La loi du plus fort ou comment l’Occident profite de l’Afrique – l’exemple du Mali

Rodrigo Olmos-Hortiguela

Source: http://www.nouvelle-europe.eu/l-aide-humanitaire-de-l-union-europeenne-avec-lisbonne

Source: http://www.nouvelle-europe.eu/l-aide-humanitaire-de-l-union-europeenne-avec-lisbonne

Ne nous cachons pas derrière un voile, qui dit pays en Afrique pense souvent de façon automatique à la pénurie, la pauvreté, la détresse et la corruption. S’il y a bien une chose que nous apprenons sur l’Afrique dès notre plus jeune âge, c’est qu’il fait bon vivre au Canada.  Bref, il n’existerait pas une telle chose comme le « African dream ».

Mille et une organisations s’entendent pour dénoncer, par des campagnes publicitaires qui coûtent des millions, que ce n’est pas en Afrique qu’on trouvera, par exemple, des jeunes femmes étudiantes en droit. Ce que je trouve fascinant est que tous ces constats sont exprimés par des gens majoritairement de
l’Occident, par des gens comme vous et moi, des gens qui ont souvent eu le loisir d’écrire ces mots assis confortablement devant leur foyer. Des gens qui prétendent tout comprendre, tout savoir sur ce qu’est la justice absolue. De notre œil occidental, nous reprochons chaque faux pas des pays baptisés à leur insu « le tiers monde » ou son remplaçant « en voie de développement ».  À croire que si chaque enfant de la famille n’a pas sa propre voiture à 17 ans, qu’on ne voyage pas dans le Sud une fois par année ou que nous n’avons pas l’opportunité de jeter l’argent par les fenêtres lors des journées emblématiques comme le Vendredi fou ou le Boxing day, on ne mérite par le titre envié de « premier monde ». Qui sommes-nous vraiment pour pointer d’un doigt dénonciateur, qui se veut moralisateur, des pays qui ont le « malheur » de ne pas nous ressembler, nous, les autoproclamés privilégiés?

J’aurais pu vous dire que le Mali, à titre d’exemple, était en crise depuis l’année 2012, qu’il fait partie des 25 pays les plus pauvres au monde, que 56% des femmes maliennes sont victimes de violence, qu’une jeune fille sur deux est mariée à l’âge de 16 ans, la liste n’en finirait plus, mais à quoi bon? Vous inciter à partir une année en voyage humanitaire? Vous demander de faire des dons de charité? Pas du tout, une des raisons pour lesquelles je n’ai pas décidé d’écrire un article sur ce sujet est pour éviter de maintenir, au profit des pays « industrialisés », l’image globale d’une Afrique souffrante et morcelée, que de la propagande éhontée. Ces contributions de charité faites sous l’impression d’aider autrui sont manifestement une des raisons pour lesquelles les pays africains restent derrière dans les statistiques. Comment avancer parmi des pays qui vous en croient incapable?

En admettant qu’un pays prospère éduque mieux ses citoyens et ses citoyennes, on pourrait déduire que si le Mali était plus prospère, les maliennes recevraient vraisemblablement une bien meilleure éducation, donc indirectement une éventuelle émancipation, je n’ai pas besoin de vous refaire un cours d’histoire. Et si je vous disais que le Mali dispose de ressources naturelles prometteuses telles que le coltan (qui se trouve probablement dans votre téléphone cellulaire), l’or, l’hydrogène ou le pétrole, ce qui fait de ce pays le 8ème plus riche de l’Afrique ? Nos pays occidentaux n’arrivent pas à la cheville d’une telle richesse naturelle. En 2015, le Fonds monétaire international rapportait que 6 des 10 économies les plus prospères étaient en Afrique selon la croissance du PIB. Comment expliquer alors la pauvreté du Mali? Il appert que le monde occidental aide sous la lumière des caméras – pensons ici à ces vedettes hollywoodiennes qui se pavanent telles des héros à l’étranger - mais sont sans pitié dans l’ombre. Au lieu, l’Occident devrait laisser l’Afrique exploiter ses ressources et lui faire confiance. Dans une Afrique équilibrée et libre, il serait illogique que celle-ci décide de vendre ses ressources naturelles à des prix modiques, ce que l’Occident s’occupe déjà de bien faire. Elle vendrait évidemment au prix du marché. Bien sûr, ceci affaiblirait notre économie occidentale basée sur le pillage à volonté post-colonialiste, mais le partage est une vertu importante, non?

