LA MÉDIATION FAMILIALE : RÉSOUDRE UN CONFLIT À L’ÉCHELLE HUMAINE

Jeanne Larose, rédactrice en chef

Source:http://www.issy.com/sites/default/files/field/image/la_mediation_familiale_0.jpg

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Lorsqu’on pense à la médiation familiale, les professionnels qui nous viennent à l’esprit sont les psychologues, les psychothérapeutes et les travailleurs sociaux. Et pourtant, les avocats et les notaires sont aussi de la partie pour favoriser une entente cordiale du couple sur les aspects légaux de la séparation, comme la garde des enfants et les pensions alimentaires. Les juristes médiateurs ne tentent donc pas de sauver un couple, mais bien de limiter les dégâts. C’est dans le cadre de la semaine du notariat que Marie-Claire Belleau, professeure à la Faculté, a présenté une conférence sur cette carrière méconnue et sur sa façon de repenser le conflit juridique. Au-delà de l’enjeu pécuniaire, le médiateur se penche sur les intérêts réels des parties et cherche à les concilier pour un règlement qui ne détériore pas les relations humaines, ce qu’un jugement entraîne malheureusement trop souvent. Je vous dresserai donc le portrait d’une profession en pleine expansion, mais qui comporte son lot de discordes doctrinales et jurisprudentielles.

LA PROFESSION

D’emblée, le médiateur a pour objectif d’informer les parties et les aider à communiquer pour qu’ils trouvent des solutions propres à leurs besoins et conformes à la loi. Il aborde les différentes solutions possibles au conflit et une fois que les parties se situent en terrain d’entente, il prépare un projet d’accord en cas de divorce, de séparation de corps ou de dissolution de l’union civile ou dans un contrat de transaction notarié en cas de dissolution de l’union civile devant notaire.

De plus, afin d’accomplir sa tâche avec succès, le juriste se doit d’avoir certaines qualités essentielles, selon l’avocate et médiatrice Marie-France Chabot.

Un bon médiateur est empathique, à l’écoute, persuasif, en contrôle de la situation sans la diriger et finalement, il est important qu’il suscite la confiance. Puisqu’il a pour rôle de faciliter la communication entre les parties, c’est avec leur confiance qu’il réussira à les guider dans le processus et à leur donner confiance en elles-mêmes, sans pour autant montrer une once de partialité. Pour maintenir cette neutralité, ce pacificateur est tenu de surveiller son langage verbal et non-verbal et de répartir équitablement son attention, ses rappels à l’ordre et ses encouragements. De plus, il est de son devoir d’amener la rationalité dans un conflit établissant une distance entre les émotions et les faits. C’est pourquoi avant de s’engager dans un dossier, il voudra s’assurer de n’avoir aucun conflit d’intérêt venant de ses points sensibles ou de ses préjugés personnels.

LES CONTROVERSES DOCTRINALES ET JURISPRUDENTIELLES

Cependant, il est possible de constater que cette façon de faire aussi pacifique que prometteuse ne fait pas l’unanimité au cœur de la communauté juridique. La divergence de points de vue réside dans la valeur juridique du résumé des ententes de conjoints. Plusieurs auteurs considèrent que sans la signature des parties, ce texte n’a aucune force exécutoire alors que pour d’autres, ces signatures n’ont rien à voir, puisqu’une convention préparée par le médiateur peut suffire. En effet, comme l’explique Me Belleau dans son article à ce sujet, il arrive que le médiateur ne fasse que préparer une convention pour homologation devant le juge, sans passer par un résumé des ententes vulgarisé par les parties. Le document obtient la force exécutoire recherchée, mais certains auteurs déplorent le fait que ce juriste porte à la fois le chapeau de médiateur et de conseiller juridique, ce qui ne correspond pas à la partialité qui est attendue de lui. Ils recommandent que les conjoints aient recours à des conseillers juridiques indépendants pour s’assurer de la représentation adéquate des deux parties dans la convention à homologuer.

Somme toute, malgré les incertitudes qui entourent certains actes des médiateurs, la valorisation de leur profession s’inscrit dans le virage du nouveau code de procédure civile de janvier 2016. Considérant l’importance qu’il accorde aux modes alternatifs de règlement des différends, il s’agit d’une profession appelée à grandir au fil des prochaines années. Un autre milieu en demande ? La médiation commerciale, selon la Chambre des Notaires du Québec. On peut dire que ce ne sont pas les options qui nous manquent. À suivre!

AVOCATS SANS FRONTIÈRES CANADA CONTINUE SA MISSION AU MALI

Rodrigo Olmos-Hortiguela, attaché aux finances 

 

Avocats sans frontières Canada supporte actuellement la Colombie, le Guatemala, Haïti ainsi que le Mali. Ces pays comptent sur la mise en place de différents projets ayant tous comme mission commune un meilleur accès à la justice. Le projet actuel au Mali, ayant vu le jour en juillet 2015, a pour but de permettre aux victimes de la crise au Mali, plus particulièrement les femmes et mineurs, de compter sur des acteurs de la justice, y compris institutionnels, renforcés par les différentes activités prévues afin de lutter contre l’impunité.

APERÇU DE LA CRISE AU MALI

Après avoir été sous un régime militaire pendant 23 ans, le Mali devient, en 1992, un pays démocratique. C’est alors un modèle à suivre qui sert d’exemple aux autres pays du continent africain. Toutefois, la démocratie malienne est mise à mal dès le début des années 2010 par des rébellions dans le nord-est du pays où les communautés touarègues, habitants du Sahara central souffrant de marginalisation économique, revendiquent l’autodétermination. La lutte armée des rebelles touarègues se radicalise, ce qui a comme conséquence d’augmenter l’envoi au Mali des armes provenant de la guerre libyenne de 2011. De plus, depuis quelques années, la rébellion bénéficie du soutien des islamistes radicaux qui ont infiltré le nord du pays.

MISSION AU MALI

Le projet nommé Justice, prévention et réconciliation pour les femmes, mineurs et autres personnes affectées par la crise au Mali fut fondé par ASFC en collaboration avec le Centre d’étude et de coopération internationale ainsi que l’École nationale d’administration publique. Le projet vise à ce que l’accès à la justice pour les personnes visées par le projet soit renforcé dans un contexte de restauration de la paix et de la stabilité au Mali. 

