Je suis perpétuellement en colère. Je prends sur moi au quotidien et doute souvent de mes propres observations parce qu’en tant que féministe en colère je n’ai pas droit à l’erreur. Chaque prise de parole, surtout lorsqu’elle érafle les égos et les consciences masculines, est scrutée et disséquée dans les moindres détails. Alors je pèse mes mots, joue de prudence et, généralement, décide de me taire. Je me tais parce que ce que j’ai envie de dénoncer requiert qu’on me croie et qu’on accepte que l’expérience vécue des femmes soit porteuse de vérité. Mais quand on s’en prend à mes sœurs, la digue lâche.
Les femmes avec qui j’étudie sont intelligentes et travaillent fort. Elles ont des projets et des rêves et, pour la plupart, un entourage qui les soutiennent. Elles connaissent leurs droits, sont prudentes et tellement patientes. En 2018, j’ai été surprise puis déçue puis fâchée d’apprendre que les femmes avec qui j’étudie sont aussi victimes de viol, d’intoxication au GHB dans des partys facultaires et de micro-agressions au quotidien.
La seule personne responsable d’un viol, c’est le violeur. Nous aurons beau mettre toutes les ressources possibles en place, tant qu’il y aura des hommes qui veulent priver les femmes du contrôle de leur propre corps, il y aura des viols. Le viol s’insère dans le spectre la violence faite aux femmes. Il s’agit de la pénultième tentative de priver une femme du contrôle de son corps, la seule plus grave étant le meurtre. Le violeur ne veut pas avoir du sexe, ne veut pas faire l’amour à une femme, lui donner du plaisir et en retirer du même fait. Si jusqu’à aujourd’hui tu vivais sous une roche, je t’annonce qu’une relation sexuelle sans consentement, c’est un viol et qu’une fille intoxiquée n’est jamais consentante.
Alors on fait quoi ? Ces agressions s’insèrent dans une haine des femmes pernicieuse et silencieuse. C’est dans les commentaires déplacés, dans le déni du plaisir des femmes, en entretenant le silence et en faisant porter aux victimes le poids de l’agression qu’en tant que groupe, de microcosme de la société, on permet cette haine. C’est en tant que groupe que l’on peut faire mieux, amorcer une réelle discussion, confronter nos amis lorsqu’ils dépassent la ligne du respect et aider ceux et celles à demi inconscients à rentrer chez eux en sécurité.
Et nos hommes dans tout ça ? Ils sont tellement importants. Non seulement certains sont eux-mêmes des victimes, mais la plupart écoutent et veulent réellement que les femmes, les personnes non binaires et trans soient plus en sécurité et respectées au quotidien. Certains ont tout compris et plusieurs font des efforts considérables pour y parvenir.
Ceux et celles qui ont participé au party de fin de session de la session d’hiver 2018 ont été accueillis par un bricolage pour le moins inusité : une vulve toute douce avec un gros clitoris doré entourée d’images de chattes (oui oui, des chatons) décorées de blagues coquines sur le sexe, le consentement et le plaisir. L’idée derrière l’action est d’aller plus loin que « sans oui c’est non » en explorant les possibilités du oui. Prôner une sexualité plus saine, en intégrant notamment le plaisir féminin dans la discussion, n’est qu’une des multiples avenues possibles. Laisser la colère des femmes tuer la culture du silence en est une autre. Sur ce, je nous souhaite collectivement de faire mieux à l’avenir et vous laisse un maximum de ressources et de lectures pour que l’ignorance ne soit plus une excuse à l’indifférence.
La base :
Centre de prévention et d’intervention en matière de harcèlement de l’Université Laval : https://www.ulaval.ca/services-ul/harcelement/harcelement-sexuel.html.
Organisme Sans oui, c’est non ! : http://www.harcelementsexuel.ca/.
Service de sécurité et de prévention de l’Université Laval : (418) 656-5555.
Suivre le Comité droit et féminisme https://www.facebook.com/comitedroitetfeminisme/, les Féministes en mouvement de l’Université Laval https://www.facebook.com/femulaval/ et la Gazette des femmes https://www.facebook.com/gazette.des.femmes/, se tenir informé, rester ouvert aux nouvelles idées et à la souffrance des autres.
Pour mieux comprendre :
Rebecca Solnit, Ces hommes qui m’expliquent la vie, Les éditions de l’Olivier, Paris, 2018. Cote HQ 1221 S688 2018 F au premier étage de la bibliothèque.
Malgré ce que suggère le titre, Solnit aborde bien plus que le mainsplaining. Sept essais sur les rapports de genre, le patriarcat, les agressions sexuelles et le harcèlement. Une lecture facile qui suscite la réflexion.
Geneviève Morand et Nathalie Ann Roy, dir, Libérer la colère, Montréal : Les éditions du remue-ménage, 2018. Disponible sur papier et en prêt numérique sur le site de la bibliothèque de Québec : http://www.bibliothequedequebec.qc.ca/.
à 34 femmes s’expriment sur la violence faite aux femmes et le sexisme dit « ordinaire ». Mettre fin à la culture du silence implique d’accepter la colère des femmes dans l’espace public et le quotidien.
Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri, Le mouvement masculiniste au Québec. L’antiféminisme démasqué, Montréal : Les éditions du remue-ménage, 2015 (2e édition). Pour réfléchir à la place des hommes dans le mouvement féministe et déconstruire quelques mythes.