En effet, à la lumière de cette proposition, je perçois que ce qui manque dans ce monde n’est pas nécessairement plus de justice, mais plutôt de l’intégrité et de l’honnêteté. Nous devrions être prêts à concilier et à coopérer au lieu de dicter, voler, exploiter, dédaigner et faire des dons de charité à l’aveugle pour faire pardonner nos gestes. Ouvrons les yeux, sans l’Afrique, nous ne serions pas placés du haut de notre piédestal de G8, l’air fier et vaniteux.  Ce monde mensonger à deux faces est celui dans lequel nous vivons, l’humanité que nous avons conçue, à nous de changer les choses. Je vous laisse avec une réflexion analogique de l’auteure Mallence Bart Williams (grande inspiration pour cet article) lors de son TED Talk à Berlin :

«Have you ever wondered how things work in nature? One would assume that in evolution, the strongest survives.  However in nature, any species that is overhunting, overexploiting the resources they depend on as nourishment, natural selection would sooner or later take the predator out, because it offsets the balance»

 

150 ANS… ET PLUS

Roxane Lefebvre, directrice à l'information

Le Canada célébrera cette année le 150e anniversaire de sa Confédération. La Loi constitutionnelle de 1867, entrée en vigueur le 1er juillet de la même année, prévoyait d’abord l’unification de ce qu’on considérera plus tard comme étant les quatre provinces fondatrices, soit le Québec, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Alors que Vancouver amorçait le premier janvier ses festivités sous l’appellation « 150+ », cherchant ainsi à souligner et reconnaître l’importance des cultures et des traditions de ses populations autochtones à l’histoire du pays, certaines premières nations se sont interrogées : Y a-t-il réellement matière à célébration?

UNE RÉCONCILIATION DIFFICILE

La Commission de vérité et réconciliation du Canada, créée pour faire la lumière sur les pensionnats autochtones, a permis une reconnaissance et une meilleure compréhension du véritable génocide culturel perpétré durant des décennies, touchant directement quelques 150 000 enfants canadiens autochtones. Son rapport, publié en juin 2015, conclut d’ailleurs que l’État doit agir en vue de favoriser l’égalité des chances au pays. En date d’aujourd’hui, il est évident qu’un travail important demeure à accomplir.

Selon les données compilées par le ministère de la justice, les canadiens autochtones ont trois fois plus de chances d’être victimes d’un crime violent que les canadiens d’origine non autochtone. Suivant le même ministère, cet écart marqué entre les taux de victimisation « résulte du processus de colonisation qui a fait perdre aux collectivités le contrôle de leurs familles et de leur culture. »

Également, la population autochtone compte encore aujourd’hui un taux de diplômés du niveau secondaire inférieur à la moyenne canadienne, demeure plus défavorisée économiquement et présente un taux de chômage plus de deux fois supérieur à la moyenne de la population non autochtone.

UNE OBLIGATION DE CONSULTER OUBLIÉE

Les droits ancestraux des peuples autochtones sont reconnus et protégés par la Loi constitutionnelle de 1982. Il en découle une obligation fiduciaire du gouvernement canadien et provincial, ainsi qu’un devoir de consulter la première nation concernée avant d’attenter à ces droits. Ce devoir revêt une importance variable et peut même résulter en une véritable obligation d’accommodement. Néanmoins, certains juristes sont d’avis que cette obligation constitutionnelle n’est pas toujours respectée.

Monsieur Jean-Paul Lacasse, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, lors du colloque sur le droit des ressources naturelles et de l’énergie tenu à l’Université Laval les 1er et 2 décembre derniers, a exprimé l’avis que les gouvernements canadiens et québécois ne respectent actuellement pas leurs obligations constitutionnelles avant d’accorder des droits miniers sur des territoires faisant l’objet de droits ancestraux.

Ainsi, à l’aube du 150e anniversaire de la Confédération, il est évident que la longue marche vers l’égalité des nations canadiennes est loin d’être achevée. Bien qu’il s’agisse indéniablement d’un point tournant dans l’histoire du pays, il est important de garder à l’esprit que cette même histoire débute véritablement des siècles auparavant et demeure le reflet d’une mosaïque de cultures différentes.

Il est également permis d’espérer que les initiatives récentes des différents gouvernements et ministères, notamment en matière d’enseignement de l’histoire autochtone canadienne, permettront une meilleure compréhension du bagage historique du Canada, et d’amorcer les progrès sociaux qui devraient, en 2017, déjà constituer des acquis.