Le projet, démarré au début de l’année 2015 et d’une durée de cinq ans, a pour but de renforcer les capacités du système judiciaire au pays. En effet, ce dernier a été conçu de sorte qu’il réponde aux besoins actuels et urgents, donc à court terme, mais qu’il propose aussi et surtout des solutions durables aux problèmes, l’un de ces problèmes étant la violence basée sur le genre.

Bref, le projet mis en place s’attaque aux causes profondes de la crise et non seulement à ses conséquences.

OBJECTIFS D’ASFC AU MALI

L’objectif général de protection des femmes et des mineurs au Mali comporte trois composantes : un accroissement des services de justice de première ligne étendus et adaptés aux bénéficiaires ciblés par le projet (1), une meilleure représentation des victimes dans des cas de violation aux droits humains ou de corruption (2) et une participation active et accrue de femmes, jeunes et hommes à la réconciliation et à la prévention des conflits (3).

RÉALISATIONS D’ASFC AU MALI

Le rapport d’ASFC sur la justice et les droits humains dans un contexte de transition au Mali a été très bien reçu par le gouvernement malien, lequel a mis en place les différentes recommandations de l’organisation. Entre autres, ces recommandations furent prises en compte pour le renforcement du mandat de la Commission de vérité et réconciliation que le gouvernement malien avait mis sur pied.

En décembre dernier, dans le cadre du projet, une formation sur la prise en charge des victimes de violence sexuelle en situation de conflit s’est réalisée à Bamako, ce qui a permis de rejoindre un public de près de 60 actrices et acteurs de la justice. Pour ce faire, Me Marie-Audrey Girard, juriste spécialiste sur la thématique des violences sexuelles en temps de conflit, en mission volontaire pour ASFC, a dispensé la formation en compagnie d’une juge malienne. De plus, des médecins et psychologues ont été appelés à partager leurs expériences sur le terrain. De façon générale, la formation a permis différents échanges pour comprendre et entendre la position distincte de chacun sur le conflit, ce qui a contribué à une meilleure prise de conscience sur la situation.

Note : La présente chronique n’engage la responsabilité que de son auteur pour son contenu et les opinions qui sont exprimées.
Le masculin est utilisé pour alléger le texte, et ce, sans préjudice pour la forme féminine.
De la même façon, toute citation a été omise pour ainsi rendre le texte plus fluide.

 

 

 

ÊTRE AVOCAT EN 2017

Roxanne Lefebvre, directrice à l'information


Votre deuxième ou troisième année de baccalauréat touche bientôt à sa fin, et vous considérez certainement les différentes possibilités qui s’offrent à vous. Le Barreau ou la maîtrise en droit notarial ? Des études aux cycles supérieurs ou la pratique en tant que juriste? Vous attendez d’ailleurs peut-être de voir si votre course aux stages, qu’elle ait été modeste ou ambitieuse, a porté fruits. Toutefois, de nombreuses options s’offrent encore à vous, notamment si vous choisissez de faire carrière en tant qu’avocat. Bref portrait de la pratique d’avocat d’aujourd’hui.

AUTRE CHOSE QUE LA PRATIQUE PRIVÉE?

Alors qu’« avocat » rime souvent, dans les esprits, avec « pratique privée », cette dernière est loin de représenter la seule option disponible. En effet, seulement 40% des avocats inscrits au Barreau du Québec exercent en pratique privée, plus de 20% choisissant plutôt de pratiquer au sein des gouvernements provincial et fédéral. Également, un pourcentage appréciable d’avocats pratique en entreprise privée, alors que d’autres choisissent plutôt de travailler auprès de municipalités, comme professeur ou chercheur dans une université, ou auprès d’organismes publics.

AUTRE CHOSE QUE LES GRANDS CABINETS?

Tous ne travaillent pas au sein d’un grand cabinet. Effectivement, seulement 35% travaillent dans un cabinet de plus de 50 avocats. 13% travaillent seuls, et 38% travaillent dans un cabinet de 2 à 10 avocats.  À Québec, sont particulièrement en croissance les secteurs du droit civil, du droit criminel et du droit de la famille.


En somme, la pratique d’avocat est diversifiée et hétéroclite. Cependant, elle sera, pour les juristes de demain, certainement caractérisée par des défis importants qui devront être adressés. Notons seulement la tendance à la spécialisation des cabinets, ainsi que l’automatisation importante des services juridiques, les citoyens recherchant de plus en plus des réponses à leurs questionnements juridiques en ligne. Ceux-ci perdent aussi confiance envers les institutions juridiques, et se représentent de plus en plus seuls. À cela s’ajoute les écarts salariaux encore importants entre les hommes et les femmes.

Sur une note plus positive, la profession continue néanmoins à ce jour d’offrir salaires et perspectives d’emploi intéressants, alors qu’elle rejoint de plus en plus d’intérêts diversifiés.

(Note : Toutes les statistiques sont tirées du Barreau-Mètre 2015 et ont été colligées par ou pour le Barreau du Québec.)

 

 

LES PROMESSES DE TRUDEAU

Marie-Philipe Lévesque 

présidente du Comité d'Action Sociopolitique 

Source: http://www.vancitybuzz.com

Source: http://www.vancitybuzz.com

Le 19 octobre 2015, Justin Trudeau est devenu le 29ème premier ministre de l’ordre fédéral du Canada. Il exerce ainsi officiellement ses fonctions à la tête d’un gouvernement libéral majoritaire, fort de 183 députés, depuis son assermentation en date du 4 novembre 2015.

Avec 223 points prévus à sa plateforme électorale, le chef du Parti libéral du Canada prévoyait beaucoup de changements. Seize mois après son accession au pouvoir, voyons quelles promesses électorales ont été réalisées, sans toutefois en faire une liste exhaustive. 

SUR UNE LANCÉE POSITIVE

D’entrée de jeu se présentent les points positifs, puisque 38 promesses ont été réalisées alors que 66 sont sur la table de travail. De celles-ci, on peut identifier certains domaines qui ont été rapidement pris en charge par le gouvernement.

