Guerre Ukraine-Russie : l’origine de la colère
Par Marianne Fillion, publié le 27 février 2022
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ACTUALITÉ | Tôt jeudi matin la Russie a mené des attaques contre l’Ukraine. Ces actions sont les plus importantes dans ses confrontations avec l’Ouest jusqu’à présent et menacent dangereusement de dégénérer en la plus grande action militaire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
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Lundi le 21 février dernier, une semaine après avoir annoncé que la Russie avait décidé de retirer partiellement ses troupes de la frontière ukrainienne, le président russe Vladimir Poutine signe un décret reconnaissant officiellement l'indépendance de deux régions séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine, Donetsk et Lougansk. Ces régions ont déclaré leur indépendance de l'Ukraine en 2014, mais aucun pays ne les avait jusqu'à présent reconnues comme des États souverains. Cette reconnaissance publique a permis aux troupes russes d’être ouvertement déployées dans ces régions afin d’avancer dans le territoire ukrainien.
Le jeudi suivant, suivant cette avancée, Vladimir Poutine lance des attaques sur l’Ukraine par des frappes aériennes et des pénétrations de forces terrestres en direction de Kyiv, faisant en quelques heures des dizaines de morts.
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Les causes des tensions entre la Russie et l’Ukraine
À la suite de la chute de l’Union des républiques socialistes soviétiques en 1991, l’Ukraine, maintenant indépendante, délaisse progressivement la sphère d’influence de Moscou au profit de relations avec les pays de l’Ouest.
En 2014, des manifestations pro-européennes éclatent lorsque le président ukrainien de l'époque, Viktor Ianoukovitch, favorable à la Russie, rejette un accord d'intégration économique avec l'Union européenne en faveur de liens plus étroits avec Moscou. Déclarant Ianoukovitch comme étant « dans l'incapacité constitutionnelle d'exercer ses fonctions », le Parlement ukrainien, par 328 voix sur 450 députés, destitue le Chef de l’État et nomme par intérim Oleksandr Tourtchynov, un partisan pro-européen. Le pays se retrouve alors profondément divisé entre l’ouest pro-européen, au pouvoir, et le sud-est pro-russe. De nombreux affrontements prennent place entre ces deux camps et ces événements, connus aujourd’hui sous le nom de « révolution de Maïdan », marqueront le début de la guerre du Donbas, guerre civile faisant toujours rage actuellement.
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Quelques semaines plus tard, la Russie répond à ces manifestations en annexant la Crimée, une péninsule autonome au sud de l'Ukraine ayant une forte loyauté envers la Russie, sous le prétexte de défendre les intérêts de la Crimée et de ses citoyens russophones. Des milliers de troupes russes sont déployées dans la péninsule et il ne faudra que quelques jours à la Russie pour compléter son annexion par un référendum que l'Ukraine, comme la plupart des pays du monde, qualifie encore à ce jour d'illégitime.
Le mouvement pro-russe (ou « anti-maïdan ») évolue ensuite rapidement en insurrection armée contre le gouvernement ukrainien. La Russie, pays frontalier, était d’ailleurs accusée de les soutenir militairement en menant dans cette région une guerre hybride.
Plus de 14 000 personnes ont perdu la vie depuis le début de ce conflit, dont le quart serait des civils.
Tentatives d’apaisement
Le 5 septembre 2014, un premier accord est négocié et signé à Minsk pour faire cesser la guerre du Donbass. Un cessez-le-feu qui ne durera que quelques semaines, puisqu’en janvier 2015, les combats s'intensifient et l'armée séparatiste pro-russe progresse sur le territoire ukrainien.
Le 12 février 2015, la France et l’Allemagne, en présence de Petro Porochenko (président de l’Ukraine à l’époque) et Vladimir Poutine, signent à Minsk un second accord de cessez-le-feu prévoyant l'arrêt des combats. Depuis cet accord, bien que l’intensité des conflits ait été réduite, ils n’ont jamais tout à fait cessé.
Que recherche la Russie, exactement?
Dit simplement, considérant les Russes et les Ukrainiens comme « une seule et même nation [1] », le président Poutine cherche à faire annexer l’Ukraine afin de retrouver la « Russie historique » de l’Union soviétique, préalablement à son effondrement en décembre 1991.
En décembre dernier, la Russie a d’ailleurs émis une liste controversée de garanties de sécurité qu'elle souhaite obtenir de l'Occident afin d'atténuer les tensions en Europe et de désamorcer la crise sur l'Ukraine. Les exigences comprenaient notamment l’interdiction d’admettre l’Ukraine comme pays membre de l’OTAN ainsi qu’un retour des déploiements militaires occidentaux aux frontières de 1997. Un mois plus tard, l’OTAN et les États-Unis rejettent officiellement ces demandes.
Quel est le problème de la Russie avec l’OTAN?
Les tensions entre la Russie et l’Occident tirent leur origine de la conviction de Moscou que l’Ouest a berné l’ex-Union soviétique en brisant leur promesse faite à la fin de la Guerre froide que l’OTAN ne s'étendrait pas à l’Est. Moscou fonde ses reproches sur une entente verbale qui aurait été conclue entre le secrétaire d'État américain James Baker, sous la présidence de George HW Bush, et le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev ainsi que sur les termes d'un traité signé le 12 septembre 1990 établissant que les troupes de l'OTAN pourraient opérer sur le territoire de l'ex-Allemagne de l'Est. Plus précisément, Poutine soutient que Baker, lors d'une discussion ayant eu lieu le 9 février 1990 avec Gorbatchev, a fait la promesse que l'OTAN ne s'étendrait pas à l'est si l’Union soviétique alors agonisante acceptait l'unification de l'Allemagne.
Dans son désormais célèbre discours de 2007 devant la Conférence de Munich sur la sécurité [1], le président russe a d’ailleurs accusé l'Occident d'avoir oublié et rompu les assurances après la dissolution du Pacte de Varsovie, transgressant ainsi les principes fondamentaux du droit international.
Et le Canada dans tout ça?
En tant que pays membre de l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), le Canada a manifesté à maintes reprises son appui à l’Ukraine dans le cadre du conflit avec la Russie. Par ailleurs, depuis l’annexion de la Crimée en 2014, le Canada a accordé plus de 890 millions de dollars à l'Ukraine pour la soutenir dans son développement puis pour lui procurer de l'aide humanitaire et financière.
Bien que l’Ukraine ne soit pas un pays membre de l’OTAN, elle entretient d’étroites relations avec l’Organisme depuis les années 90. En septembre 2020, d’ailleurs, à la suite de l’élection du nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky, une nouvelle stratégie de sécurité nationale prévoyant le développement d’un partenariat déterminé avec l’OTAN ainsi qu’une adhésion éventuelle est approuvée. Cette relation particulière qu’entretient donc l’Ukraine avec l’OTAN ainsi que les ramifications stratégiques entourant la crise russo-ukrainienne justifient la décision du Canada de suivre les États-Unis dans leur décision d’imposer des sanctions économiques contre la Russie.
Ajout:
Dernière heure : Suivant une médiation avec le président biélorusse Alexandre Loukachenko, la présidence de l’Ukraine a indiqué dimanche avoir accepté des pourparlers avec la Russie, qui se dérouleront à la frontière de la Biélorussie, près de Tchernobyl.