Marilyne Plante
Perdre en cour, gagner à l'épée, même combat
Par Dominique Gobeil
PORTRAIT | Admise au baccalauréat en droit de l’Université Laval à l’hiver 2016, Marilyne Plante a «appris à perdre et à gagner» une épée à la main. Malgré les sacrifices nécessaires lors de son parcours scolaire, l’escrimeuse de haut niveau considère cet apprentissage comme une force qui lui sera utile dans sa future carrière d’avocate.
«C’est ma 12e année d’escrime, et ce sera sûrement la dernière, confie d’entrée de jeu la Sherbrookoise d’origine. J’ai vécu ce que j’avais à vivre.»
Après avoir touché le bronze aux Championnats canadiens en 2019, participé à des Coupes du monde et manqué de peu une place au sein de l’équipe nationale en 2017 en vue éventuellement des Jeux olympiques, Marilyne Plante a déjà ralenti la cadence et préfère se concentrer sur le droit pour la suite.
«J’ai eu de belles expériences. J’ai envie d’une vie plus ordinaire et de commencer ma carrière professionnelle du bon pied», admet celle qui pouvait s’entraîner six jours par semaine et même parfois deux fois par jour jusqu’à récemment. Elle a d’ailleurs aménagé son parcours au baccalauréat avec des sessions moins chargées pour conjuguer le sport et les études, planifiant ainsi son passage à l’École du Barreau à l’automne 2020. Marilyne Plante souligne la souplesse du programme à l’Université Laval pour le choix des cours, comparativement à d’autres facultés québécoises.
En droit par hasard
La jeune femme de 23 ans se dirigeait d’abord vers des études en journalisme, après avoir obtenu son DEC en communications et en cinéma à l’automne. Comme son programme n’était pas ouvert aux inscriptions à l’hiver, le droit représentait donc un domaine intéressant en «attendant». Sauf qu’elle ne l’a jamais quitté…
«J’ai vraiment aimé le côté intellectuel et la possibilité de pousser plus loin dans les recherches», décrit Marilyne.
À 16 ans, l’épéiste a déménagé à Québec pour poursuivre son entraînement dans un club plus avancé. La fine lame a même dormi là-bas les premières semaines, dans un sac de couchage, une anecdote qu’elle se fait plaisir à raconter.
«Plusieurs des décisions importantes dans ma vie ont été prises sans trop réfléchir. Le déménagement, le droit...Ç’a été la même chose pour le sport», commente l’étudiante, qui a été initiée à l’escrime par un enseignant à l’école secondaire. Celui-ci regardait des vidéos sur YouTube pour ensuite montrer les techniques à ses élèves.
«On est quelques-uns à s’être rendus loin! , remarque Marilyne Plante. Il misait autant sur l’importance des études que le sport et ça me reste encore aujourd’hui.»
Haut niveau, hautes exigences
L’escrimeuse note plusieurs «concessions par-ci, par-là» pour vivre sa passion pour le sport tout en cheminant en droit. Elle était par exemple en Norvège au début du mois d’octobre pour une épreuve chez les seniors, ce qui a impliqué de prendre de l’avance dans les cours.
«Faire du sport de haut niveau, ça veut dire ne pas faire le party, étudier les vendredis soirs ou dans l’avion, se lever plus tôt le matin, moins voir ses amis...»
Une saison nécessite des investissements personnels d’environ 15 000 $. «Ça vaut la peine, pour les apprentissages, les voyages, la culture, la dopamine que notre corps produit quand on pratique un sport», assure l’étudiante.
L’épéiste reçoit des subventions du gouvernement canadien en tant qu’athlète «Élite» et de l’aide de commanditaires, mais elle n’est pas soutenue par le Rouge et Or à l’Université Laval, à part pour un accès à la salle d’entraînement, l’organisation n’ayant pas d’équipe d’escrime officielle.
Droit du sport
Marilyne Plante souhaiterait oeuvrer plus tard en droit du sport et en droit des affaires. Les avocats dans ce domaine représentent par exemple des athlètes qui signent des contrats avec une équipe professionnelle. Elle estime avoir une bonne compréhension des besoins de cette clientèle pour avoir elle-même vécu cette réalité. L’étudiante a notamment poursuivi la Fédération canadienne d’escrime devant le Centre de règlement des différends sportifs du Canada, plaidant avoir été injustement écartée de l’équipe devant représenter le pays aux Championnats panaméricains de Montréal en juin 2017.
«Je serais peut-être en train de penser aux Jeux olympiques si j’avais eu ma place», croit Marilyne Plante.
Le Tribunal, bien que sympathique à sa cause, ne lui a pas donné raison, jugeant «à regret» que le fardeau de preuve n’avait pas été rempli. L’étudiante en droit avait atteint la troisième place au classement national, ce qui devait normalement lui assurer sa place dans l’équipe. Or, la fédération a permis à d’autres escrimeuses de s’inscrire en retard à la compétition internationale de Bogota, en Colombie, même si cela était contraire à ses propres politiques de sélection. Marilyne Plante n’avait pas prévu y participer, ce qui a permis à d’autres Canadiennes d’accumuler plus de points qu’elle.
«C’était une expérience enrichissante, philosophe la jeune femme. Je sais maintenant comment on se sent quand on doit aller en cour. C’est plus stressant qu’on le pense!»
Sur des points plus positifs, l’épéiste affirme avoir pu développer sa résilience et son optimisme à travers son sport.
«En droit, on a tendance à être très fiers et à ne pas l’assumer quand on vit des difficultés. Je crois qu’il ne faut pas avoir peur de se montrer vulnérable, soutient Marilyne Plante. Le sport de haut niveau m’a appris à rebondir. Parfois on perd, parfois on gagne. Ça aussi, il faut l’apprendre en tant qu’avocat!»