En premier lieu, les frais relatifs à l’accès à l’information se limitent maintenant aux frais initiaux de 5 $ et la majorité des frais supplémentaires sont supprimés. De plus, la loi sera modifiée pour rendre accessibles toutes les données gouvernementales en version numérique. La création d’un système web permettant de faire des demandes gratuites de renseignements personnels et la diversification des types d’informations accessibles sont deux éléments actuellement en étude. Bien que les modifications ne soient pas encore en place, une directive du Conseil du Trésor a été donnée en ce sens. Près de 33 ans après l’adoption de la Loi sur l’accès à l’information au cours desquelles peu de modifications ont eu lieu, il est agréable de voir le législateur y travailler dans une perspective de transparence et d’ouverture.

Pour continuer, un remaniement des taux d’imposition a été fait de manière à être un peu plus équitable. Ainsi, les Canadiens ayant un revenu se situant entre 44 700 $ et 89 401 $ voient leur taux passer de 22 % à 20,5 %. De leurs côtés, ceux bénéficiant d’un revenu de plus de 200 000 $ se retrouvent avec un taux de 33 %, précédemment fixé à 29 %. À cet effet, il est agréable de constater un petit allégement fiscal pour le contribuable moyen.

En outre, sur le plan de l’immigration, des mesures ont été prises pour aider les réfugiés. Premièrement, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés revoit une contribution supplémentaire de 100 millions de dollars de la part du Canada. Deuxièmement, un droit d’appel est octroyé aux personnes
demandant l’asile en provenance de pays donnés. Troisièmement, le Programme fédéral de santé
intermédiaire est rétabli pour les ressortissants étrangers. Finalement, le programme de réunification
familial acceptera maintenant 10 000 demandes plutôt que 5 000 annuellement. D’ailleurs, ces mesures s’inscrivent bien dans l’optique du multiculturalisme canadien, où chaque nouveau citoyen peut trouver sa place, peu importe ses croyances ou idéologies.  

Par la suite, l’environnement a été étudié. En effet, à la suite de la Conférence de Paris sur le climat, les provinces ont été officiellement rencontrées pour établir un programme pancanadien de lutte contre les changements climatiques. De plus, le financement accordé aux recherches sur l’eau douce a été rétabli à 1,5 million de dollars, puis celles s’intéressant à l’océanographie et la surveillance des océans ont bénéficié d’un réinvestissement de 40 millions. Enfin, le pipeline Northern Gateway a été annulé. Bref, un nombre considérable de promesses relatives à l’environnement ont été réalisées et un nombre encore plus appréciable est sur le point d’être réalisé. Reste à voir si elles ne seront pas abandonnées en chemin et, pour celles adoptées, si elles seront réellement respectées.

De surcroît, le groupe de travail fédéral-provincial pour concevoir un réseau de vente et de distribution de la marijuana est déjà en place. La procédure législative est en branle pour retirer la consommation et la possession de cette substance des infractions inscrites au Code criminel. À cet effet, ce projet démontre bien l’influence que peuvent avoir les opinions politiques et sociales plus progressistes sur le corpus législatif.

Finalement, du côté de la culture, aucune promesse n’est réalisée, mais cinq sont en route. On parle d’annuler les compressions budgétaires à Radio-Canada, de doubler les fonds du Conseil des arts du Canada pour les fixer à 360 millions de dollars par année et de rétablir les programmes faisant la promotion de la culture à l’international en leur accordant 25 millions de dollars par an. De même, le programme de contestation judiciaire sera rétabli dans l’attente d’une loi méliorative. Également, pour assurer le respect des deux langues officielles, une directive a été donnée pour s’assurer que les juges nommés à la Cour suprême soient au moins capables de comprendre à l’écrit et à l’oral l’autre langue officielle qui n’est pas la leur. Dans le contexte de mondialisation auquel on fait face, il est rassurant de voir que certaines mesures sont prises pour préserver les vecteurs culturels canadiens. Cependant, il serait quand même souhaitable qu’un réel bilinguisme soit exigé à ces nouveaux juges.

LES MAUVAISES NOUVELLES

Parmi les 223 promesses électorales, voici quelques-unes de 29 qui ont été brisées.

Pour débuter, l’une des grandes promesses était de réformer le mode de scrutin pour mettre de côté le mode uninominal à un tour, comme Trudeau l’avait réitéré lors de la soirée électorale. Le 1er février 2017, la ministre des Institutions démocratiques, Karine Gould, a confirmé que le projet ne se réaliserait pas, par manque de consensus. Ainsi, les réactions négatives ont été vives face à l’abandon de cette promesse d’envergure.

Ensuite, il est frappant de constater le nombre d’investissements promis, mais non respectés. On parle notamment de suppléments annuels de 100 millions de dollars dans le Programme d’aide à la recherche, de 50 millions de dollars dans le Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire, de 25 millions de dollars pour Téléfilm Canada et l’Office national du film et finalement, de 775 millions de dollars pour la formation des travailleurs. Aussi, de tout nouveaux investissements étaient prévus pour les infrastructures vertes, pour la Stratégie emploi jeunesse, pour les stages étudiants en sciences, technologie, génie, mathématiques ou études commerciales, et bien d’autres. Alors, il devient tout à fait légitime de se demander où tout cet argent a bien pu aller.

Par ailleurs, les projets relatifs à la sécurité n’ont considérablement pas trouvé application. Le budget dédié aux appareils aéronautiques militaires n’a pas été réduit, les niveaux de dépenses pour la Défense nationale n’ont pas été maintenus. Dans la même ligne d’idées, les allocations et investissements devant aider les anciens combattants à compléter des études ou une éducation postsecondaire n’ont pas été attribués. Pourtant, il est curieux de se rappeler que l’un des facteurs agrégatifs lors de la création de la fédération canadienne était justement le désir d’une défense nationale forte.

En définitive, bien qu’il reste 90 promesses non traitées, les prochaines élections ne sont que
normalement prévues le 21 octobre 2019. Dans cette liste se retrouvent la réduction de la dette fédérale, les modifications législatives relatives aux armes à feu et la limitation des pouvoirs du Centre de la sécurité des télécommunications par l’obligation d’obtenir un mandat pour entreprendre la surveillance de Canadiens, pour en nommer que trois. C’est pourquoi l’espérance face aux promesses importantes attendues est encore possible.

ENTREVUE AVEC ME MAUD RIVARD ET ME VINCENT GIRARD

Jeanne Larose, rédactrice en chef

L’entreprise est un concept qui va de pair avec le monde juridique. De leur création à leur vente en passant par les poursuites civiles et pénales et le droit du travail, le bureau Stein Monast est entièrement dédié aux entreprises de sa clientèle de longue date. J’ai eu l’occasion de rencontrer deux avocats du cabinet, Me Maud Rivard et Me Vincent Girard, qui nous exposent leur réalité. Incursion dans l’univers d’un bureau où règne l’entraide et le dur labeur.

