Pro Bono: promouvoir l’accès à la justice

Par Andréanne Filion

Sara Li Grondin et Selma Adam, coordonnatrices du comité Pro Bono; le juge de la Cour du Québec Dominic Roux, qui était alors vice-doyen à la Faculté de droit; le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse Phil…

Sara Li Grondin et Selma Adam, coordonnatrices du comité Pro Bono; le juge de la Cour du Québec Dominic Roux, qui était alors vice-doyen à la Faculté de droit; le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse Philippe-André Tessier; Me Isabelle Pépin-Lapointe et Me Mathieu LeBlanc, avocats chez McCarthy Tétrault. Crédit photo : fournie par le comité Pro Bono, Alexane Picard

REPORTAGE | Nul n’est censé ignorer la loi. Dans le contexte juridique canadien actuel, cette expression est malheureusement plus lourde de conséquences qu’elle n’a de sens. Qui peut prétendre connaître la loi dans ses moindres détails, du plus obscur alinéa au tout dernier amendement?

En réalité, même un juriste de formation peut parfois s’y perdre, ce qui augure mal pour le reste de la population. On oublie trop souvent que l’accès à la justice repose autant sur la publicité de la loi que sur la capacité à la comprendre et à l’interpréter. Or, à quoi sert un droit si son bénéficiaire est incapable de s’en prévaloir, faute des ressources et des connaissances nécessaires?

Le Réseau National d’étudiants Pro Bono, mieux connu sous son acronyme anglophone « PBSC », fait de l’accès à la justice son cheval de bataille depuis plus de deux décennies. Ce fut d’ailleurs la thématique sous-jacente de la soirée de lancement des activités de la Section de l’Université Laval de cet organisme à but non lucratif. En effet, le 19 septembre dernier, les étudiants intéressés à postuler en tant que bénévoles furent invités à échanger avec plusieurs acteurs des mondes juridique, académique et communautaire. Étaient présents entre autres deux avocats de McCarthy Tétrault, Me Isabelle Pépin-Lapointe et Me Mathieu Leblanc, Me Dominic Roux, vice-doyen aux études et à l’expérience étudiante ainsi que Me Philippe-André Tessier, invité d’honneur et président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). 

Plusieurs personnes ont également répondu à l’appel afin de représenter les divers projets chapeautés par Pro Bono pour l’année 2019-2020. Au fil des discours et des discussions, il est apparu que l’accès à la justice est un enjeu actuel aux facettes multiples qui justifie l’existence d’un organisme tel que PBSC.

L’information juridique

L’accès à la justice ne repose pas uniquement sur l’accès à un tribunal, explique Me Tessier. Il s’agit surtout de favoriser l’accès de la population à des ressources, à des connaissances qu’une personne aurait difficilement pu acquérir par elle-même. Faisant référence aux paroles de l’Honorable René Dussault, ancien juge de la Cour d’appel, Me Tessier souligne à quel point le juriste est privilégié dans son savoir, un privilège qui lui impose l’obligation de redonner à la société en transmettant ses connaissances à son tour. 

La transmission d’information juridique est effectivement au coeur des nombreux projets du Réseau PBSC, mais tous ne s’y prennent pas de la même façon. En effet, les initiatives visant à favoriser l’accès à la justice peuvent prendre une multitude de formes puisqu’il existe tout autant de communautés et de personnes vulnérables, chacune ayant des besoins, des réalités et des ressources différentes. Malgré cela, tous s’entendent sur la nécessité de procéder à la vulgarisation de l’information juridique afin d’en faciliter la compréhension de la part de la population.

« Comment les gens vont-ils s’informer dans quelques années? » se questionne François Winter, directeur général de l’organisme A-Droit des Chaudières-Appalaches. Cette question est des plus pertinentes puisque dans un monde perpétuellement changeant, où les technologies de l’information sont désormais omniprésentes, il est important de diffuser l’information juridique de manière à rejoindre un public aussi large que possible. Ainsi, en collaboration avec le Réseau PBSC, M. Winter souhaite que l’information juridique soit enregistrée sous forme de baladodiffusions (« podcasts »), rendues disponibles sur l’application Ressources Santé Mentale. L’emploi de cette technologie aurait pour but de rejoindre les personnes qui éprouvent des difficultés de lecture, qu’elles soient analphabètes ou non voyantes, ainsi que celles qui préfèrent tout simplement entendre l’information plutôt que la lire. 

L’organisme Violence info opte plutôt pour une combinaison entre une clinique d’information juridique et la rédaction d’un guide. À court terme, les femmes qui font appel à leurs services ainsi que leurs intervenantes peuvent obtenir des réponses aux questions de droit qui les préoccupent. À long terme, un guide d’information juridique destiné à cette clientèle spécifique regroupera les questions, leurs réponses ainsi que quelques notions de procédure civile (délais, formalités, etc.). Nathalie Igonène, directrice de l’organisme, espère que la diffusion de ce document permettra de favoriser l’autonomie des femmes victimes de violence et atténuera certaines de leurs craintes face au système de justice civile et pénale.

