La liberté d’expression est une valeur fondamentale de la civilisation occidentale et je dirais même, une de ses plus grandes réussites. À l’ère des médias sociaux, on pourrait facilement penser qu’elle est intouchable et plus protégée que jamais. Hélas, les récentes révélations du scandale Cambridge Analytica et les nouvelles politiques de certaines entreprises de Silicon Valley me laissent pessimiste. Je m’explique.
Je vais partir d’une prémisse assez simple : si vous êtes en train de lire ceci, vous lisez certains articles de journaux ou de blog sur vos médias sociaux. Que vous soyez au courant ou non, Facebook, YouTube, Twitter, Instagram tous ses médias filtrent le contenu qui se défile sous vos yeux. Par exemple, les dirigeants de YouTube (propriété du géant Google) ont décidé ,cet été, d’instaurer de nouvelles politiques concernant la diffusion de contenu en vue d’éliminer ce qu’ils considèrent être des propos dangereux ou dissidents de ce qu’ils prétendent être, selon leur continuum personnel de pensée, acceptable. Venant de la part de la plus grande plateforme de diffusion vidéo, il y a de quoi s’inquiéter. Ainsi, vous ne voyez qu’une partie du spectre politique et on vous prive du contenu disponible. Il s’agit d’un élitisme pernicieux de gens qui se considèrent supérieurs à vous et qui ne vous laissent pas avoir accès à toute la gamme de faits pour pouvoir vous forger votre propre opinion.
On se trouve dès lors dans une situation où une partie du contenu politique "controversé" bénéficie d'une moindre grande visibilité. Certaines vidéos sont aussi démonétisées, ce qui fait que le créateur du contenu ne reçoit aucun revenu publicitaire ce qui nuit à sa viabilité. Il y a beaucoup trop d’exemple ouù de telles situations surviennent. À titre d'exemple, je peux citer le cas d'une chaîne qui couvre l’actualité chinoise en critiquant le Parti communisme, qui s’est vu retiré tout revenu publicitaire puisqu’il a été considéré par les experts de YouTube comme étant sensible. Mais qui sont donc ces experts? On retrouve entre autres l’Anti-defamation League qui considère Pepe the frog comme un symbole haineux. De plus, si on oublie ses «experts» il reste que le contenu peut être retiré si une poignée d’utilisateurs portent plainte, car de leur point de vue, le contenu est «offensant».
Twitter n’est pas en reste. Le petit oiseau bleu utilise une technique assez sournoise pour censurer certains contenus. Le «shadowbanning» consiste à retirer certains tweets de la barre de recherche et les rendre plus difficiles d’accès. Un des hauts dirigeants de Twitter, Ed Ho, a d’ailleurs admis la pratique[1]. C’est ainsi que des personnalités publiques et certains journaux, principalement conservateurs se sont vus placées dans cette situation. On arrive alors à une autocensure de certains des utilisateurs pour éviter de voir son contenu retirer de la section «trending». Si certains clament que c’est pour éviter les trolls qui détruiraient la plateforme, on a simplement à regarder Reddit ou encore même 4chan pour se convaincre que ce ne peut être le cas. On vient plutôt chercher volontairement à faire la promotion de certaines politiques, idéaux au détriment de celles des autres qui sont jugées comme dérangeants.
En utilisant ses exemples, je cherche plutôt à vous faire réaliser que lorsqu’un sujet d’actualité est controversé, il faut chercher plusieurs sources d’informations différentes, prises dans tout le spectre politique pour saisir l’étendue d’un dossier. Sinon, on finit inévitablement à se renfermer dans nos convictions et se rassembler autour de personnes qui pensent les mêmes choses que nous. On en vient alors à se convaincre que l’on détient la suprématie morale et les autres groupes sont nécessairement du mauvais côté de l’histoire. Tout cela se répercute dans nos vies, en dehors du monde virtuel. En effet, il n’est pas surprenant de voir certaines personnes attaquer les idées d’une autre en la traitant de fascisme, xénophobe, misogyne et j’en passe. En se renfermant dans une seule vision du monde et en éliminant tout débat, on finit par se convaincre que l’on possède l’unique vérité et que les dissidents de celle-ci sont par conséquences propagatrices de propos non désirables. D’où l’importance de constater de l’ampleur de l’influence que le filtrage du contenu peut avoir.
On a tous une part de responsabilité et il est de notre devoir de s’assurer que les géants de l’Internet s’autorégulent. Sinon, nous allons continuer à voir des situations comme Cambridge Analytica, où des élections sont influencées par la seule volonté de ces joueurs-ci. Il faut garder l’œil ouvert et un esprit critique face à ce que l’on rencontre sur Internet.
[1] Ed Ho, «An Uptade on Safety», Twitter, [En ligne], 2017, https://blog.twitter.com/official/en_us/topics/product/2017/an-update-on-safety.html.