COUP D'OEIL AU MIROIR
Par Paméla Roy
Cocktails. Jolies robes et tailleurs ajustés ; rouge à lèvres et eau de Cologne. Complets et chaussures de la dernière mode.
En quelques secondes, l’on est poussé à bien paraître, pour l’emploi, pour être accepté dans le milieu, et ce, autant par les professionnels que par nos pairs ; pour être plus facilement approchés, approchables ; considérés, considérables. L’apparence est la première chose que l’on voit chez quelqu’un ; c’est le premier contact. Peut-être tentons-nous de cerner les contours de cette personne inconnue, de lui deviner une personnalité, des ambitions, des rêves. Le physique parle-t-il réellement pour nous ou peut-il au contraire induire en erreur ?
On étudie dans un baccalauréat qui, sans réellement le vouloir, nous pousse dans un monde d’image, de bien-paraître et d’avis au premier coup d’œil. L’on se fait une idée rapidement sur ce que pourrait être une personne de par ce qu’elle porte, et de par ce qu’elle a l’air ; de par l’enveloppe, la couverture : on pose un regard de surface. Les réseaux sociaux en rajoutent ; l’accent est mis sur la photo, sur l’apparence et sur le physique, et l’on en oublie presque la personne elle-même, sa personnalité et son unicité. Des milliers de personnes qui en suivent une seule non pas pour ce qu’elle fait, ou encore pour ce qu’elle est, mais bien pour ce qu’elle a l’air ; pour son apparence et ses photos de bon goût. Certains pourraient trouver cela flatteur ; je trouve cela alarmant.
Certains rétorqueront que ce n’est pas le problème de tout le monde ; que tous ne sont pas comme ça. Je vous répondrai que vous avez entièrement raison. Mais cette propagande à l’admiration de l’enveloppe charnelle est trop flagrante pour nier son importance. Elle prend place au sein de différentes relations professionnelles, mais aussi, et surtout, dans les relations interpersonnelles, dans les relations avec nos confrères et consœurs, ainsi qu’au sein même des relations amoureuses.
À mon avis, cette valorisation du paraître est devenue un problème de société, les relations entre individus s'en trouvant affectées. L’on entend toute sorte de choses aujourd’hui, comme s’il fallait entrer dans un moule préalablement conçu, sans qu’aucune mèche ne dépasse, et sans qu’aucun cil ne soit de travers. Sans prétendre que l’apparence n’est pas importante, surtout dans le milieu dans lequel on se développe à l’heure actuelle, l’on perd selon-moi un peu de notre personnalité et de notre unicité, hommes comme femmes, à tendre vers une telle conception de la réalité.
Certains s’en trouvent réellement affectés, se remettent en question et perdent confiance, en raison du fait qu’ils ne réussissent pas à concorder exactement ; à entrer dans le moule confortable du « on se ressemble tous ». L’on se met de la pression sur les épaules, en crainte de ne pas plaire pour ce que l’on est réellement. Nous perdons peut-être aussi, et dans une différente optique, le plaisir de se préparer, de se mettre beaux et belles pour soi-même et pour ce qui nous plait réellement, de par nos goûts et notre personnalité, pour laisser place à l’envie ou à l’urgence de plaire à autrui, en enfilant ce qui est reconnu comme étant joli, acceptable, ou à la mode.
L’Homme se crée lui-même une idée préconçue de la beauté. L’on sait que la beauté physique a toujours fluctué dans le temps, passant d’un extrême à l’autre, au fil des époques. Seriez-vous en mesure de réaliser que ce que vous croyez être beau ne vous est qu’imposé par la culture actuelle de notre société ? Pourriez-vous vous retourner et regarder l’extérieur de la caverne, afin de comprendre que ces ombres, que vous avez toujours vu, ne se fondent sur rien du tout ? L’allégorie de la caverne de Platon n’a pas été écrite sans raison et sans fondement ; elle s’applique à plusieurs situations de notre vie quotidienne, et en particulier à celle-ci.
Au sein d’une faculté comme la nôtre, dans un domaine d’étude enclin à développer cette tendance à la valorisation de l’apparence, l’on devrait tout faire pour renverser ces idéaux.
Ce dont vous avez l’air ne fait pas ce que vous êtes. Prendre le temps de découvrir les gens qui nous entourent et ne pas porter de jugement au premier regard vous permettrait peut-être de faire de magnifiques découvertes. L’ouverture d’esprit à la marginalité, à la différence et à l’hétérogénéité de notre communauté ne peuvent que nous élever davantage.
À mon sens, la beauté de l’âme est ce qui fait réellement la beauté d’une personne ; ce qui donne véritablement de la valeur à l’une ou à une autre, et que l’on ne peut déceler complètement après une seule conversation, ce qui rend la rencontre encore plus intéressante. Chaque personne est différente, unique en son genre et a quelque chose à nous apporter. La cultivation de l’ouverture d’esprit ainsi que de l’ouverture aux autres est l’un des plus beaux cadeaux qu’une société puisse se faire.
Homme, femme, tu es beau/belle tel que tu es. Lorsque tu te tournes vers ton reflet dans le miroir, ne voit pas que l’enveloppe ; voit le tout.