Quel type de candidat apprécierait travailler chez Stein Monast ?

Me Girard : Ce serait le candidat qui souhaite relever de grands défis professionnels. Bien que nous soyons un cabinet régional, c’est-à-dire que nous n’avons pas d’autres bureaux à travers le Canada, nous avons une clientèle réputée et respectée qui nous apporte des importants défis, il faut donc un candidat prêt à se retrousser les manches, autant pour les avocats séniors que pour nos clients, et à être stimulé intellectuellement tous les jours.

Me Rivard : Le candidat doit également se considérer comme un entrepreneur qui, dès ses premières années de pratique, aspire à devenir un associé, axant ses actions dans ce but. Ça prend la bosse des affaires, sans toutefois nécessiter une formation particulière dans le domaine. Il doit également apprécier le travail d’équipe, car nous avons souvent à se regrouper pour travailler, autant en litige qu’en droit des affaires. La personne trop individualiste ne serait pas à sa place chez nous.

Me Girard : On veut que l’individu souhaite devenir associé, car nous prenons soin de bien le former, en dédiant le temps nécessaire pour qu’il atteigne nos critères professionnels.

Me Girard : Cette multidisciplinarité est une des forces de notre cabinet, car nous pouvons bien servir le client. Nous avons plusieurs secteurs spécialisés dans des domaines précis. Nous sommes donc en mesure de répondre rapidement aux questions de nos clients, du début de l’entreprise jusqu’à sa fin en passant par le droit pénal et le litige. Nous faisons appel à tous les secteurs du cabinet pour bien répondre au client.


Le cabinet comprend des avocats, mais aussi des notaires. Dans quelles circonstances vous référez-vous davantage à l’un ou à l’autre ?

Me Girard : Nous nous référons principalement aux notaires dans les transactions qui ont un aspect immobilier et dans les financements. Je me spécialise dans la fusion et l’acquisition d’entreprises, ce qui comporte souvent un volet immobilier. Un domaine très intéressant de leur pratique est la planification successorale, qui comprend les fiducies et les testaments. Ces planifications surviennent surtout dans le cas d’une réorganisation corporative. Le propriétaire d’une entreprise en profite, lors d’une transaction ou une réorganisation, pour réorganiser en même temps les aspects fiscaux de sa vie personnelle, généralement par une fiducie familiale ou une modification à son testament. Nous avons la chance d’avoir des notaires dotés de la fibre entrepreneuriale qui participent au développement du cabinet et qui nous aident dans ce type de dossier.

Me Rivard : En ce qui a trait au litige, nous avons la chance de représenter le Fonds d’Assurance Responsabilité Professionnelle de la Chambre des Notaires du Québec. Nous représentons donc certains notaires qui font l’objet de poursuites pour responsabilité professionnelle. La pratique d’un avocat est bien différente de celle d’un notaire, et nos notaires peuvent donc nous donner un son de cloche de la réalité de cette profession, ce qui nous permet de mieux évaluer les reproches adressés aux notaires que nous représentons. La possibilité de se référer à des notaires au sein du cabinet est définitivement un atout dans la réalisation de ce travail. Aussi, certains de mes collègues œuvrent en litige immobilier et peuvent se référer aux notaires sur certains aspects pointus de ce domaine du droit.

Me Rivard, vous représentez vos clients devant les instances judiciaires et vous passez par le processus de règlement des différends. Avez-vous constaté une amélioration des règlements hors-cour depuis l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure civile en janvier 2016 ?

Les CRA ont été instaurées en 2003, alors que j’ai débuté la pratique en 2004. C’était tout nouveau au début de ma carrière. Je représente surtout des assureurs, et ce type de clientèle tend à évaluer quels sont les risques s’ils vont en procès et combien cela va coûter, faisant de cette procédure un choix économique. Il a toujours fait partie de l’esprit de ma clientèle de se prêter à l’exercice des CRA. De nos jours, il est très rare que nous plaidons des dossiers à la cour, parce qu’un règlement survient avant, que ce soit par CRA ou par des échanges d’offres et de contre-offres. Le nouveau code de procédure n’a donc pas tant changé la donne en ce qui concerne notre clientèle, plus particulièrement les assureurs. La différence se situe surtout à la Cour Supérieure à Québec, où les juges procèdent à des séances de conciliation hâtive dans certains dossiers comme les disputes de voisinage et les dossiers de vices cachés. Cependant, il arrive que la cause ne soit pas assez mûre pour arriver à une conclusion en CRA. Elle peut aussi échouer si les parties s’entêtent et en font une question de principe. Nous gardons toujours à l’esprit l’intérêt économique de nos clients pour entretenir de bonnes relations d’affaires. Je n’ai donc pas vu réellement de changement puisque cette philosophie était déjà appliquée par mes clients en droit des assurances.

Comment se déroule une journée au tribunal ? Comment décririez-vous l’ambiance ?

Nous allons en Cour pour plusieurs choses : que ce soit pour une requête, une CRA ou un procès au fond. Lors des représentations devant la Cour, il faut respecter un décorum. Lorsqu’on fait une requête préliminaire, nous ne sommes pas vêtus de toge, mais le respect mutuel entre les procureurs et envers le juge est primordial, notamment en se levant à son entrée et pour prendre la parole. Les greffiers et audienciers s’assurent de maintenir le décorum. Discuter et prendre un café n’est pas permis, nous n’assistons pas à un spectacle. Cette bienséance est imposée autant aux avocats qu’à l’assistance. Il est important d’avoir un cadre sérieux pour débattre les positions de nos clients. Afin de bien les représenter, les avocats sont tenus d’être bien préparés, que ce soit devant la cour ou au sein d’une CRA. Il faut être prêt à répondre aux questions du tribunal. Bien qu’il faille maintenir un décorum, il n’est pas interdit de s’amuser en plaidant. Nous avons tous notre propre personnalité lors des plaidoiries, il faut cependant éviter les grands éclats sous peine de se faire ramener à l’ordre par le juge qui trouvera ce comportement agaçant. Pour bien convaincre un juge, la meilleure façon est de préparer minutieusement son dossier. En ce qui a trait à la conclusion qu’il en tirera, si elle est en faveur de notre client nous nous réjouissons pour lui, et le cas contraire, il faut s’en remettre au fait que c’est la justice, tout en restant confiant que nous avons bien plaidé notre dossier. Le plus souvent, il y a une très bonne relation entre les avocats du palais de justice, ce qui est bénéfique pour les clients. Si nous n’étions pas capables de parler au téléphone et que nous ne faisions que communiquer par procédure, la facture du client serait élevée. La bonne entente entre les avocats permet aussi d’avoir un plus long délai si le besoin se fait sentir, sans qu’il soit toujours nécessaire de s’adresser au tribunal.


