Nous avions par le passé un système d’éducation qui ne permettait qu’à une frange de la population d’y accéder. Les études en droit étaient synonymes de formation de l’esprit. Le cours classique avait évidemment posé de très bonnes bases en termes de philosophie et de linguistique (tant du latin que du grec). Les jeunes étaient outillés à faire face à des termes aussi fondamentaux que la justice.
Ce que je constate de nos jours, c’est que notre formation juridique est plutôt orientée pour que l’on devienne des techniciens du droit. On nous enseigne le droit comme un postulat vrai et actuel. On en évacue toute forme de remise en question. On prétexte que les étudiants ne sont pas assez matures pour le faire, qu’ils ne peuvent le faire qu’à partir des études graduées.
Dans l’état actuel des choses, on se contente de former les prochains juristes selon l’état actuel du droit. On ne met aucun accent sur ce que le droit devrait être. Comment en arriverons-nous donc à faire cheminer la jurisprudence, la législation ou la technologie, sans remettre en question l’état actuel?
Les avocats praticiens de l’époque enseignaient une formation professionnelle aux étudiants sans la prétention d’en faire une science. C’était une tradition académique que de former ses successeurs. Depuis l’avènement des professeurs de carrière en droit, on nous enseigne le positivisme comme une vérité inébranlable. Ils ont élevé le droit au rang de science, au rang du domaine objectif. Et c’est ce qui fait que le droit s’éloigne de ses fondements moraux et justes.
Ce qu’est la loi importe peu, car la loi est vouée à changer, à disparaître, ou à renaître sous une autre forme. L’attitude qu’on nous transmet, c’est une résignation généralisée envers le législateur. Nous pouvons tous être législateur, participer à l’élaboration de la loi. La loi n’est pas immuable, bien au contraire. Il faut arrêter de se borner au seul droit en vigueur.
L’université n’est-elle pas le lieu par excellence où il faille former les esprits à réfléchir et à remettre en question? Comment donc être instrument de changement si l’on s’en tient qu’à ce qui est reconnu ? L’université dans sa forme actuelle ne permet pas aux étudiants d’innover.
De tout temps, l’Université Laval formait de jeunes gens qui allaient profondément changer le Québec. Notre université a su former des juristes qui allaient marquer leur domaine respectif. Que ce soit en droit, en journalisme, en affaires ou en politique, Laval était en mesure de former les leaders de demain. Parce que d’abord et avant tout, le droit est un instrument de changement.
Rappelez-vous que sur un total de 31 Premiers ministres québécois, pas moins de quatre ont effectué des études en droit à l’Université Laval (Louis-Alexandre Taschereau, Jean Lesage, René Lévesque et Lucien Bouchard). Nous avons même eu trois Premiers ministres canadiens sur 23 (Louis St-Laurent, Jean Chrétien et Brian Mulroney). Peu d’institutions au Canada peuvent se targuer d’avoir eu autant d’influence sur les scènes politiques fédérale et provinciale.
Nul n’est tenu de prédire l’avenir, mais il m’inquiète de voir si peu de gens tournés l’avenir. Ceux qui s’illustreront seront ceux qui auront initié un projet commun, peu importe lequel. Mais où sont ceux et celles qui sauront faire briller la profession d’avocat, de notaire, de journaliste, ou d’homme d’État? Je suis encore à chercher. Peut-être sommes-nous encore trop jeunes.