À la rencontre de Anne-Marie Laflamme
C’est au cinquième étage du De Koninck, dans un bureau qui semble avoir échappé à la fois aux interminables rénovations du pavillon et à la typique architecture brutaliste sans fenêtre de l’Université que nous accueille Anne-Marie Laflamme, nouvelle doyenne de la Faculté. Affable et généreuse, elle me tiendra pendue à ses lèvres pendant l’heure que durera notre rencontre. Mais avant même que je n’aborde ma première question, elle avait inversé les rôles. Je me retrouvais questionnée par cette femme à l’oreille attentive qui, bien souvent, écoute avant de parler.
Cette façon de faire n’a rien d’inhabituel pour Me Laflamme qui, avant de se lancer à la course au décanat, avait d’abord mené une vaste consultation auprès des membres de la Faculté. Pour elle, la collégialité, la collaboration et le travail d’équipe sont primordiaux et c’est sous ces angles qu’elle aborde son mandat. En menant des consultations plus fréquentes avec les étudiants, en impliquant les chargés de cours et en mettant en place des occasions de dialogue et de rencontre entre les professeurs, elle espère susciter le goût de travailler ensemble pour mener une œuvre qui dépasse les individualités. C’est son leitmotiv : travailler ensemble pour emmener la Faculté plus loin, pour en faire quelque chose de plus grand que nous.
La justice sociale sera également l’une des valeurs phares qui animera la nouvelle doyenne. Elle qui s’implique personnellement comme membre du conseil d’administration du centre communautaire juridique de Québec souhaite que la Faculté continue de prendre part aux grands débats sociaux, continue de démocratiser le savoir pour que tous puissent avoir accès à la justice, malgré les enjeux monétaires et les délais qui sont l’apanage de notre système. Pour ce faire, elle souhaite mettre en place des cliniques juridiques qui permettraient aux étudiants de venir en aide à certaines clientèles ciblées. Elle aimerait également voir les étudiants s’impliquer plus dans les causes qui leur tiennent à cœur, en ce sens, elle a l’intention de solliciter davantage leur engagement. Elle est lucide, nous vivons dans un monde individualiste et nous n’avons pas tendance à penser instinctivement aux autres, mais il suffit d’en parler pour remédier à ce problème. Voilà l’un des rôles qu’ont les professeurs, sensibiliser leurs étudiants aux causes sociales et aux enjeux de société. Mme Laflamme se fait elle-même un devoir de le faire dans ses classes. Elle cite en exemple la conversation qu’elle a eue avec ses étudiants lors des bouleversants évènements de la mosquée de Québec l’hiver dernier.
Son engagement social se manifeste aussi par ses travaux sur la progression et la rétention des femmes dans le milieu juridique, une cause qui lui tient particulièrement à cœur. Elle qui a travaillé en cabinet pendant près de 21 ans pose un regard critique sur la situation des femmes dans le domaine. Alors que les femmes représentent 65 % des diplômées de l’école du Barreau, elles ne sont que 32 % à demeurer en pratique privée. Cela étant, les choses sont en train de changer, les associés des cabinets veulent entendre parler des pistes de solution pour contrer ce problème et, en tant que doyenne, Me Laflamme espère pouvoir outiller les étudiants pour qu’ils deviennent des vecteurs de changement.
Par ailleurs, Me Laflamme se distingue de ces prédécesseurs au poste de doyen par le fait qu’elle ajoute une vaste expérience pratique à son important bagage académique. Pour elle, le cumul des expériences constitue le meilleur des deux mondes. Non seulement dans son cas personnel, où elle croit que son passé de gestionnaire au sein d’un cabinet et ses aptitudes développées en tant qu’avocate en droit du travail seront des atouts, mais également pour les étudiants. En
effet, elle suggère aux étudiants de considérer une formation additionnelle au sortir du baccalauréat afin d’acquérir plus de profondeur. En ce sens, elle souhaiterait accroître l’offre de programmes passerelles qui permettent aux étudiants de compléter leur formation juridique avec des connaissances dans d’autres domaines. Des programmes à l’image du partenariat qui existe déjà avec la Faculté d’administration pour le MBA.
Une autre réforme qu’elle souhaite apporter aux programmes concerne le cours de Documentation juridique et rédaction d’une note de recherche. Créé à la suite d’une réforme visant à accroître les capacités de recherche et de rédaction des étudiants, force est d’admettre que le cours n’atteint pas ses objectifs. Il s’agit d’un dossier sur lequel la doyenne et son équipe ne manqueront pas de se pencher afin que l’Université Laval continue d’être reconnue pour la qualité de ses étudiants en recherche et en rédaction juridique.
Pour Anne-Marie Laflamme, une autre force qui caractérise notre Faculté est la qualité de ses enseignants. Un corps professoral à la foi composé de jeunes œuvrant dans des domaines juridiques d’avenir et de professeurs d’expérience dont la réputation n’est plus à faire ni auprès des étudiants ni auprès des praticiens et de la magistrature qui s’inspirent
régulièrement de leurs travaux. En effet, la Faculté a la chance de compter en ses rangs de grands auteurs de doctrine, de véritables autorités du droit. Me Laflamme a bien l’intention de soutenir ces professeurs pour qu’ils soient reconnus à leur juste valeur.
Cela étant, la Faculté de droit de l’Université Laval est bien loin d’offrir un enseignement purement théorique. La vastitude de l’offre de stages permet à pratiquement tous ceux qui souhaitent mettre en pratique leurs connaissances de le faire par l’entremise des stages à la magistrature et en milieu gouvernemental ou communautaire. Cet équilibre entre pratique et théorie constitue une autre force de la Faculté sur laquelle Mme Laflamme entend bien miser. En effet, elle souhaite accroître l’offre de stages et mettre sur pied un plus grand nombre de cliniques juridiques. Enfin, à ceux qui s’inquiétaient de la voir délaisser l’enseignement en raison de ses fonctions administratives, sachez qu’elle conservera une charge de cours par année afin de rester connectée avec les étudiants, mais surtout, car elle aime sincèrement enseigner. Pour elle, le métier de professeur est le plus beau métier du monde, et ça, on n’a aucune peine à le croire lorsqu’on l’entend parler de recherche et d’enseignement, le regard illuminé par l’éclat de la passion.