Portraits d’étudiants entrepreneurs
Par Dominique Gobeil
DOSSIER DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE | Alors que certains profitent de chaque occasion au baccalauréat en droit pour aiguiser leur sens des affaires et s’outiller pour la suite une fois qu’ils seront diplômés, d’autres jonglent entre leurs cours et leur entreprise déjà lancée. Voici un aperçu du parcours de trois étudiants à la fibre entrepreneuriale bien développée.
Alexis Vertefeuille
Originaire de Gatineau, Alexis Vertefeuille a été marqué par les inondations ayant sévi dans sa région il y a trois ans. Les difficultés vécues par les sinistrés l’a mené à fonder Sinistar, une entreprise se chargeant d’offrir un logement temporaire et meublé aux victimes des éléments.
«Il faut vraiment que tu aimes ça pour te lancer dans un projet. Si c’est seulement pour des raisons financières, tu n’iras pas loin», affirme le bachelier en droit, qui étudie à l’École du Barreau de Québec depuis janvier.
Le déclic pour Alexis Vertefeuille a été une conversation avec une vieille amie: sa mère logeait à l’hôtel depuis des semaines puisqu’un incendie avait ravagé sa maison. En plus de ne pas pouvoir profiter du confort de son chez-soi, elle devait aussi renoncer à la compagnie de son chien. Le jeune homme disposait d’une maison meublée à louer, normalement offerte aux touristes, mais libre à ce moment. Il fallait d’abord appeler l’expert en sinistres pour approuver l’arrangement. «C’est comme ça que j’ai mis le pied dans le domaine...»
Celui qui avait étudié dans le domaine des finances s’est rendu compte que les besoins des sinistrés étaient grands, mais que l’offre en relocalisation adaptée était pratiquement inexistante. Un site Internet a été développé et des ententes ont été prises avec des propriétaires qui fournissent des logements. Beaucoup utilisaient auparavant la plateforme Airbnb avant que ce type d’hébergement soit réglementé. Il appert que les relations avec les sociétés d’assurances sont beaucoup plus stables, note Alexis Vertefeuille.
Tout est une question de contrats pour l’entrepreneur, alors que Sinistar offre des services et se trouve au milieu des échanges entre sinistrés, fournisseurs, assureurs et même la Croix-Rouge. Dans cette optique, le baccalauréat en droit achevé en deux ans et demi lui a été fort utile. Il gérait son entreprise en même temps.
«Ça se faisait bien à distance, je pouvais m’en occuper n’importe quand dans mes temps libres. Ce n’est pas dur quand tu aimes ça, souligne Alexis Vertefeuille. C’est une question de choisir ses priorités.»
Sinistar compte maintenant quelques employés et une fondation à son nom pour soutenir les Québécois victimes de sinistres. Son président a été nommé Jeune entrepreneur de l’année 2019 au gala Excelor de la Chambre de commerce de Gatineau. À 23 ans, il était d’ailleurs le plus jeune lauréat de l’histoire de ce prix, causant la surprise parmi l’auditoire.
«Pour moi, c’est une fierté d’être là pour les sinistrés et de ne jamais les laisser tomber, d’être là pour les bonnes raisons et de faire une différence dans leur vie.»
Soraya Blouin
Si le choix d’une tenue représente souvent un dilemme pour les étudiants en droit, le défi était relevé d’un cran dans les dernières années pour Soraya Blouin, alors qu’elle a élaboré trois collections de vêtements pour sa marque Lavendya.
Le projet de la jeune femme de 20 ans a pris forme vers la fin de ses études au cégep à Québec. «Si je devais le refaire, je commencerais encore plus tôt!» lance-t-elle en entrevue.
C’est que, maintenant en quatrième session du baccalauréat en droit, l’entrepreneure a décidé de ralentir les activités de Lavendya. La mode reste toutefois bien ancrée dans son quotidien, puisqu’elle sera mannequin au défilé présenté le 14 mars avec ses collègues de la faculté, au profit du Fonds Raphaël Giguère et Chantal Bussières pour la Fondation CHU du Québec.