Me Girard, quant à vous, vous pratiquez principalement le droit corporatif, quel aspect de votre profession aimez-vous le plus et pourquoi ?

Contrairement au contexte du litige civil, lorsque les clients m’appellent, ils ont souvent un nouveau projet et désirent mes conseils. Il y a un aspect positif à leur dossier, ils veulent soit créer une nouvelle entreprise, s’associer à des partenaires, acheter une entreprise, protéger de la propriété intellectuelle ou vendre leur
entreprise. Quand un client me contacte pour démarrer une entreprise, il veut mon opinion sur son projet pour qu’ensuite je monte sa structure, souvent avec la collaboration de nos fiscalistes. Voir les entreprises de nos clients grandir, c’est très stimulant. Quand nous travaillons depuis quelques années sur le dossier d’une compagnie, nous prenons à cœur les intérêts des actionnaires et nous avons tendance à parler davantage au « nous » qu’au « vous ». Nous embarquons dans le succès de nos clients et nous osons croire que notre aide y a contribué.

Chez Stein Monast, travaillez-vous plus souvent seul ou en équipe sur les dossiers ?

Me Rivard : En ce qui a trait aux litiges, tout dépend de l’ampleur des dossiers. Les plus volumineux et complexes nécessitent un travail d’équipe, souvent composée d’un avocat sénior et d’un avocat plus jeune. Cela permet un meilleur prix pour le client, puisque certains dossiers peuvent durer plusieurs années. Les tâches sont réparties en fonction des aptitudes de chacun. Chez Stein Monast, nous travaillons souvent en équipe étant donné que nous sommes impliqués dans ce type de dossiers. Nous avons des réunions de secteur durant lesquelles nous discutons d’approches à l’égard de certains sujets et types de dossier pour assurer une cohérence dans l’application des principes de droit et la gestion des dossiers. Un travail d’équipe peut aussi survenir avec des avocats d’autres cabinets lorsque nos clients ont des intérêts communs dans un litige. De plus, les techniciennes juridiques nous donnent un coup de main très apprécié en organisant nos dossiers. Certains d’entre eux comportent des caisses et des caisses de documents ! Elles analysent alors la documentation et répartissent ce qui est pertinent de ce qui ne l’est pas. Elles font aussi certaines recherches, parfois avec les stagiaires en droit.

Me Girard : Un même dossier corporatif a souvent plusieurs besoins. Je vais faire son incorporation oui, mais le client aura besoin de financement, ce qui est la spécialité d’un autre collègue. Il en va de même pour le point de vue du fiscaliste et de l’avocat en protection de la propriété intellectuelle. Une équipe se forme pour travailler sur le dossier. De plus, nous impliquons le plus possible les avocats plus jeunes dans les dossiers afin d’aider à leur apprentissage. Nous ne le complétons jamais seul par la force des choses. Cela permet d’offrir un service complet aux entreprises.


Me Rivard : Cette façon de travailler est la parfaite occasion de former la relève. J’ai été la junior d’uneavocate et au début, je faisais le travail de soutien alors que maintenant, c’est moi qui délègue des tâches. Cela facilite l’apprentissage des plus jeunes, tout en les présentant à notre clientèle. Nous souhaitons cettepassation de clientèle, qui assure le succès d’un cabinet.

Quelles recommandations feriez-vous à un étudiant qui passe en entrevue à votre cabinet ?

Me Girard : Je dirais de demeurer calme, posé et authentique. Nous voulons connaître réellement la personne, nous ne voulons pas qu’elle soit toute autre que celle qui viendrait ultimement faire son stage. Nous cherchons des personnes motivées qui s’expriment clairement et qui savent répondre à nos questions.

Me Rivard : Notre cabinet a sa couleur, et nous avons des valeurs et une vision des choses qui se ressemble. Tous les associés et les avocats ont quelque chose en commun : nous suivons le même objectif en ayant la même philosophie dans notre pratique. L’étudiant a sa propre couleur et il doit la respecter en trouvant le stage qui lui ressemble. L’authenticité est donc la clé.

Me Girard : Nous passons tellement d’heures ensemble à travailler au bureau qu’il faut trouver des gens qui sauront bien s’intégrer à cette équipe de travail. Être authentique est le meilleur moyen de constater si le profil de l’étudiant est compatible avec notre mentalité à titre de cabinet. 

COMBATTRE LES STÉRÉOTYPES DE GENRE ?

Comité Question de genre

Ce mois-ci, nous vous proposons une réflexion sur les stéréotypes de genre et leurs impacts

QU’EST-CE QU’UN STÉRÉOTYPE DE GENRE ?

Les stéréotypes sont « des représentations simplifiées, déformées, rigides, [...] de certaines caractéristiques attribuées à un individu ou à un groupe ». Ce sont des caractéristiques fondées sur des idées préconçues, basées sur l'observation (parfois biaisée) des gens et qui sont perpétuées de génération en génération. Les stéréotypes ont un grand impact sur les rôles sociaux attribués aux hommes et aux femmes : « [i]ls servent de prétexte à les cantonner à certains rôles sexuels ». C'est ce qu'on appelle le fait d'attribuer à une personne des rôles et des fonctions dans la société en raison de son sexe. Les métiers sont encore aujourd'hui profondément genrés. Par exemple, on retrouve encore des expressions comme « Madame le maire » et on masculinise rarement le mot « infirmière ». Avez-vous déjà rencontré un homme sage-femme ? L'expression même exclut les hommes du métier.

