RÉFÉRENDUM HISTORIQUE EN COLOMBIE
Rodrigo Olmos-Hortiguela
L’ORIGINE DU CONFLIT (1948-1964)
En 1948, l’assassinat de l’homme politique Jorge Eliecer Gaitán agit comme détonateur pour une période sanglante connue comme la Violencia (la Violence, plus de 220 000 morts). Cette confrontation sanglante qui opposait libéraux et conservateurs fut la cause de la perte de dizaines de milliers de vies. Ce combat donna lieu à la création de différentes guérillas composées de paysans dont certaines étaient influencées par le mouvement communiste.
C’est durant l’année 1953 qu’un décret pour la paix est prononcé par le gouvernement colombien. Toutefois, ce dernier n’empêche pas la continuation de l’existence de groupes rebelles. Pendant cette même année, l’État colombien menace avec les armes. Des conflits armés s’en suivront dans Tierradentro, Cauca, pendant un mois. L’organisation rebelle se voit divisée en deux, soit les rebelles surnommés los Limpios (« les propres ») et les rebelles communistes dirigés par Pedro Antonio Marin qui était surnommé Manuel Marulanda Vélez. Los Limpios finirent par s’unir à l’armée colombienne et attaqueront l’opposition communiste.
En 1957, Alberto Lleras dirige le premier gouvernement civil depuis la fin de la dictature en Colombie. Lleras proposera une deuxième tentative d’amnistie aux groupes communistes de Marulanda. Un an plus tard, une première réunion se tiendra entre le gouvernement et la guérilla pour finalement aboutir en un accord de paix l’année suivante. Marulanda reprendra son ancien nom et retournera à son emploi d’avant le début du conflit.
Au courant de l’année 1960, los Limpios avec le soutien de paramilitaires tuent Jacobo Prias Alape, ami de Marulanda et guérillero. Marulanda décide donc de laisser son emploi et de retourner à son poste politique auprès des paysans, et ce, malgré les avertissements du gouvernement en ce qui concernait ses prédications communistes. Il fonda alors le groupe la Movil qui deviendra un des groupes communistes les plus importants de l’époque. L’année suivant l’assassinat de Prias, la Primera Conferencia Guerrillera (première conférence des guérilleros) se tiendra à l’endroit où Marulanda avait élu domicile, soit Marquetalia. Des délégués de tous les groupes de résistance armée ainsi qu’un membre du comité central du Parti communiste assistèrent à cette conférence.
C’est en 1962 que le gouvernement conservateur déclare une offensive militaire contre les guérillas particulièrement celle de Marulanda, la Movil. L’année suivante, les guérillas accueillent un personnage d’importance, soit Luis Alberto Moantes mieux connu sous le nom de Jacobo Arenas. Arenas sera un idéologue de première file dans le développement de la guerre de guérillas. Finalement, sous la menace de Arenas et de Marulanda et suite à leur offensive militaire, le gouvernement finit par exécuter l’Opération Marquetalia. Ce coup militaire consistait en une attaque aérienne et terrestre de 16 000 soldats colombiens sur Marquetalia. Marulanda ordonna à ses troupes et partisans de quitter les lieux. Seulement 54 paysans dont deux femmes restèrent pour combattre les unités colombiennes le 14 mai 1964, le reste se cacha dans la jungle. Durant cette même année, au mois de juillet, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) furent créées.
QUE DEMANDAIENT LES FARC ?
Au tout début, les FARC cherchaient que la bourgeoisie colombienne partage le pouvoir avec les classes sociales plus démunies et vulnérables. De la même façon, le groupe armé désirait obtenir plus de soutien de la part de l’élite pour les 5 millions de victimes déplacées par la force militaire suite à la réforme agricole. Leur mauvaise réputation débute pendant les années 80 lorsque des cas d’otage, d’extorsion, de production de cocaïne et d’extraction illégale de mines d’or commencèrent à être utilisés comme des moyens récurrents de financement d’activités.
DE LA FIN DU 20e SIÈCLE À OCTOBRE 2016
Le gouvernement colombien tentera à deux reprises d’établir un accord de paix avec les FARC sans succès, soit la première au milieu des années 80 et la deuxième au courant de l’an 2002. La Colombie devra attendre jusqu’en 2012 pour qu’une plausible quiétude se fasse sentir dans le pays. En effet, des négociateurs de chaque camp avaient réussi à s’entendre sur un cesser le feu définitif ainsi que sur un plan du processus à entreprendre afin que les 7000 combattants restant délaissent leurs armes. Cette entente sera ratifiée par les deux parties à La Havane, Cuba au mois de septembre 2016 suite à quoi un référendum se tiendrait en Colombie.