L’un des plus grands obstacles à l’accès à la justice demeure encore et toujours le manque de ressources financières. Ceux qui désirent obtenir un avis juridique n’ont pas toujours les moyens de retenir les services d’un avocat, ce qui a un impact direct sur leur capacité à faire valoir leurs droits. C’est dans cette optique qu’un organisme tel que le Réseau PBSC peut faire une réelle différence, car plus il existe de services abordables ou gratuits offerts aux populations vulnérables et défavorisées, meilleures sont leurs chances d’accès à la justice.

Pourquoi s’impliquer?

Les raisons de s’engager dans une cause telle que celle défendue par PBSC sont aussi nombreuses qu’elles sont uniques à chacun. L’étudiant qui choisit de faire don de son temps et de ses connaissances à des populations vulnérables et aux organismes qui les desservent peut le faire par pur altruisme ou par désir d’acquérir une expérience pratique en milieu juridique ou communautaire. 

À ce sujet, Me Roux souligne que l’engagement d’un étudiant en droit envers la justice sociale lui permettra de devenir un acteur de changement dans sa communauté. Il précise l’importance de l’implication Pro Bono aux yeux de la Faculté de Droit, qui a pour objectif de former des juristes capables de réfléchir et de se mobiliser face aux grands enjeux de la société, dont l’accès à la justice. On incite donc les étudiants à s’impliquer pendant leurs études dans l’espoir d’éveiller en eux le désir de le faire tout au long de leur carrière.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle McCarthy Tétrault oeuvre en partenariat avec le Réseau PBSC à l’échelle nationale depuis 2004. Comme l’indiquent Me Pépin-Lapointe et Me Leblanc, le cabinet appelle ses avocats à poser des gestes concrets auprès de la population, que ce soit en s’impliquant dans le Réseau PBSC ou en prenant en charge des causes pro bono. Un comité interne a d’ailleurs été créé afin d’effectuer la sélection des dossiers et le cabinet assume les frais de sous-traitance des demandes à caractère administratif. McCarthy Tétrault verrait l’engagement de ses ressources dans le pro bono comme un investissement dans la communauté et le bien-être de la population, un bel exemple pour tous les juristes qui oeuvrent dans le domaine privé.

Enfin, en tant qu’étudiant, il peut être difficile de concilier des études à temps plein, un emploi et une vie sociale (plus ou moins) équilibrée. Pourquoi ajouter à tout cela un engagement dans le Réseau PBSC? L’implication dans l’un des divers projets chapeautés par l’organisme offre à l’étudiant l’occasion de mettre en pratique les acquis d’une formation en droit dans un contexte concret. Il peut être très gratifiant de savoir que les quelques heures investies chaque semaine auront un impact réel sur des personnes réelles. Il s’agit d’une expérience enrichissante dont tous sortiront grandis, arborant une vision plus concrète du monde juridique et de ses enjeux. Peu importe ce qui motive la décision de s’engager, tant que le coeur y est, toutes les raisons sont bonnes pour s’impliquer auprès de sa communauté.

*** La journaliste bénévole est aussi bénévole pour le comité Pro Bono.

François Winter, directeur général de l’organisme L’A-Droit, prend la pose avec Antoine Pelletier, membre de l’exécutif de la section locale de Pro Bono. Crédit photo: fournie par le comité Pro Bono, Alexane Picard

François Winter, directeur général de l’organisme L’A-Droit, prend la pose avec Antoine Pelletier, membre de l’exécutif de la section locale de Pro Bono. Crédit photo: fournie par le comité Pro Bono, Alexane Picard

À surveiller

Si vous regrettez d’avoir manqué votre chance de vous impliquer dans le Réseau national d’étudiants Pro Bono cette année, sachez que tout n’est pas perdu! En effet, le 21 novembre prochain se tiendra la neuvième édition du Casino Pro Bono, une soirée de financement alliant jeux de hasard, cocktails et réseautage. Il s’agit de l’occasion rêvée de s’amuser pour une bonne cause juste avant les examens finaux.

Liste des projets 2019-2020

  1. Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR)

  2. Avocats sans frontières Canada (ASFC)

  3. Association canadienne des libertés civiles (ACLC)

  4. Centre d’études en droit économique (CÉDÉ)

  5. Comité logement d’aide aux locataires

  6. AJP - Étudiant.e.s en droit d’aider

  7. Épilepsie section de Québec

  8. Juripop

  9. L’A-Droit

  10. Projet écoles

  11. Sources vives

  12. Violence info