HISTOIRES D'ÉCHANGES

Marc-Antoine Patenaude 

Ferrara, Italie, session d’hiver 2016

Depuis le début de la session, je dis et redis à toutes les nouvelles recrues de la faculté de ne pas s’en faire avec la charge de travail imposante qui vient avec le baccalauréat en droit, qu’il y a une adaptation, que tout va finir par se placer et qu’ils ne couleront pas leurs examens. Mon secret, c’est que je vis un peu la même situation qu’eux. Sans vouloir jouer les victimes, il n’a pas été facile de passer du mode de vie québécois à la dolce vita italienne, mais surtout, l’inverse s’est avéré être encore plus ardu.

Cette dolce vita à Ferrara, ça avait l’air de quoi ? C’était me lever à 11h (heure à laquelle la ville commence à s’animer), aller me chercher un cappucino avec des pâtisseries à un euro pour débuter ma journée du bon pied pour ensuite me rendre à mon cours dans cette université vieille de plus de 600 ans (l’Université de Ferrara a quand même été fondée en 1391 !). Évidemment, s’il était écrit à l’horaire que mon cours débutait à 13h, jamais un enseignant ne débutait son cours avant 13h15, les italiens appellent ça un « délai administratif », ce qui peut se traduire ici par : « les Italiens sont incapables d’arriver à l’heure ». Au niveau des cours, et bien je peux vous dire que le système italien est beaucoup moins exigeant qu’il ne l’est ici. Tout d’abord, aucune lecture ! C’est ce qui m’a frappé le plus dès le début des cours, pas d’ouvrages doctrinaux à lire, la jurisprudence est couverte en classe, tout comme la législation pertinente. Quelle immense différence par rapport aux pages de lecture qui n’en finissent plus de s’accumuler au fil de ma procrastination.

16h00, le cours terminé, que faire à Ferrara ? Il fait chaud aujourd’hui (en fait, il fait chaud tous les jours, en partant de 15 degrés Celsius à mon arrivée en février, jusqu’à aller à 35 lors de mon départ en juin), quoi de mieux pour combattre la chaleur qu’une bonne gelato italienne, principale raison de ma prise de poids durant mon échange. Ensuite, pour s’assurer de bien digérer, une petite promenade sur les fortifications médiévales de la ville, datant du 15e siècle et toujours bien intactes, est de mise. C’est bière à la main que je croise nombreux joggeurs, promeneurs de chiens et vieillards. Ah ces vieillards italiens ! Ils sont exactement comme on les imagine, toujours bien habillés, avec un béret ou un petit chapeau, je suis toujours persuadé qu’ils sont engagés par la ville pour s’habiller ainsi et pour déambuler dans les rues. Ça ajoute du cachet à Ferrara.

Vient ensuite mon moment préféré de la journée et de la culture italienne, l’aperitivo ! L’apéritif, considéré un peu comme une tradition de vieux au Québec, est bien ancré dans les habitudes de la jeune populace italienne. Le principe est simple, tu vas prendre un verre au bar et ça te donne accès à toute la nourriture servie sous forme de buffet, et attention, on ne parle pas ici d’un buffet dans le style « Buffet chez Marcelle » avec du Kraft Dinner température pièce. Les italiens sont par nature des épicuriens. Surtout quand ça touche la nourriture ! On parle ici de pizza traditionnelle italienne, de pâtes et autres bouchées succulentes. Tout ça pour le prix d’un verre de Spritz (soit deux euros).

21h00, la soirée commence, tout le monde se rassemble devant le Duomo, l’église centrale de Ferrara, bouteille de vin ou de bière à la main pour discuter. Pratiquement toute la population de Ferrara de 18 à 25 ans s’y trouve, on y voit tous nos amis Erasmus, plusieurs italiens, beaucoup, beaucoup de gens à vélo. Ça me faisait bizarre au début de consommer de la boisson devant un lieu religieux mais si tout le monde est à l’aise avec ça, aussi bien me fondre dans la masse.

23h30, la soirée tire à sa fin, certains quittent pour aller rejoindre les boîtes de nuit, d’autres avec les priorités aux bonnes places comme moi préfèrent terminer la veillée avec un kebab ou bien avec une délicieuse pizza italienne. On retourne ensuite à la maison, dodo, et puis on recommence, et ce, pendant 4 mois, j’aime l’Italie.

Et les examens dans tout ça me direz-vous? Disons qu’ils sont à l’image des Italiens, très décontractés. Plusieurs des examens se font à l’oral et pour le seul examen à l’écrit que j’ai eu à faire, l’ordinateur était permis. De plus, pas de stress au niveau de la performance, le système d’éducation italien possède cette particularité où il est possible de refuser sa note, dans un tel cas l’examen peut être repris plusieurs fois jusqu’à l’obtention d’une note satisfaisante.

Je n’aurais pu demander mieux comme conditions pour une session en échange, cela m’a laissé beaucoup de temps pour explorer divers pays. En quatre mois à l’étranger, j’ai eu la chance de prendre 17 vols, voir 9 pays sur 3 continents. Dites-vous que ça en fait pas mal des photos Instagram des voyages comme ça. C’est d’ailleurs au fil de mes aventures que j’en suis venu à développer une relation amour/haine avec la compagnie d’aviation Ryanair, oui le service de Ryanair est exécrable et les vols sont incroyablement inconfortables, mais d’un autre côté, avoir un vol pour la Grèce aller-retour pour la modique somme de 18 euros, ça n’a pas de prix… Ou presque ! Parlant de la Grèce, si vous voulez prendre un traversier pour aller en Turquie, je vous avertis d’avance, le visa turc coûte 60 euros, ne faites pas le saut en arrivant à la frontière ! Par contre ça fait toujours beau dans un passeport et les kebabs y sont incroyables.

Ma session à l’étranger m’a permis de barrer l’un des points au sommet de ma liste de choses à faire avant de mourir, j’ai enfin pu assister à un match du FC Barcelone au mythique Camp Nou. Tout le stress de partir à l’étranger, de ne pas voir ma copine, mes amis, ma famille et mon chien pendant 4 mois, tout ça valait la peine pour voir Lionel Messi compter un but sur un coup franc incroyable de mes propres yeux. Honnêtement, à ce moment-là c’est comme si j’avais 6 ans, j’étais assis dans la foule et je ne faisais que sourire bêtement et c’est probablement un moment qui va rester ancré dans mes souvenirs pour toute ma vie.

Mais surtout, mon échange aura valu la peine pour les rencontres que j’y ai faites, la communauté Erasmus est tissée assez serrée dans un contexte comme ça. Je ne peux vous cacher que j’ai toujours un petit pincement au cœur quand je pense à mes amis de l’autre côté de l’Atlantique, Carmen des Pays-Bas, Louise de la Suède, Isabel de l’Allemagne, Tenshiro du Japon de même que mes fidèles colocataires Niccolo et Guillaume, auront tous contribué à faire de ma session d’hiver 2016 une expérience haute en couleur que je n’oublierai pas de sitôt.

En rétrospective, même si j’apprécie notre classique poutine québécoise, nos paysages et notre mode de vie nord-américain, il y aura toujours une petite partie de moi qui sera restée à Ferrara et je crois ne pas en avoir fini de me surprendre à rêvasser entre deux pages de doctrine et à m’imaginer là-bas devant le Duomo, avec un bon Spritz à la main et mes amis à mes côtés. Vraiment, le retour à la réalité est beaucoup plus dur que je ne le croyais.