« L’espoir de plusieurs Colombiens s’est envolé pour laisser place à l’abîme. »
Or, le référendum, tant attendu par les Colombiens que par la communauté internationale, qui était censé mettre fin à une guerre de plus 50 ans, plongea la Colombie dans l’incertitude totale. En effet, le « non » sortit vainqueur et prit tous par surprise. Encore plus ahurissant, le négatif l’emporta par 0,2% (50,2). À ce propos, le refus des Colombiens d’un tel accord peut s’expliquer par la peur de plusieurs de voir des dirigeants des FARC, une fois ces derniers légalisés et exonérés, intégrer les rangs politiques à titre de parlementaires ou de fonctionnaires.
Tout de même, suite à l’annonce du résultat, le président colombien, Juan Manuel Santos, a annoncé la prolongation du cesser de feu avec les FARC jusqu’au 31 octobre 2016 suite à quoi le chef des FARC actuel, Rodrigo Londoño Echeverri, plus connu par les pseudonymes Timoleón Jiménez ou Timochenko, a rétorqué via sa page Twitter : « À partir de là, continue-t-on la guerre [ma traduction] ? » Là demeure la question, puisque personne semble vouloir retourner en situation de guerre, mais il n’y a pas de plan B à l’horizon. Tout ce qui est certain pour le moment est que l’espoir de plusieurs Colombiens s’est envolé pour laisser place à l’abîme.
Le 7 octobre 2016, M. Santos recevra le Nobel de la paix afin de le soutenir dans son parcours vers un nouvel accord de paix avec les FARC étant donné la défaite de la première entente historique. Le président colombien avait choisi la voie des négociations avec les FARC suite à son élection, il y a six ans.
COMMENTAIRE D’ASFC SUR LE VOTE EN COLOMBIE
Le président colombien est tenu par le vote souverain du peuple, toutefois, le Congrès colombien n’est pas lié par ce vote. Selon le directeur général d’ASFC, Pascal Paradis, le Congrès serait dans sa compétence s’il décidait de ratifier l’accord de paix avec les FARC malgré le refus des Colombiens.
De plus, ASFC met en lumière le fait que non seulement la marge en faveur du non est minime (0,2%), mais qu’il y a eu un taux de non-participation de 62%. Selon l’organisation, on a laissé trop peu de temps aux Colombiens et Colombiennes, surtout les victimes directes de cette guerre, de bien comprendre et assimiler les avancées qui étaient prévues par l’accord de paix.
ASFC PRÉSENT POUR LES VICTIMES COLOMBIENNES
L’adoption de la Loi 975 dite de « Justice et de paix » visait la démobilisation des paramilitaires ainsi que l’atteinte d’une meilleure justice en Colombie en ce qui concernait les actes de violation de droits humains qui ont eu – et qui ont toujours – lieu durant ces années interminables de conflits armés. Or, cet objectif semble encore hors de portée. L’absence de progrès en matière de lutte contre l’impunité démoralise les victimes qui finissent par se donner pour vaincues. Afin de pallier ce manque de justice, plusieurs s’efforcent de faire reconnaître la compétence juridictionnelle de la Cour pénale internationale (CPI) et ainsi pouvoir juger de la responsabilité pénale individuelle des hauts responsables de la guerre en Colombie.
C’est dans cette dernière optique qu’ASFC s’est associé à ASF Bruxelles pour mettre en place un programme d’aide juridique et de sensibilisation. Le programme a quatre principaux objectifs, soit : sensibiliser et approfondir les connaissances des groupes de bénéficiaires visés par le Projet à propos de la CPI, soutenir l’adoption d’une législation colombienne de mise en œuvre du traité international établissant la CPI (Statut de Rome), soutenir les enquêtes en Colombie portant sur des crimes qui sont de la juridiction de la CPI et offrir une aide juridique aux victimes souhaitant prendre part aux audiences devant les tribunaux nationaux et, éventuellement, devant la CPI.
Note : La présente chronique n’engage la responsabilité que de son auteur pour son contenu et les opinions qui sont exprimées.
Le masculin est utilisé pour alléger le texte, et ce, sans préjudice pour la forme féminine.
De la même façon, toute citation a été omise pour ainsi rendre le texte plus fluide.