LE QUATRIÈME POUVOIR ET SON IMPACT CONSTITUTIONNEL

Marie-Philipe Lévesque

 

Dans les semaines précédentes, entrées par effractions suivies d’agressions sexuelles aux résidences de l’Université Laval. Il y a plusieurs mois, procès pour agressions sexuelles d’un journaliste résultant par un acquittement. À l’hiver, un jeune homme de 17 ans, coupable d’attouchements sexuels sur une mineure, sa petite amie de 13 ans. L’an dernier, l’affaire Turcotte et son nouveau procès. Ce sont quelques dossiers qui ont fortement attiré l’attention des médias et du grand public dernièrement. Ils ont fait vivre de fortes émotions aux citoyens et aux institutions. Évidemment, le pouvoir judiciaire a eu beaucoup de travail à faire dans ces dossiers.

Mais, le quatrième pouvoir a-t-il pris sa juste place?

Pour nous, étudiants en droit, la séparation des pouvoirs est bien facile à comprendre. Le pouvoir législatif vote les orientations et écrit les lois. Le pouvoir exécutif veille à l’application des lois notamment par la rédaction des règlements. Le pouvoir judiciaire contrôle l’application des lois et en sanctionne le non-respect. Telle est la séparation des pouvoirs selon Montesquieu, présente dans les régimes démocratiques représentatifs. 

LE QUATRIÈME POUVOIR

Cependant, on dit qu’un quatrième pouvoir existe aussi depuis de bien nombreux siècles. Celui-ci semble même être plus fort que jamais, aujourd’hui en 2016. Les médias : tel est le quatrième pouvoir. La presse écrite, les nouvelles télévisées et la radiodiffusion sont depuis bien longtemps des vaisseaux de communication qui ont pour fonction première d’acheminer l’information aux citoyens. À cela s’ajoutent les réseaux sociaux, surtout ceux qui permettent de partager des idées comme Facebook et Twitter. 

Non seulement les moyens de communication sont foisonnants, mais en plus ils sont accessibles facilement, partout et par tout le monde. Dès qu’un événement se produit, il est diffusé à la vitesse de la lumière sur tout le globe. Les journalistes sont toujours à l’affût des surprises en tout genre. Il est aujourd’hui plus facile pour un citoyen ordinaire de partager ses opinions via un texte long. Les plateformes sont ouvertes à tous. Le journalisme amateur prend de l’ampleur. Tout le monde amène son opinion sur tout. Tout le monde critique tout. 

Il est vraiment beau de voir toute cette effervescence d’idées, ces partages de visions et ces débats d’idées. Cependant, je crois qu’il faut remettre les choses en perspective. Ce n’est pas pour rien que l’on appelle les médias le quatrième pouvoir. Puisque nous vivons dans un État de droit, le gouvernement, en son sens large, dicte les marches à suivre. Les lois indiquent ce qui est « bien » et ce qui est « mal ». Puis, les médias montrent ce qui est « scandaleux ». Ce qui se retrouve dans les médias a un réel impact sur le fonctionnement d’une société. 

LES DROITS ET LIBERTÉS GARANTIS

Par exemple, prenons l’un de nos piliers constitutionnels qu’est la Charte canadienne des droits et libertés et son article 24. 

« 24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances. 

(2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s’il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. »

Comme nous vivons dans un État de droit, certains de nos droits sont jugés fondamentaux et sont consacrés dans une charte à valeur constitutionnelle. Au premier paragraphe de l’article 24, on prévoit une réparation discrétionnaire du tribunal en cas de négation des droits et libertés protégés par la Charte, peu importe par quel moyen il y a eu violation. Au second paragraphe, on prévoit une réparation plus précise lorsque ce sont des éléments de preuve qui ont été obtenus, comme le dit le paragraphe premier, en négation des droits et libertés protégés par la Charte. Pour ces éléments de preuve, s’il y a violation, la réparation convenable et juste serait le rejet de la preuve. 

Source : www.devoir-de-philosophie.com

Cependant, on ajoute une condition qui est plus qu’importante. L’élément de preuve est écarté « s’il est établi […] que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. » Autrement dit, lorsqu’un élément de preuve est obtenu et qu’il viole les droits protégés par la charte, il se pourrait qu’il soit tout de même admis en preuve. De l’autre côté, en présence d’un élément de preuve qui a été obtenu en violant les droits garantis par la Charte, on le rejettera si son utilisation avait pour effet de salir l’image de la justice. La « considération » de l’administration de la justice joue donc un rôle majeur dans le système de droit canadien. 

LA CONSIDÉRATION DE LA JUSTICE

Maintenant, il faut réfléchir à ce qu’est la « déconsidération de l’administration de la justice ». Si on a de la considération pour quelqu’un, c’est qu’on a de l’estime pour elle. Ce sera le même principe pour l’administration de la justice ou, autrement dit, pour le système de justice canadien. Selon ma lecture, le constituant a voulu que l’opinion publique ait un impact concret sur le système de justice. Bien que nous sommes dans un État de droit, il faut que les citoyens aient confiance en leur système de justice. 

Comme mentionné précédemment, les réseaux sociaux et les médias traditionnels communiquent l’opinion publique. On n’a qu’à penser au verdict initial de l’affaire Turcotte et à la forte réaction publique. Certains citoyens et journalistes ont vraiment vu d’un mauvais œil cette décision. Le verdict du second procès a curieusement calmé les foules. C’est pour cette raison que les médias portent le titre du quatrième pouvoir. Ils ont une force et un impact suffisamment importants pour influencer l’organisation de notre société. En somme, il faut en avoir conscience et demeurer alerte face au quatrième pouvoir. La juste information doit être favorisée.