RÉCIT D'UN PAPA INCRÉDULE
Par Frédérick Quézel-Poirier
Les études en général peuvent apporter leur lot de stress et d’angoisse. Certains domaines sont plus taxant que d’autres et vous m’accorderez la critique suivante : le droit, c’est rude. Sans enlever un quelconque prestige à d’autres professions, qu’elles soient libérales ou non, le domaine juridique exerce sur ses initiés et ses futurs membres une pression qui est malheureusement loin d’être négligeable. Deux de mes collègues l’ont récemment évoqué, soit par sondage pertinent ou encore par un texte d’opinion rédigé avec brio (merci à Josée Therrien et le comité d’action sociale et à Paméla Roy). Ces deux articles ont fait réaliser à plusieurs d’entre nous que nous ne sommes pas seuls à trouver notre domaine de prédilection dur et exigeant. Exigeant tant au niveau de la charge de travail que le poids qu’il exerce sur notre vie en général. Il est difficile de concevoir qu’on puisse simplement passer au travers de notre parcours afin de revêtir la toge tant convoitée. Il est encore plus difficile de croire qu’on puisse y arriver sans perdre certaines parties de nous-mêmes, de notre vie ou encore écorcher nos relations un tant soit peu intimes. Les études en droit revêtent pour plusieurs une couleur particulière, car elles obligent constamment les remises en question. Ces remises en question peuvent être de plusieurs natures, certaines bénéfiques, d’autres non. Elles nous forcent à repenser notre petit univers et nos propres valeurs, amenant leur lot bénéfique ou non.
Comme plusieurs de nos distingués professeurs nous le rappellent constamment, les études en droit ne sont pas un sprint, mais bien un marathon. Un marathon, car elles impliquent une concentration et une détermination constantes. Cette réalité n’est pas toujours rose, mais elle est loin d’être immanquablement sombre et dénuée de beaux rayons de soleil.
Je vous explique tout cela, parce que je suis un papa incrédule. Comme plusieurs d’entre vous, je suis encore en train de suivre mon parcours, sans être trop écorché, mais surtout, sans m’être résigné en cours de route à tout abandonner. Incrédule surtout, car je ne saisis pas encore toute la chance de pouvoir un jour exercer une profession qui n’est pas à la portée de tous : efforts financiers, investissement de temps et contingentement important. Je lisais récemment l’ouvrage de ma collègue (mentionné précédemment) qui discutait des relations intimes tout en effectuant des études en droit. Elle évoquait un discours intrigant et portant à la réflexion personnelle : est-ce qu’il est loisible ou même un tant soit peu réalisable d’avoir une relation stable, intime et solide tout en effectuant le parcours académique et professionnel dans lequel nous nous sommes engagés ? Je crois humblement qu’il est possible, loisible et même encouragé d’entretenir ce genre de relations, car elle permet un équilibre dans notre vie en général.
Plusieurs d’entre vous connaissent ma petite histoire ou encore une parcelle de celle-ci : je suis un jeune papa et je suis en droit. Oui oui !! Je ne vais pas vous mentir en vous disant qu’il est facile de balancer ma vie personnelle, ma vie professionnelle et ma vie académique afin que le tout soit cohérent et que je n’y perde pas la raison. Toutefois, je crois être la preuve qu’il est possible d’entretenir une vie personnelle bien remplie en y adjoignant un emploi et des études exigeantes. Certains d’entre vous m’ont affublé de plusieurs qualificatifs : fou, malade mental, Saint (j’aime bien !), dérangé ou encore même égoïste. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que je suis l’heureux papa de deux petits bonhommes de 2 ans et demi et 1 an et demi et de plus le conjoint heureux d’une femme merveilleuse depuis plus de 10 ans. Ce qui fait encore plus tomber les mâchoires, c’est que nous attendons une fille début février (en plein milieu de la célèbre course aux stages !!). Encore plus fou vous direz ? Peut-être, mais comblé à souhait dans tous les aspects de ma vie. Encore une fois, plusieurs d’entre vous m’ont réitéré leur étonnement et leur ébahissement face à ce « poids » supplémentaire auquel j’ai volontairement adhéré. Ce « poids » est relatif, car il n’est qu’un poids si je le laisse être un poids. C’est là où mon équilibre prend sa force et me permet de passer au travers des difficultés qui se sont dressées et qui se dresseront devant moi dans le futur. Mon équilibre tient au fait que je prends des décisions en assumant pleinement les conséquences fâcheuses ou difficiles qui pourraient en découler. Mais c’est également dans tout ce brouhaha que je m’épanouis le plus, parce qu’à la base j’ai décidé d’avoir une relation qui a maintenant dépassé la décennie; d’avoir des enfants au même moment qu’un retour aux études; d’avoir à travailler pour subvenir aux besoins de ma petite famille et au surplus d’entamer des études en droit. C’est ici que je crois qu’est le « nerf de la guerre» des étudiants en droit. Je ne prétends pas connaître les remèdes miracles et les solutions magiques ou encore d’avoir la science infuse, mais je crois humblement qu’il est possible d’avoir le « whole package » si vous me permettez l’expression. D’ailleurs, c’est l’ensemble de l’œuvre qui fait en sorte que j’arrive à m’en sortir, parce que sans ma petite tribu, mes plaisirs, mes folies, mes amis et surtout ma conjointe, les études en droit ne culmineraient que sur un diplôme de plus, mais sans réelle saveur ou véritable sentiment d’accomplissement.
Donc, en ces moments de réjouissances, de pain d’épice, de tourtière, de pâtés, de champagne, d’odeurs merveilleuses de maisons pleines de vies et d’amour, je vous souhaite à tous de trouver VOTRE équilibre et de le garder tout au long non seulement de vos études, mais de votre vie.
Sur ce, bonne fin de session, Joyeux Noël, bonne année et on se rejase ça en janvier !!!