Les actes de violence perpétrés envers les Rohingyas qui ont lieu à l’heure actuelle en Birmanie sont révoltants et viennent percuter nos idéaux de sécurité et d’égalité qui nous semblent parfois acquis en 2018. Pourtant, dans ce pays d’Asie du Sud, les représailles commises par les forces armées birmanes envers les Rohingyas ne leur donnent que peu d’alternatives ; combattre, fuir leur pays ou mourir.
Un Holocauste moderne
Les Rohingyas sont un groupe ethnique musulman habitant majoritairement la Birmanie, pays dont près de 90 pourcents de la population est bouddhiste. Les crimes dont ils sont actuellement victimes sont le dénouement de différentes politiques et actions du gouvernement birman ayant contribué directement et indirectement à discriminer, à marginaliser et à oppresser ce groupe. En 1982, l’État adopte à ce sujet une loi révoquant les Rohingyas statut de citoyen de la Birmanie, les privant conséquemment de nombreux services. En parallèle, les forces armées birmanes, ayant une position importante et quasi-autonome dans le pays par la Constitution, commettent depuis de nombreuses décennies des actes odieux envers ce groupe allant des violences sexuelles aux arrestations arbitraires.
La situation évolue en 2012 lorsque deux conflits éclatent entre ces groupes à la suite du meurtre d’une bouddhiste et de dix musulmans. Les affrontements qui en résultent sont l’effet d’une campagne islamophobe menée depuis plusieurs mois par un parti national birman. Ce dernier indique d’ailleurs ses intentions d’eugénisme négatif en citant Hitler, : « des actes inhumains sont parfois nécessaires pour maintenir une race. » À la suite du désordre de 2012, le gouvernement Birman établit des mesures drastiques envers les Rohingyas tels l’instauration de couvre-feux et d’importantes restrictions à la liberté de mouvement. Le 25 août 2017, un groupe servant à défendre les intérêts des Rohingyas, L'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan (ARSA), se rebellent en attaquant une base militaire. La réponse des forces birmanes est alors brutale s’attaquant immédiatement de manière purement arbitraire au groupe musulman. Ces derniers sont violés, torturés, tués, leurs maisons sont brûlées, leurs villages saccagés. Les Rohingyas fuient dès lors en majorité vers le pays voisin, le Bangladesh avec un minimal de ressources. Depuis les événements du 25 août 2017, près de 750 000 femmes, hommes et enfants ont fui la Birmanie selon le Haut-Commissariat au Nations-Unis pour les réfugiés.
L’aide de la communauté internationale
Les Rohingyas sont apatrides, c’est-à-dire qu’ils ne sont reconnus par aucun État comme étant leurs ressortissants. Ayant été forcés de quitter la Birmanie, ils n’ont ainsi théoriquement aucun endroit où ils peuvent s’installer de façon permanente. Au Bangladesh, les Rohingyas qui ont survécu au trajet sont logés dans des camps de fortune insalubres où règne misère, crainte et incertitude. Diverses institutions et certains États leur fournissent des ressources et soins qui sont toutefois insuffisants pour ces centaines de milliers de réfugiés. D’ailleurs, Amnistie international rappelle le besoin urgent de fournir une meilleure assistance aux Rohingyas dans un contexte où « [la] crise ne va pas disparaître dans un avenir prévisible. »[1] Le gouvernement Birman a pour sa part restreint considérablement l’acheminement de l’aide humanitaire destinée aux Rohingyas encore présents sur son territoire.
Les sanctions de la communauté internationale
Depuis quelques semaines, la situation qui se déroule en Birmanie se débroussaille et la pression internationale n’a jamais été aussi manifeste. Le 6 septembre dernier, La Cour pénale internationale (CPI) a affirmé qu’elle était compétente pour enquêter sur la situation en Birmanie ; certains agissements des forces armées ayant été considérés comme crimes de déportation. Ce tribunal international pourra ainsi éventuellement sanctionner les responsables et ce, même si la Birmanie n’est pas un État ayant ratifié le statut de la Cour. Cette dernière exerce ainsi sa juridiction sur les actes qui se sont en partie produit sur le territoire du Bangladesh, pays membre de la Cour. La CPI, se prononcera ultérieurement si elle a compétence sur d’autres crimes.
De plus, de nombreux pays exercent présentement diverses sanctions sur la Birmanie allant de simple restriction de commerce à un embargo complet sur les armes et matériaux connexes. Au Canada, des sanctions sont imposées par divers règlements et décrets créés en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales[2].
Les critiques de la communauté internationale sont également abondantes envers Aung San Suu Kyi, présidente de la Birmanie, pour son inaction absolue et son déni des actes des forces armées. Ironiquement, cette dernière est la lauréate du prix Nobel de la paix de 1991.
Une situation qui rappelle
La Shoah n’a plus lieu. Le nettoyage ethnique des juifs des années 30 et 40 en Europe nous semble bien dernière nous. Les leçons nous semblent parfois parfaitement acquises et la sécurité, l’égalité et liberté de religion paraissent être des droits incontestables. Néanmoins, ces mêmes sentiments de haine et d’hostilité qu’on retrouvait pendant l’Holocauste sont encore présents aujourd’hui sous différentes formes. La situation des Rohingyas en est un exemple frappant. Le chemin à parcourir pour atteindre un certain niveau de paix à l’international est donc long et épineux, analogiquement à celui qu’a dû emprunter les Rohingyas pour fuir. Pour l’instant, il est primordial de penser aux futurs combats qui auront lieu, de sanctionner les crimes et de fournir une assistance suffisante aux victimes.
[1] Biraj PATNAIKM. «La communauté internationale doit venir en aide aux réfugiés rohingyas de toute urgence», https://amnistie.ca/sinformer/communiques/international/2018/bangladesh/communaute-internationale-doit-venir-en-aide-0
[2] Loi sur les mesures économiques spéciales, LC 1992, c.17.