La théorie des ronds de poêle
Par Doriane Bolduc
CHRONIQUE D’HUMEUR | En ces temps difficiles, quoi de mieux qu’une digestible petite chronique illustrant l’articulation des bas-fonds de nos relations modernes. En espérant que cela puisse vous divertir…
Voyons d’abord le four, sur lequel il y a plusieurs éléments. Dépendamment des intentions du chef, certains de ces ronds de poêle seront ouverts, et d’autres non. Certains peuvent être complètement fermés, alors que d’autres ne peuvent l’être que partiellement.
Influence du principe de proportionnalité
Tout repose sur les choix du cuisinier. Un simple rond ouvert peut tout à fait convenir pour celui qui ne désire qu’une bonne soupe.
D’autres, cependant, préfèrent le spaghetti, ce qui nécessite alors l’utilisation de deux ronds, soit : un pour les pâtes (la consistance) et l’autre pour la sauce (le complément).
Or, dans cette situation, la relation n’est pas nécessairement stable puisque l’attention du cuisinier n’est pas uniquement dirigée vers l’un de ces ronds, mais bien sur plusieurs, ce qui l’empêche d’être totalement attentif aux besoins de l’un ou l’autre. L’attention est nécessairement partagée, mais n’est complète pour aucun.
Les deux parties peuvent donc se sentir lésées, puisque optimalement, chacune d’entre elles recherche l’autonomie absolue, soit la non-nécessité du cuisinier de se sentir obligé d’avoir les deux ronds ouverts, en plus de vouloir qu’il tranche simplement entre l’une d’elles, sans regretter l’autre.
Prenons par exemple la sauce. Celle-ci aimerait bien avoir la consistance des pâtes, mais sachant qu’elle ne l’a pas, elle ne se sent que complémentaire et donc non nécessaire au véritable bonheur du cuisinier, parce qu’en l’espèce, il pourrait tout aussi bien décider de changer du spaghetti à la soupe, ou encore de simplement changer de sauce.
Or, si l’on prend en considération le fromage, celui-ci peut très bien satisfaire à plusieurs plats sans nécessairement avoir de préférence, et il profite de la compagnie du spaghetti, sans toutefois être un élément direct du succès de ce plat. Le cuisinier le considère très important, mais il y accorde bien moins d’attention et d’attentes, ce qui lui enlève un bon poids sur les épaules. Le fromage peut donc se permettre de ne pas accorder au cuisinier autant d’importance que le font la sauce et les pâtes.
La sauce, se sachant directement attachée aux spaghettis, ne peut se sentir aussi libre, puisque qu’elle sent que le cuisinier serait bien déçu qu’elle ne lui apporte plus autant de piquant. Elle a donc peur de se faire remplacer, sachant toutefois qu’elle ne prendra jamais la place des pâtes. Les pâtes, quant à elles, savent très bien que leur place est nécessaire au plat, malgré qu’elles soient bien moins satisfaisantes sans sauce pour le cuisinier.
Conclusion
Bien que la situation ne semble pas alléchante, certains scénarios peuvent rattraper le tir. Pour la sauce, il est parfois bien libérateur que de choisir de redescendre au niveau du fromage et de ne pas être qu’un simple rond de poêle complémentaire pour le cuisinier. Quant à elles, les pâtes peuvent finir par enfin trouver leur vraie valeur et ne plus se laisser convaincre par les balivernes du cuisiner malhonnête, qui leur font croire qu’elles le satisfont complètement. Finalement, à force de constater que ce n’est pas tous les types de sauces qui s’agencent avec ses pâtes, le cuisiner finira probablement par réaliser que d’opter pour la soupe pourrait simplifier bien des choses.