Thaïlande, le royaume souriant
Par William Bolduc
PROJET OBSERVATION | Cette nouvelle section du journal a pour but de faire connaître le droit à travers le monde en s’éloignant des systèmes juridiques que les étudiants en droit au Québec ont l’habitude d’étudier. Un pays à la fois sera observé brièvement, à travers le droit public (notamment la constitution) et le droit international en relation avec ce pays. Ayant vécu plusieurs années en Asie, j’ai personnellement plus d’expérience avec ce continent, mais des pays partout à travers la planète seront également observés.
Pour commencer, j’aimerais vous présenter la Thaïlande, le «royaume souriant». Quoiqu’à l’autre bout du monde, il est surprenant de découvrir de nombreux éléments similaires à notre système canadien et québécois. Pour obtenir de l’information, j’ai eu l’aide de deux étudiants universitaires de Bangkok, Sinee et Chayut, deux grands amis à moi. Malgré mes connaissances en langues asiatiques, je ne peux parler thaïlandais, nos discussions se sont donc déroulées en français et en anglais.
La Thaïlande est un pays de l’Asie du Sud-Est avec une longue et passionnante histoire portée par un peuple fier. L’histoire du droit dans ce pays remonte à bien longtemps. Pour des raisons historiques, la Thaïlande, qui n’a jamais été une colonie, a tout de même été forcée par les puissances occidentales à se «civiliser» durant le 19e siècle et au début du 20e siècle, ce qui a en quelque sorte provoquer la modernisation du pays. Se basant sur le droit allemand et japonais, avec quelques éléments du droit français et suisse, le royaume de Siam a pu construire son propre système de droit.
Durant le règne de Rama V, il fut décidé d’avoir un système de droit civil. Le fils du roi ayant étudié au Royaume-Uni, quelques éléments du droit procédural thaïlandais fut basé sur la common law. Donc, la Thaïlande a un droit civil dans lequel le demandeur, et non la cour, a le fardeau de la preuve, sauf exceptions. Évidemment, ce pays a également un code civil et commercial, qui fut adopté durant les années 1920.
La première constitution du royaume de Siam fut celle du règne du roi Rama VII en 1932. La modification la plus récente fut celle de 2017 confirmée par référendum national. La section 2 et 3 de la constitution du royaume de Thaïlande énoncent que la Thaïlande a un régime démocratique bicaméral avec le roi comme chef d’État. Certains articles protègent le roi et sa famille de manière absolue. En effet, l’article 112 du code criminel empêche quiconque de dire du mal sur ceux-ci (lèse-majesté). Le rôle du roi est surprenamment le contraire de la Couronne canadienne dans sa constitution formelle.
En théorie, le roi n’a pas de pouvoir accordé par la constitution, sauf pour ce qui est de la sanction royale d’un projet de loi voté par le parlement dans lequel il a l’obligation de l’accorder. En pratique, son peuple et les leaders du pays ont un énorme respect pour leur roi et ont aussi tendance respecter son opinion. Il existe un article (section 5) similaire à l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 dans lequel il est déclaré que la constitution est la loi suprême du pays. La constitution fait aussi clairement mention des conventions constitutionnelles dans cette même section. Ceux-ci fonctionnent de manière similaire au Canada avec un accent sur le roi et sa protection. Une grande partie de la constitution est dévolue à la protection de la personne. Il est également intéressant d’observer le chapitre IV qui énonce les obligations des habitants, notamment l’obligation de servir dans les forces armées (section 50).
La Thaïlande est un pays dualiste dans lequel une loi en droit interne doit être adoptée pour mettre en application un traité international. En 1963, la Thaïlande (avec l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et Singapour) créa l’organisation intergouvernementale régionale ASEAN. Aujourd’hui, avec 10 pays membres comprenant 647 million d’habitants, cette organisation a pour but de créer un libre marché économique dans l’Asie du Sud-Est. Malheureusement pour la Thaïlande, cela n’a pas beaucoup d’impact pour le pays. L’une des plus grandes réussites fut l’échange de travailleurs professionnels (notamment les médecins, architectes, ingénieurs et infirmières) à travers les frontières des pays membres. Selon Sinee et Chayut, il est plus juste de considérer cette organisation comme un sommet des leaders similaire au G7 pour discuter.
Parcours de juriste
Sinee, âgée de 19 ans, est présentement à sa dernière année à la faculté de droit de son université. Après avoir suivi un parcours similaire au Québec avec le senior high school (secondaire 4, 5 et 6), Sinee est entrée à la faculté de droit, mais en ayant déjà fait des cours de droit au secondaire. Il existe l’école et l’examen du barreau thaïlandais qui permettent de travailler comme juriste au gouvernement, ce dont Sinee a l’intention de faire dès l’année prochaine.
Normalement, cette étape prend plus d’un an à être accomplie. Il n’est tout de fois pas nécessaire de passer par cette école pour travailler en droit privé.
L’objectif de Sinee est de devenir juge et pour y arriver, il est nécessaire d’avoir minimum 25 ans d’âge et deux ans de pratique légale. Des critères similaires sont applicables pour devenir procureur. Pour la pratique légale obligatoire, Sinee a l’intention d’enseigner la loi à l’université pour gagner de l’expérience dans divers domaines légaux. Par la suite, après avoir passé un examen bien difficile, elle pourra ainsi réaliser son rêve de juriste, devenir juge.