«Avoir une entreprise, je considère que c’est un travail à temps plein, et étudier au baccalauréat en droit, c’est une tâche à temps plein aussi. Ç’a été difficile de conjuguer les deux», avoue Soraya Blouin, tout en soulignant les capacités d’organisation développées durant cette aventure. Son côté créatif était aussi formidablement exploité
«Au lieu de m’éparpiller, j’aime mieux investir 100 % de mes énergies dans mes études.»
Pour l’anecdote, la passionnée faisait affaire avec un fournisseur de Shanghai. «Je faisais mes appels durant la nuit… Ça décalait tout mon horaire!»
Avis aux curieux:, les robes, blouses, jupes et pantalons Lavendya sont toujours disponibles en ligne. On les trouve aussi parfois dans des boutiques éphémères. «Éventuellement, je voudrais revoir le modèle d’affaires. Il y aurait quelques choses à corriger pour relever le niveau. Le marché des vêtements est presque saturé. Avec les multinationales, c’est difficile d’accoter les prix», décrit Soraya Blouin, qui ne dirait pas non également pour s’allier une personne associée.
Pour elle, Lavendya est synonyme de féminité, d’élégance, de bon goût et de raffinement, des valeurs qu’elle désire encore promouvoir. Même s’il est certain que l’étudiante compte accéder à l’École du Barreau, la suite reste à définir. On peut prédire une chose: ce sera avec style!
Émile Bresse
L’annonce prochaine de la saison des impôts donne sûrement envie à plusieurs de grincer des dents. Mais pour un travailleur autonome comme Émile Bresse oeuvrant dans ce domaine depuis ses 17 ans, c’est plutôt une période de frénésie qui s’amorce.
L’étudiant de cinquième session au baccalauréat en droit a commencé en tant que salarié pour une entreprise offrant des services en comptabilité. «J’aimais rencontrer les clients», fait part celui qui place les relations humaines, et non les chiffres, au centre de son travail.
Émile Bresse a ensuite joint l’équipe de son père, un syndic de faillite. Il devait produire des déclarations de revenus particulières afin de vérifier la dette fiscale des clients. Mais puisque des déboires financiers peut survenir à n’importe quel moment, ces derniers devaient aussi préparer une déclaration «normale» à la fin de l’année, pour les revenus suivant la déclaration de la faillite. Ils n’avaient cependant plus l’aide du syndic pour ce faire. Clairement, il y avait un besoin à combler… et une opportunité d’affaires pour l’étudiant de 22 ans.
«Au début, j’ai assisté quelques clients. La deuxième année, j’en avais une quarantaine, et environ 85 l’an dernier», déclare Émile Bresse. Même s’il pouvait être productif durant ses temps libres, la logistique lui a demandé des efforts non négligeables, avec les appels téléphoniques pour les prises de rendez-vous et les rencontres à travers les cours à l’université.
«Il faut consacrer beaucoup de temps aux clients, explique Émile Bresse. Pour les faillites, ils ont vécu quelque chose de pas très agréable. Certains ont perdu leur maison et sont plus sensibles. On ne fait pas juste parler d’impôts, on leur demande aussi comment ça va. Il faut prendre le temps de vulgariser, de comprendre leur situation, de leur montrer des stratégies, et même de les réconforter.»
Le jeune homme semble toujours avoir eu un côté entrepreneurial, alors qu’il offrait ses services au voisinage pour arracher les pissenlits et ramasser les feuilles sur les terrains. «J’aime gérer mes affaires!» Il est aussi bien connu pour présider le comité de la Dissidence, le café des étudiants en droit, une expérience qu’il adore.
Intéressé par la fiscalité et les domaines «plus techniques», Émile Bresse a suivi ses cours hors discipline dans des matières comme la comptabilité et les finances, ce qu’il juge très utile pour une pratique en droit des affaires. «Je ne ferme la porte à rien», précise-t-il.