RÉFLEXION: VIVRE SEUL ET HEUREUX
Marie-Philipe Lévesque
Plusieurs diront que mieux vaut être seul que mal accompagné. Certains vont considérer qu’un conjoint très souvent appelé par le travail pourrait être considéré comme un mauvais compagnon. On peut notamment penser aux femmes dont leur conjoint est pompier, ambulancier, policier, etc. Ces hommes peuvent se faire appeler à toute heure du jour ou de la nuit pour aller travailler. Pensez-y. Si leur conjoint venait à mourir soudainement, elles seraient alors totalement seules.
Pourraient-elles vivre seules et heureuses ?
UNE RÉPONSE LINGUISTIQUE
Pour y répondre, il faut d’abord faire une analyse linguistique et prendre le temps de bien saisir la définition des mots qui la composent : vivre, seul et enfin, heureux. Le mot heureux est facilement saisissable par ses synonymes tels joyeux, satisfait, content et comblé. Pour comprendre ce que ce n’est pas, on peut aussi analyser ses antonymes comme malheureux, triste, douloureux et désolant. Lorsqu’une personne est heureuse, elle se trouve dans une situation qui lui est favorable et positive. On parle aussi d’un état durable de plénitude et de satisfaction.
Quant à lui, le mot seul peut avoir de multiples significations. Les différents dictionnaires parlent d’une personne ou d’un objet qui est sans compagnie, isolé. Également, il y a des références à l’unicité, à l’exclusion des autres, à une personne sans aide, à des relations interpersonnelles peu fréquentes ou encore à une solitude. En d’autres mots, les ouvrages semblent référer aux cas où une personne se retrouve physiquement en l’absence d’autres personnes.
Curieusement, plusieurs personnes vont se qualifier de seules pour indiquer qu’elles ne sont pas en couple. Le célibat n’est pourtant pas intrinsèquement heureux ou malheureux. D’autres vont se sentir seuls alors qu’ils se retrouvent au beau milieu d’une foule. Dans ce contexte, quelqu’un disant se sentir seul n’est certes pas heureux, même s’il est physiquement en présence d’autres personnes.
Enfin, le dernier mot à définir est vivre. Si essentiel comme concept qu’on a de la difficulté à le saisir. On pourrait dire qu’il constitue le verbe d’action de la vie. Naître, vivre et mourir. Boire, manger et dormir. Il me semble plutôt que ces dernières actions sont nécessaires à la survie. Survivre n’est pas vivre, mais saura combler les besoins de base, mais le sentiment de plénitude ou d’accomplissement ne pourra être présent que si l’on vit.
UNE RÉPONSE PSYCHOLOGIQUE
Sous l’angle de la psychologique, il est très intéressant de faire une analyse de la solitude en relation avec la théorie de la pyramide des besoins Maslow. Ce chercheur en psychologie a réalisé une étude afin de hiérarchiser les besoins des humains, plus principalement sur les personnes occidentales. Pour pouvoir bien vivre et avoir un sain équilibre psychologique, l’individu aura tendance à chercher à satisfaire les besoins qui se retrouvent à la base de la pyramide avant de réellement chercher à combler les besoins du niveau suivant.
À la base de la pyramide, on retrouve les besoins physiologiques tel que manger, boire, dormir et respirer. Au second niveau, il y a la sécurité avec les besoins du corps, la santé, la propriété, avoir un toit ou encore un emploi. Au troisième niveau, le besoin à combler est l’appartenance, pensons à l’amour, au couple, aux relations amicales et interpersonnelles. À contrario, ce n’est que dans un troisième temps que la solitude peut impacter sur l’état émotif d’un individu. Enfin, le besoin d’estime vient au quatrième niveau. Le besoin du cinquième niveau est l’accomplissement personnel, qui est d’ailleurs très rarement atteint.
En résumé, l’être humain va chercher à satisfaire ses besoins vitaux avant de chercher à socialiser. Avec cette analyse, il est aisé de comprendre qu’une personne qui ne peut pas répondre à ses besoins de base ne pourrait pas vraiment être heureuse. En bref, selon Maslow, il est possible de vivre seul et heureux, puisque ce ne sont que les deux premiers niveaux qui sont essentiels à la vie, du moins, le premier.
UNE RÉPONSE SOCIOLOGIQUE
D’un point de vue sociologique, la question « Vivre seul et heureux ? » provoque réellement des contradictions. D’une part, on encourage les gens à être ouverts sur le monde, à faire des échanges, à rencontrer des nouvelles personnes. Les réseaux sociaux nous permettent de rester en contact perpétuel avec les autres. D’autre part, l’individualisme prend de l’expansion. À la cafétéria, les personnes mangent souvent seules. Dans les transports en commun, personne ne parle à personne. L’être humain occidental moyen de 2016 ne veut pas parler avec des inconnus.
Quand des amis se réunissent autour d’un repas, ils sont chacun seul de leur côté à surfer sur les réseaux sociaux pour essayer d’être avec tous les autres qui ne sont pas dans la pièce. Curieux, ce désir d’être constamment connecté à la toile. Dans le même ordre d’idée, plusieurs vont utiliser les réseaux sociaux en cherchant à obtenir une approbation sociale.
Lorsqu’on demande s’il est possible d’être heureux en vivant seul, j’entends souvent « Je suis indépendante, je n’ai besoin de personne pour vivre ». Cette phrase peut bien être vraie. Cependant, il ne faut pas confondre seul et indépendant. L’indépendance est fréquemment positive puisqu’elle démontre, entre autres, l’autonomie de la personne ou encore son leadership.
UNE RÉPONSE PERSONNELLE
En somme, lorsque je me demande s’il est possible que je sois heureuse en vivant seule, dans le sens d’être célibataire, je dis oui. La relation de couple ne peut pas être le pilier du bonheur d’une personne. Cependant, je suis convaincue que cette question a un sens bien plus large et que la réponse que l’on attend doit être plus globale. Alors, si je me pose la question de nouveau, je réponds non.
L’être humain est fait pour vivre en communauté. Je suis convaincue qu’une personne ne peut pas être heureuse, satisfaite, joyeuse, comblée et avoir un sentiment de plénitude si elle est seule au monde. Oui, il est possible survivre seul, même sur une île déserte. Cependant, pour vivre une vie épanouie, mieux vaut être bien entouré de collègue, famille et ami. Alors que certaines personnes disent que mieux vaut vivre seule que mal accompagné, moi je dirais que mieux vaut être accompagné d’un inconnu que d’être seul.