Les rôles sexuels sont inscrits chez nous dès l'enfance, par l'apprentissage des stéréotypes de genre.  On encourage les jeunes filles à être retenues, à être dans la pudeur et à refouler leur sexualité. Les femmes croisent les jambes et, au contraire, les hommes écartent les jambes. Avez-vous déjà été surpris de voir un homme croiser les jambes ?  Sûrement que oui, car nous avons appris que croiser les jambes est un comportement élégant, féminin, alors qu’écarter les jambes en est un viril, qualité typiquement masculine. L'anthropologue Corinne Fortier nous apprend que cet exemple et les autres stéréotypes de genre « sont des habitus stéréotypés qu’on nous inculque dès l’enfance et qui genrent notre corps et qui limitent nos capacités et notre ouverture ».

Selon l'anthropologue Françoise Héritier, les stéréotypes de genre découlent de l'origine des sociétés, de la façon qu'ont les humains de décoder le réel et qui ont mis des mots pour le dire. Cela s'est transmis aux générations suivantes. Elle soulève que le vocabulaire, pour une société donnée, est construit sur des catégories dualistes. Parmi elles, on y retrouve le masculin et le féminin, et les autres catégories dualistes sont conçues en fonction de l'observation genrée de ce qui existe et que donc la catégorie dualiste masculin/féminin recouvre toutes les autres. En d'autres mots, l'entièreté de notre vocabulaire est genrée -ce qui est particulièrement vrai en français- et dans notre société occidentale, nous attribuons un sexe à des mots et inversement des mots à un sexe. Elle donne comme exemple les mots « supérieur et inférieur », « violent et doux », « actif et passif », et « rugueux et lisse ». Je n'ai pas besoin de vous expliquer, je crois que vous savez quels mots représentent l'homme et la femme. Les mots, les stéréotypes sont porteurs de valeur, valorisant l'un, dévalorisant l'autre.

D'ailleurs, une blogueuse a mené sa petite enquête sur les réseaux sociaux pour savoir quelle était la perception des gens. Quelles étaient les qualités attribuées respectivement à chaque sexe? Elle a combiné les réponses aux adjectifs dégagés par l'anthropologue Françoise Héritier et voici ce que ça a donné. Pour les caractéristiques « féminines », il y a notamment : fragile, douce, dévouée, discrète, belle, maternelle, bavarde, irrationnelle, hystérique, peureuse, passive, émotionnelle et compliquée. Pour les « masculines », il y a notamment: fort, rationnel, déterminé, actif, sérieux, simple, drôle, franc, juste, charismatique, direct, violent, infidèle, dominateur et désordonné.


QUEL EST L’IMPACT DES STEREOTYPES DE GENRE ?

L'anthropologue Corinne Fortier dit que ces qualités énoncées ne sont pas naturellement ancrées chez les individus:

« On inhibe et on dévalorise ces compétences, ces sensibilités qui sont autant partagées chez les garçons et chez les filles, mais qui, selon l'éducation, sont réfrénées. Tout cela est extrêmement douloureux pour les individus et entrave l'égalité et l'épanouissement individuel puisque, je le répète, même s'il y a une différence sexuelle anatomique, tous ces comportements, cette gestuelle, ces habitudes sont complètement genrés et le fruit de l'éducation ».

Des études récentes démontrent que les hommes sont particulièrement vulnérables, avec un taux de suicide beaucoup plus élevé que chez les femmes. Robert Whitley, chercheur principal du Groupe d’intérêt et de recherche pour la psychiatrie sociale de l’hôpital Douglas, nous apprend que les hommes consultent moins, « en partie parce que les services ne correspondent pas à leurs besoins [...]. On leur demande de parler, de prendre des médicaments, alors qu’ils sont plus dans l’action. Il faut revoir l’approche ». Les hommes, en essayant de se conformer aux stéréotypes, risquent de se couper volontairement de certaines émotions jugées non viriles, ce qui peut à long terme se traduire par une grande détresse psychologique.    

Pour ce qui est des femmes, si elles sont aujourd'hui majoritaires dans de nombreuses facultés universitaires, elles n'occupent, par exemple, que 18 % des postes de haute direction des entreprises et 30 % des sièges à l'Assemblée nationale.


EST-CE POSSIBLE DE CONCEVOIR UNE SOCIÉTÉ LIBRE DE STÉRÉOTYPE DE GENRE ?

Selon Corinne Fortier, il faut arriver à la « déconstruction de ces stéréotypes masculins et féminins qui cloisonnent notre comportement dans des cases alors que chaque individu a des potentialités bien plus grandes ». Or, il est impossible de dépasser les stéréotypes quand ils représentent le « réel » pour les gens qui y adhèrent. On ne peut les dépasser qu’à partir du moment où on en a conscience et où on a une volonté globale et politique de les extirper. Pour arriver à cette déconstruction, François Héritier nous propose que l'on doive apporter des modifications du comportement des individus par rapport à leurs enfants, car le problème selon elle, est dans la reproduction des idéaux parents-enfants. Cette transmission se perpétue parfois bien malgré nous. Cela passe donc aussi par l’éducation, la publicité, les manuels, les divertissements, les comportements au travail et les comportements politiques. François Héritier admet qu'il s’agit d’un travail colossal. Elle pense toutefois que nous sommes dans le bon sens puisque notre conscience est de plus en plus grande. Elle nous rappelle que cela nécessite une vigilance sur nous-mêmes.

Le défi peut sembler jusqu'à maintenant insurmontable, mais il y a des avancées :

«Loin d'être une période où les hommes se féminisent, où les hommes perdent de leur masculinité, où les hommes sont en déclin total, loin d'être cette période-là, on assiste plutôt à une période où les choses changent. C'est un moment important et privilégié pour repenser la masculinité».

Il faut arrêter de voir les sexes par ce qu’ils ont de négatifs -prenez comme exemples les caractéristiques nommées plus haut- car nous risquons de créer ce que nous décrivons. Isabelle Hudon, femme d'affaires québécoise, nous encourage dans un article à adopter le réflexe de poser « un geste par jour pour les femmes », comme le fait de questionner pourquoi seuls des hommes sont présents à une réunion par exemple, ou même d'entreprendre des gestes plus structurants et ambitieux, comme de développer un système d'évaluation à la performance qui tient compte des biais inconscients.  Mme Hudon a cofondé L'effet A il y a deux ans pour donner des conseils aux femmes, valoriser leur ambition et propulser leur engagement professionnel.

Selon un sondage Léger, 73 % des femmes se disent ambitieuses, ce qui est très près des hommes à 78 %. Les obstacles à la progression des femmes seraient le manque d'opportunités et la culture masculine de leur organisation.

