme un des champions de la lutte contre les changements climatiques.

Cela dit, tout n’est pas négatif aux Pays-Bas. En effet, il y a à Amsterdam un incinérateur de déchets du type « Waste-to-Energy », qui génère chaleur et électricité pour les maisonnées de la région à la suite de l’incinération des déchets. Il s’agit du plus performant en son genre au monde ( 2 ). Certes, ce n’est pas exactement de l’énergie « verte » et la production de GES générée par la production de ces déchets ainsi que leur incinération est certainement assez importante, c’est tout de même une solution qui cadre bien avec le principe de la réutilisation, et c’est sans doute mieux que d’enfouir les déchets !

Ainsi, à force de croire que les autres sont meilleurs que nous et de nous fier à ce qui se fait ailleurs, nous sommes peut-être portés à réduire nos efforts. Nous pouvons peut-être penser que, comme d’autres en font plus, nous pouvons nous permettre d’en faire moins. Outre le fait qu’avec cette manière de penser, nous nous déresponsabilisons vraiment de ce qui, je le répète, est un problème mondial qui devrait être la priorité de tous, il se peut que collectivement, nos actions diminuent. Si tout le monde en fait moins parce qu’il suppose que quelqu’un d’autre en fait plus, nous réduisons nos chances de changer les choses et de nous en sortir. C’est d’autant plus vrai si dans les faits, nos modèles n’en font pas autant qu’on le pense.

Les marches pour le climat qui ont eu lieu partout dans le monde, les 20 et 27 septembre, sont la preuve que nous pouvons nous mobiliser collectivement et qu’il y a une réelle volonté d’agir de la part des gens. Cependant, il faut plus que de la volonté, il faut des gestes. Si tout le monde pour qui l’environnement tient à cœur s’était dit « je n’irai pas à la marche parce que j’ai [insérer engagement quelconque] en même temps, mais il y a surement d’autres personnes qui vont y aller », de quoi auraient eu l’air les marches ? Est-ce que le message passerait de la même façon ? Permettez-moi d’en douter. C’est pour cela que je crois fermement que malgré la dimension internationale de cette problématique, nous devons tous, autant au plan individuel qu’étatique, changer ce sur quoi nous avons un contrôle, et accorder un peu moins d’attention à ce qui se fait ailleurs.


( 1 ) https ://www.lapresse.ca/actua-lites/environnement/201909/25/01-5242771-plus-de-caisses-de-bouteilles-deau-chez-familiprix.php

( 2 ) Pour plus d’information, voici le site Web de l’incinérateur : https ://www.aebamsterdam.com