Je trouve cette dernière session en droit exaltante, mais terriblement épuisante. J’ai l’impression de toujours être dans les extrêmes. Le matin je peux défoncer un mur par la force de ma pensée et le soir, je comprends plus du tout comment ma vie peut être trois fois plus difficile qu’il y a trois ans, sans pour autant voir les fruits de mes sacrifices. Quand j’étais à l’UQAM, je voyais les étudiants en droit courir à droite et à gauche. Toujours essoufflés, à boire du café plus par nécessité que par plaisir. Je me disais que moi, j’allais faire ça différemment, que j’allais faire comme j’ai toujours fait et dicter mon rythme, prendre mon temps, choisir mes projets. Mais la vague est forte et elle emporte tout sur son passage, surtout les petites au-dessus de leurs affaires. Trois ans plus tard, je n’ai pas pris mon temps et je suis épuisée. Ce bac m’aura coûté une relation, littéralement toutes mes fins de semaine, et beaucoup trop de temps que j’aurais pu passer avec ma famille, mes amis et mes chiens.
Si je suis déçue de m’être laissé submerger, je le referais. Juste pas demain matin parce que j’ai sacrément besoin de vacances et d’un salaire. Mais même si mes amis s’achètent des chalets pendant que moi je croule sous les dettes, je ne regrette pas de m’être embarquée dans cette aventure de fou qu’est le baccalauréat en droit. Je reconnais la chance que j’ai d’être sous le point de passer au travers indemne et de simplement avoir eu la possibilité de le faire. Je pense à ceux qui font tout ça avec des enfants, des proches qui ne comprennent pas « pourquoi t’es encore à l’école t’étais pas bien dans ton ancienne job ?! » ou qui ont eu à sacrifier leur santé mentale pour une cote Z.
Cette dernière session je la trouve difficile surtout à cause de ce qui vient après, parce que le marché du travail ne ressemble en rien à ce que je m’étais imaginé. J’ai voulu étudier en droit parce que je suis une éternelle optimiste, que la justice pour tous j’y crois pour vrai. En étudiant les relations internationales, j’avais appris que l’information c’est le pouvoir. Connaître les lois, l’état du droit, c’est malheureusement de l’information peu accessible à la plupart des gens. Ce serait se voiler les yeux que de ne pas reconnaître l’ampleur du pouvoir que j’ai maintenant entre les deux oreilles. Ce que je n’avais pas anticipé c’est comment ce pouvoir se déploie au sein de la société [1].
On a les rêves qu’on peut [2]. Sur mon bagage d’enfance heureusement insipide, de parents aimants et en mesure d’aider, d’amis dévoués et d’un corps qui tient le coup, j’ai érigé les miens assez haut merci et je commence à peine à deviner les contours des obstacles qui m’attendent. Malgré tout, j’ai l’audace de penser qu’un refus est une invitation à faire les choses autrement. J’aime à croire que, pour une fois, je ne sais pas où je vais être dans un an, mais que c’est une bonne chose. À deux mois de la fin de mes études en droit, je m’émerveille de voir que je suis aussi têtue, émotive et forte qu’il y a trois ans. Peu importe votre parcours et vos ambitions, je vous souhaite la même chose au bout du chemin : vous retrouver.
[1] J’aimerais élaborer sur ce point, mais en tant que future avocate je comprends aujourd’hui la valeur du silence et t’invites à développer ta propre réflexion.
[2] Véronique Grenier l’a écrit avant moi.