Depuis d’innombrables années au Québec, des groupes tels que le Mouvement Retrouvailles ne cessent de lutter pour revendiquer leur droit à l’identité. C’est que dans les années 1950 et 1960 particulièrement, l’on accordait des promesses aux parents naturels de conserver le secret absolu concernant leur identité. La rupture du lien de filiation définitive s’accompagnait ainsi du secret absolu. Ce principe de la confidentialité découle initialement d’une coutume voulant protéger les parents du stigmate social associé aux enfants nés hors du mariage ou des enfants dits « illégitimes ». Ce dernier fut, par la suite, légiféré dans la Loi de l’adoption, L.Q. 1969, c. 64. Nonobstant, l’adoption du projet de loi 113, le 16 juin 2017, est venue bouleverser la stabilité entre les adoptés et les parents biologiques. Cette modification à diverses lois concernant l’adoption et la communication de renseignements ne serait-elle pas trop hâtive, négligeant ainsi la confidentialité promise depuis des décennies ?
L’entrée en vigueur, le 16 juin 2018, de la Loi 113 à savoir la Loi modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives en matière d’adoption et de communication de renseignements autorise désormais que l’identité des parents d’origine puisse être dévoilée aux personnes adoptées dans la province.
De cette façon, les personnes adoptées pour qui les parents biologiques sont décédés depuis au moins une année détiennent le droit d’obtenir « ses noms et prénoms d’origine, ceux de ses parents d’origine et les renseignements lui permettant de prendre contact avec ces derniers » [1]. Néanmoins, le dévoilement de l’identité des parents toujours en vie ne pourra qu’être loisible à compter de juin 2019. Les parents biologiques bénéficient dès lors d’un délai de grâce de dix-huit mois pour l’enregistrement d’un veto de divulgation ou de contact interdisant le dévoilement de leurs renseignements confidentiels. Toutefois, n’omettons pas qu’en dépit de l’inscription d’un refus, le nom des parents biologiques sera divulgué à l’enfant adopté qui en fait la demande postérieurement au décès du parent. L’on peut s’assouvir sur le fait qu’il sera permis d’imposer le veto après juin 2019 dans les cas où aucune demande de divulgation d’identité n’ait été demandée par l’adopté. L’évolution des mentalités au Québec a certes permis la reconnaissance de droits aux individus, mais néanmoins, cette revendication par les adoptés semble subsidiairement occasionner une atteinte aux droits des parents naturels.
Bien que récente, cette loi suscitera indéniablement de vives réactions chez les parents d’origine ayant demandé l’anonymat lors de la naissance de leur enfant. Au regard de la justice, ne devrions-nous pas non moins préserver les droits des parents biologiques ? Cela n’a-t-il pas pour effet de violer leur droit à la vie privée ? Ces parents semblent être mis de côté en raison du fait que la loi accorde automatiquement un veto de divulgation à l’enfant adopté, mais non pas réciproquement pour le parent d’origine. Ce dernier se voit dans l’obligation d’effectuer des démarches afin que protection lui soit accordée. Le législateur se doit de sauvegarder les droits de toutes les parties lorsqu’il entreprend des réformes du droit. Qu’adviendra-t-il des parents qui n’auront nullement été mis au fait des effets de cette modification à la loi ? Les promesses jadis offertes ne sont plus que poussières à présent que la confidentialité est aussi facilement brisée.
Nul besoin d’évoquer que les mères d’origine peuvent avoir vécu des situations éprouvantes les menant involontairement au choix de placer leur enfant en adoption. Il semble logique et équitable de s’attendre corollairement à ce que le législateur fasse preuve d’une analyse soignée lors d’une modification d’une loi aussi importante que celle-ci en droit de la famille. Toute loi se doit de comporter une atteinte minimale aux droits protégés et d’envisager les effets possibles de la loi sur les familles.
[1] Article 583 C.c.Q.