Selon une récente étude du Barreau du Québec, à peine 15 % des femmes sont associées dans les cabinets d’avocats. En clair, cela signifie qu’au sein des cabinets, une forte majorité d’hommes participent à la prise de décision, négocient des contrats, mobilisent des capitaux et retirent des bénéfices (souvent colossaux). Quelles sont les principales raisons qui expliquent un tel écart entre les femmes et les hommes ?
Réussir à devenir associé au sein d’un cabinet est perçu comme un important gage de succès dans la profession. Afin d’y parvenir, il faut consentir à un investissement personnel considérable : temps, énergie, compétences, etc. Pour beaucoup de femmes, surtout celles qui ont des enfants ou veulent en avoir, devenir associée est tout simplement un objectif difficilement atteignable, voire irréalisable. Dans la grande majorité des cabinets privés, l’horaire de l’avocat est constamment soumis aux exigences des clients. Il n’y a pas de 9 à 5. Et la conciliation travail-famille est bien plus un mythe qu’une réalité.
Le mur de la maternité
La maternité représente un obstacle majeur à toute femme désirant devenir associée. Pourtant, dans une optique d’égalité femmes-hommes, le fait de fonder une famille ne devrait nullement empêcher une femme de gravir les plus hauts échelons d’un cabinet. Mais c’est bel et bien le cas. Trop souvent, on considère que les avocates qui deviennent mères ont moins de temps à consacrer à leur carrière, qu’elles ont nécessairement besoin d’un horaire allégé et flexible. Une avocate qui part en congé maternité est par ailleurs souvent écartée de ses dossiers par son successeur et lorsqu’elle revient, elle doit redoubler d’énergie au travail afin de regagner ses lettres de noblesse auprès de ses patrons. Des stéréotypes et des inconvénients qui ont de quoi en décourager plus d’une de fonder une famille…
Le projet avant-gardiste Justicia, lancé en 2011, est un partenariat entre le Barreau du Québec et plusieurs grands cabinets visant à développer et à implanter au sein de ces cabinets participants des programmes ou des pratiques exemplaires favorisant la rétention et l’avancement des femmes dans la profession. Ce projet a permis d’élaborer neuf propositions destinées à favoriser une profession plus égalitaire et une meilleure conciliation travail-famille. Parmi elles, prendre le temps de vérifier les attentes des avocats et des avocates avant le début de leur congé parental. Ces propositions proposent également d’établir, d’un commun accord, la façon de répartir les dossiers actifs pendant le congé parental et de permettre aux nouveaux parents de travailler selon un horaire flexible au retour de leur congé.
Seul bémol : ces propositions ne sont pas contraignantes, alors qu’elles devraient être obligatoires au sein des cabinets. Obtenir la parité demande du courage, une réelle volonté « politique » de la part des patrons. Ces derniers ont avantage à agir en faveur de l’égalité femmes-hommes, car plusieurs études montrent que plus les entreprises se féminisent, plus elles sont performantes au niveau économique (Cornet et Bonnivert, 2008 ; Landrieux-Kartochian, 2010).
Heureusement, les choses sont appelées à changer, actuellement les bancs des facultés de droit de notre province comptent majoritairement de femmes. Face au recrutement, les cabinets devront plaire à ces avocates en devenir et la parité semble actuellement un argument prometteur afin d’attirer la crème de la crème. À quand le premier cabinet paritaire de la province ?
Cabinets ayant participé à l’étude du barreau du Québec
Source : http://www.droit-inc.com/article19892-Cabinets-Seulement-une-avocate-sur-six-est-associee
Cornet Annie et Bonnivert Stéphanie (2008), « Leadership et genre », in Annie Cornet, Jacqueline Lauferet Sophia Belghiti-Mahut (dir.), Genre et grh, les défis de l’égalité hommes-femmes, Paris, Vuibert, pp.125-137.
Landrieux-Kartochian, Sophie (2010), « Femmes aux commandes, entreprises performantes ? », Travail, genre et sociétés, no 23, vol. 1, pp. 171-179.