« Et vous, Mesdames, n'attendez pas que le fruit vous tombe dans les mains.
Apprenez à aller le cueillir. Agissez dans votre intérêt, acceptez de ne pas plaire à tout le monde. Réalisez qu'au moment de négocier votre premier salaire, vous négociez aussi votre dernier salaire. Parce qu'un peu moins aujourd'hui sera devenu beaucoup moins dans 20 ans » (Isabelle Hudon).


Les hommes ne sont pas responsables du système qui les avantage, puisqu'il existe depuis bien longtemps, mais il appartient à tous et chacun de participer à sa modification.

Élodie Drolet, Élisabeth Maheux, Charlotte Reid, Odélie Beaurivage Godbout et Camille Dupont

 

 



 

 

 

 

EST-CE VRAIMENT HUMAIN ?

Marie-Philipe Lévesque 

Comme la performance nous est demandée, plusieurs obéissent et deviennent des bêtes de
travail. Aussi forcée à suivre la parade, j’ai décidé de m’en distancer un peu, peut-être trop tard.

Dernièrement, on pouvait retrouver dans l’actualité des textes parlant de la pression qui est mise sur les étudiants en droit et du stress qu’ils vivent. Un auteur québécois a même décidé d’écrire un roman illustrant la vie d’une personne prise dans ce marathon qu’est le baccalauréat en droit. Certaines études ont même été réalisées pour démontrer la santé mentale chancelante d’un nombre considérable d’entre nous.

Pour avoir un bel avenir professionnel, il faut avoir un curriculum vitae bien rempli, autant d’expériences de travail, que de bénévolat, d’activités sportives ou encore de bourses et prix reçus. Être à notre meilleur en tout temps, en tout lieu et en toute matière. Cependant, j’en viens à me demander si tout cela est vraiment réalisable, si les 24 heures d’une journée et les 7 jours de la semaine sont suffisants pour accomplir ces nombreuses tâches. J’en viens à me demander : est-ce vraiment humain ?

Malgré les examens qui approchent, les pages non encore lues qui se multiplient et la liste des travaux à aire qui s’allonge, j’ai décidé de faire quelque chose que je fais peu souvent, mais qui nous est pourtant demandé : démontrer un équilibre en ayant une vie sociale et en se divertissant. C’est pourquoi, il y a quelques jours, j’ai décidé de prendre une journée « off ».

En ce mois de février, quoi de mieux que le Carnaval de Québec pour se changer les idées entre amies. Manger de la tire d’érable et des Queues de castors, s’exercer aux lancées de la hache, pratiquer le sport d’hiver des Québécois qu’est le hockey, observer toutes les magnifiques structures de glace, marcher au grand air frais, chanter des chansons traditionnelles dans un chalet aux rideaux à carreaux et prendre des photos loufoques avec les constructions ou encore avec le Bonhomme Carnaval. Voilà comment retrouver son cœur d’enfant. Ce sont des activités qui divertissent, qui font du bien à l’esprit et, surtout, qui sont vraiment humaines

Cependant, tout ce temps passé dehors creuse l’appétit. Alors à la recherche d’une poutine, pour rester dans le concept de la journée, mon amie et moi sommes entrées dans un restaurant ayant un style de cantine de luxe. L’accueil chaleureux nous a convaincues de prendre place à table. Rapidement, les simples mais ô combien succulents repas nous ont été servis. Vous savez comme la nourriture que prépare votre grand-mère qui est ô combien réconfortante. Mais, dans une version jeune et actuelle !

Au moment de prendre les dernières gorgées, d’autres clients sont arrivés, ont pris place à la table près de nous et ont tout de suite engagé une conversation. Ces deux hommes américains en voyage venant découvrir le Carnaval de Québec ont conversé avec nous, sans prétention, et les employés de la place se sont même joints à nous. Ce fut un moment décontractant et divertissant, un moment réellement humain.

Pendant ce temps, je n’ai pas pensé à la productivité, je n’ai pas pensé à l’image que je devais projeter et je n’ai pas pensé au stress. J’ai souhaité vous partager cette courte aventure pour démontrer à quel point une simple petite journée à l’extérieur des livres peut être bénéfique. Il est bien important de garder des moments pour soi tout au long de nos études, et dès le début, pour éviter les tristes situations.

Durant cette journée, je me suis sentie vivre, vivre simplement, discuter avec des gens bien ordinaires. J’ai senti l’accueil, le partage et la chaleur humaine. J’ai fait un retour aux choses simples de la vie, aux vraies choses de la vie. Je n’ai pas perdu les heures de la journée que nous comptons si précieusement, je l’ai investi dans quelque chose de vraiment humain.  

 

Histoire d’échange

Frédérique D'Amours

Le 28 août dernier, c’est avec un mélange d’excitation, de bonheur et de quelques inquiétudes, que jem’envolais enfin vers la France pour y vivre mes quatre prochains mois. Pour moi, partir en échange, c’était de quitter le nid familial pour la première fois et me lancer dans l’inconnu. Même si je savais que mon automne serait mémorable, je ne pouvais m’imaginer toute l’intensité que cette expérience me réservait. Je suis donc ainsi arrivée à Montpellier, petite ville charmante au sud de la France, à quelques minutes de la mer Méditerranée. 


Je vivais dans une résidence universitaire, dans une petite chambre de neuf mètres carrés avec une cuisine équipée de quatre ronds de poêle uniquement. Croyez-moi, mes premiers vingt-quatre heures furent un choc assez intense. Mon lit et le comfort food de ma mère me manquait un brin, pour ne pas dire un peu beaucoup. Cependant, j’ai eu la chance de rencontrer très rapidement plusieurs autres québécois qui étudiaient également à la Fac de droit de l’Université de Montpellier. Grâce à ces précieuses rencontres, j’ai su m’adapter plutôt rapidement à ma nouvelle vie. Je découvrais donc doucement les petits bonheurs de la vie française ; un régime qui se résumait essentiellement à des croissants et des chocolatines pour le petit déjeuner, de la baguette et des fromages pour le reste, sans oublier bien évidemment du vin à deux euros la bouteille (toutes aussi bonnes les unes que les autres). 


