Le printemps s’installera peu à peu, les rayons du soleil se feront légèrement plus insistants et la Terre tremblera sous les pas de jeunes et plus particulièrement d’étudiants qui répondront à l’appel de l’une, aussi jeune soit-elle, des nombreuses icônes qui s’ajoutera, bien malgré elle peut-être, aux échos de l’Histoire.
Elle arrêta le soleil et mit la Terre en marche.
Souvent employée en référence au célèbre astronome de la Renaissance Nicolas Copernic, il m’apparait, en féminisant ainsi le pronom qui l’introduit, désormais possible, avec une touche d’imagination, de donner à cette phrase un sens nouveau avec la désormais célèbre Greta Thunberg.
Jeune figure des échos les plus récents du mouvement mondial pour le climat qui promet de rugir plus fortement encore dans les prochains mois, Greta Thunberg semble avoir appris des femmes de tête qui l’auront précédée. En marge de la journée des femmes, il est tout désigné d’en faire mention.
Laurel Thatcher Ulrich, historienne et professeure à l’Université Harvard avait un jour déclaré que : « Les femmes bien élevées entrent rarement dans l’Histoire ». En adoptant évidemment une interprétation limitative et peut-être même erronée de l’idée d’être « bien élevé », le courant général de cette phrase m’apparait tout de même comme étant très évocateur de ce qui semble actuellement se passer.
En effet, Greta Thunberg, tout comme les Gandhi, Luther King ou les Suffragettes avant elle, utilise la rupture avec l’ordre établi comme moyen de faire pression et ultimement d’inspirer d’autres à faire de même. Après tout, son militantisme, tel qu’on le connait désormais, a bel et bien commencé alors qu’elle séchait chaque semaine les cours afin de manifester devant le Parlement suédois.
Ainsi, à travers les petits et les grands mouvements, cela mène à se questionner sur ces rapports entre ce type de rupture ou même le concept de désobéissance civile et le changement et sa propension à révolutionner les idéaux, les politiques et les perspectives d’une société. Sans être spécialiste de l’Histoire, un simple intérêt porté à son endroit peut aisément mener à constater que les choses ont souvent changé suite à des luttes précises contre les conventions ou tout simplement les lois en place. Bien que toujours imparfaites, les situations respectives des femmes en Occident quant à leurs droits et plus spécifiquement celui de voter, celle des Afro-américains, celle des travailleurs, celle des étudiants seraient-elles les mêmes s’il n’y avait pas eu désobéissance à l’ordre établi ? Il serait difficile et peu prudent de tenter de préciser une réponse en particulier. Or, il reste tout de même intéressant de se pencher sur ce phénomène et encore plus précisément, je crois, dans une optique d’étude, d’éventuelle pratique et peut-être même de création du droit.
Parallèlement, des individus tels que Bernie Sanders, sénateur du Vermont et candidat aux primaires démocrates en vue de la prochaine élection présidentielle américaine aspirent à changer le système, mais de l’intérieur. Également, nombre d’avocats dans l’Histoire et tous les jours encore ont, par le jeu des lois et la créativité dont ils ont su faire preuve, habilement réussi à faire évoluer les choses, la loi et ultimement l’ordre établi. Ces évolutions ont, par la suite, souvent ou précédemment à leurs démarches, fait boule de neige au sein des mentalités. En ce sens, ces gens agissent, pour la majeure partie de leur action, dans les règles de l’art et réussissent tout de même à inspirer des dizaines, des centaines voire parfois même des millions de personnes. À mon avis, le cadre même du droit est un instrument solide pour militer. La seule chose qu’il faut c’est une volonté à toute épreuve et la conviction profonde de toujours garder à l’esprit ce pour quoi on le fait et ceux pour qui on décide de le faire. La justice devrait, sans failles, tout comme se réclame l’être la désobéissance civile, être celle du peuple avant tout. Au rythme auquel menace de déferler le XXIe siècle, il ne faudrait pas permettre à l’idéalisme de se perdre. Si d’autres avant nous ont su garder la tête hors de l’eau, nous le pouvons bien.
Des discours très en vogue portant essentiellement l’idée que chacun doit prendre en main son destin servent actuellement, lorsqu’on s’y attarde, à opposer ces deux approches. En ce sens, bien que souvent en interrelations, l’une compte davantage sur le citoyen en soi. Quant à elles, la force du nombre et la mobilisation constituent, pour ainsi dire, ses armes les plus puissantes. Dans l’autre camp, qui pourtant possède son lot de ressemblances avec le premier, le citoyen délègue essentiellement son pouvoir d’action à un leader dont l’incarnation et la position constitueront l’arme la plus efficace pour parvenir aux objectifs de l’ensemble.
Toutefois, après tout, les praticiens du droit, politiciens et autres figures ont parfois une position leur permettant d’agir à l’interne. Or, il a aussi toujours un statut de citoyen à part entière qui vit en société et peut en avoir marre d’attendre ou de se sentir inefficace dans des domaines en particulier. Autrement, les militants, syndicalistes, groupes de pression ou autre aspirent, ou même détiennent parfois, un charisme et un leadership qu’ils sont quelques fois susceptibles de sous-estimer.
En cette voie, ne nous faudrait-il pas cesser de démoniser d’emblée tout ceux en position de pouvoir et il nous faut, pour ces derniers, cesser de minimiser l’impact qu’un groupe de citoyens peut, en luttant contre les conventions, finir par avoir et ce, parfois beaucoup plus rapidement.
Il serait aussi naïf de croire que l’un et l’autre ne s’influencent pas. Tout n’est pas noir ou blanc et parfois, sans avoir une profonde connotation négative, il ne peut s’agir que de collaboration.
C’est justement ce principe de collaboration qui semble s’imposer comme étant la clé aux impasses. Les décideurs doivent être réellement plus ouverts, plus attentifs, plus à l’écoute et surtout ne pas avoir peur de réformer ou plutôt de soigner les structures lorsqu’elles sont malades ou décalées de la réalité qui elle change, et ce, rapidement. Pour éviter de ne le faire qu’en surface, c’est du courage politique à revendre qu’il leur faut. Il s’agit parfois de savoir ne le faire que pour les bonnes raisons. Copernic a peut-être à l’époque, par peur de la réaction du Clergé, attendu avant de soumettre sa thèse de l’héliocentrisme. Toutefois, Greta et tout ce qu’elle représente n’attend pas. Face à l’urgence et aux degrés en croissance, elle confronte, sans verres fumés ni lunettes roses, elle regarde le Roi-Soleil de ce monde dans les yeux et pendant ce temps des milliers marchent et des millions n’hésiteront plus à désormais marcher derrière elle ou plutôt devrai-je dire... avec elle.