Qu’on veuille l’admettre ou non, naître homme, c’est commencer un jeu vidéo, et choisir le niveau de difficulté « facile ».
Au fond, c’est facile être un homme. Je peux être pompette et rentrer à la maison, à pied, aux petites heures du matin sans craindre de me faire attaquer. Je peux porter ce que je veux, je peux prendre le bus sans crainte de me faire importuner.
Cette réalité, c’est une source d’angoisse pour nos consœurs féminines. Quand on s’arrête pour y penser, on peut dire ce qu’on veut sur l’égalité homme-femme, force est d’admettre que si la femme vit dans la peur encore, c’est qu’on est encore loin du compte.
J’ai énormément d’admiration pour ces femmes qui brisent les murs, qui foncent malgré les obstacles et la peur. Ces femmes qui, même en évoluant dans une société qui se dit égalitaire, accumulent les victoires malgré un niveau de difficulté plus élevé.
Mais qu’est-ce qu’il faut pour l’atteindre, cet équilibre, cette véritable équité ? On a beau légiférer pour promouvoir l’égalité homme-femme, on se rend vite compte que ça ne marche pas. Peut-être que le changement doit être plus profond encore.
L’homme et le féminisme
Parce qu’au fond, c’est quoi, un homme ? La conception classique de la masculinité, l’Homme Mâle, l’Alpha, l’Über Mensch, l’a toujours personnalisé selon des traits précis : un homme, c’est fort, ça ne pleure pas, c’est un leader. À l’image d’un William Wallace qui mène au combat les troupes écossaises contre l’envahisseur britannique, le fantasme masculin en est un débordant de testostérone, sans peur. Il fait pipi debout et son pénis, c’est son sceptre, le symbole de sa domination.
On valorise tellement cette conception tordue de l’homme qu’on en vient à diaboliser les revendications féministes d’égalité et d’équité. On valorise tellement le privilège masculin qu’on en vient littéralement à faire reculer la cause des femmes. On dit que de toute façon, l’égalité est acquise et qu’il n’y en a plus de problème. Parlez-en aux femmes autochtones disparues, parlez-en aux femmes trans qui se font encore dicter leur genre, parlez-en à toutes celles qui se font refuser une promotion parce qu’un congé maternité, « c’est long et c’est mauvais pour la business ».
Martin Luther King Jr a écrit, alors qu’il était enfermé dans une prison de Birmingham : « Injustice anywhere is a threat to justice everywhere ». Ces mots résonnent encore près de 60 ans plus tard. On tolère encore l’injustice envers nos consœurs, on les étouffe au lieu de célébrer leurs réussites, on s’efforce encore à leur mettre des bâtons dans les roues. Tant et aussi longtemps que nous allons tolérer ces inégalités systémiques insidieuses, nous ne pourrons pas nous targuer de vivre dans une société égalitaire.
On en vient à se poser la question : un homme peut-il être féministe ? Diverses écoles de pensée ont abordé la question sous différents angles. Simone de Beauvoir était d’ailleurs d’avis que non, en raison des différences fondamentales entre l’homme et la femme. On peut convenir que ce n’est pas aux hommes de mener les luttes féministes. On peut s’entendre que si nous, hommes, cisgenres ou transgenres, de tous horizons ethniques et sexuels, en s’identifiant comme féministes, pouvons travailler, à notre façon, à changer les mentalités et à œuvrer ensemble pour abdiquer notre privilège, nous pourrons enfin nous affranchir de cette phallocratie qui teinte nos rapports sociaux et atteindre cet idéal de justice. Contrairement à ceux qui véhiculent encore la haine contre la féminité, nous serons du bon côté de l’Histoire.