Une semaine typique à Montpellier c’était quoi? Tout d’abord, c’était d’aller à l’école du lundi au mercredi midi. Des lectures, des travaux? Jamais. Une chose qu’on apprend bien vite en étudiant en France, c’est de ne jamais s’attendre à ce que les cours commencent à l’heure (et tout simplement ne jamais s’attendre à ce qu’un français soit à l’heure). Une fois les cours terminés, il fallait chaque semaine consacrer une période de temps pour le règlement de paperasses administratives. Vous direz que j’exagère, mais non. Pour vous donner un aperçu, à mon arrivée, j’ai dû ouvrir un compte bancaire. J’ai reçu ma carte au mois de décembre, environ deux semaines avant la fin du semestre. Si j’ai appris une chose du système administratif français, c’est de cesser de m’en faire pour tout et rien. C’est un truc typiquement nord-américain que de vivre à 200 km/h et de tout régler avec rapidité et efficacité. Je ne pourrais compter le nombre de fois où l’on m’a dit : « Mais madame, il n’y a pas de souci ». J’ai ainsi appris à prendre la vie plus à la légère et d’arrêter de toujours trouver mille et une raison de stresser. Bien que les trois quarts du temps, cette façon de voir les choses m’irritait au plus haut point, avec un peu d’ouverture, j’ai réussi à ramener avec moi le positif de cette philosophie typiquement française.


Finalement, après nos trois journées de cours, nous partions en voyage dès le mercredi après-midi pour revenir le dimanche.  J’ai vu plus de beautés en ces quelques semaines que je ne pouvais m’imaginer en voir dans toute ma vie. Du sommet de la Tour Eiffel au sommet de l’Aiguille du Midi en passant par le Mont Saint-Michel, j’ai découvert toutes les merveilles de mon nouveau pays d’accueil. J’ai aussi eu la chance de pouvoir voyager dans plus d’une dizaine de pays (merci Ryanair). J’ai pu goûter à la folie de la vie espagnole et aux petits bonheurs de la culture portugaise. J’ai pu admirer la grandeur du Big Ben, la richesse de l’histoire berlinoise et l’immensité des Alpes suisses.  Au travers de ces belles découvertes, j’ai surtout appris que le monde est grand et riche, plus qu’on peut le croire. Plus on apprend à le découvrir, plus on veut en voir. Ça en devient pratiquement une folie. 


En plus d’apprendre sur le monde, j’ai énormément appris sur moi-même. En partant seule, j’ai appris ce que c’était de prendre des décisions pour soi. Malgré toutes les choses grandioses que j’ai pu voir, j’ai appris à apprécier les petites choses qu’on a souvent tendance à tenir pour acquises dans notre vie de tous les jours. J’ai aussi appris qu’en s’ouvrant aux autres, on fait généralement des découvertes incroyables.  Finalement, au travers de cette montagne russe d’émotions et de situations, j’ai appris que la clé était d’apprendre à se faire confiance. 


Pour terminer, mon échange m’a permis de voir la beauté du monde, de découvrir une culture d’une richesse incroyable et surtout, à défaut d’avoir l’air quétaine, d’avoir tissé des liens pour la vie. C’est avec un brin de nostalgie que je peux aujourd’hui dire que la plus belle chose que j’ai apprise de cette folle expérience est que les plus grandes leçons ne s’apprennent généralement pas sur les bancs d’école, et qu’on a tout à gagner à sortir de notre zone de confort. 

LE SYSTÈME JUDICIAIRE PEUT-IL CONTRIBUER AU DÉVELOPPEMENT DURABLE?

Collaboration spéciale : L’Affidavit de l’UQAM

Myriam Boucher, co-éditrice en chef et Amandine Andriamampionona


Panorama jurisprudentiel de la Cour Suprême en matière de réparations aux atteintes à l'environnement. 

Le Rapport de 1986 du groupe d’experts du droit de l’environnement de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement (CMED) a défini l’atteinte à l’environnement comme étant :

[t]oute dégradation de la santé humaine, des ressources vivantes, des écosystèmes, des biens matériels, des équipements collectifs ou des autres usages légitimes d’une ressource naturelle ou de l’environnement causée, directement ou indirectement, par l’homme au moyen de substances polluantes, de radiations ionisantes, de bruits, d’explosions, de vibrations ou de toute autre forme d’énergie, de plantes, d’animaux, de maladies, d’inondations, d’ensablements ou d’autres moyens semblables;

Il est important d’établir une nuance entre le préjudice personnel et le préjudice écologique pur. Dans le premier cas, il s’agit du préjudice que subit une personne à la suite d’une atteinte à l’environnement. Dans le second cas, on parle d’une atteinte directe à l’environnement dans sa nature même. À ce jour, le préjudice écologique pur n’est pas encore couvert par les législations canadiennes et internationales.

Ce présent article se propose comme une analyse des réparations accordées par la jurisprudence de la Cour suprême du Canada en matière d’atteintes à l’environnement. Ces réparations seront ensuite comparées avec celles accordées à l’international dans le domaine. Finalement, un lien entre la position de la Cour en droit de l’environnement et le développement durable sera établi.

Deux prémisses sont nécessaires afin de bien comprendre l’état du droit canadien sur le sujet. En premier lieu, au Canada, il y a absence de codification ou de loi suprême en droit de l’environnement permettant une compréhension claire des possibles réparations dans le domaine. Ce flou juridique, bien que permettant une discrétion de la part des juges en la matière, offre une base instable pour la protection de l’environnement. En second lieu, le droit de l’environnement est un droit nouveau : la Cour suprême ne s’est pas encore positionnée de manière claire et précise sur le sujet. Tout reste donc à bâtir.

L’ÉTAT DU DROIT CANADIEN

Quatre types de réparations seront abordées pour bien représenter un panorama jurisprudentiel : les réparations administratives, les réparations civiles, les « réparations » pénales et les réparations constitutionnelles.

Réparations administratives

Un des arrêts les plus importants dans le domaine est l’arrêt Spraytech dans lequel la ville de
Hudson a réglementé en matière de pesticide. Spraytech, une compagnie d’épandage de
pesticides, souhaitait faire déclarer ultra vires ce règlement afin qu’il soit invalide. La Cour a
conclu que « “devant une situation où la santé et l’environnement sont en jeu”, le conseil municipal “voyait à un besoin de sa collectivité”. »


C’est ainsi que la Cour Suprême a déterminé que la protection de l’environnement était suffisamment importante pour justifier qu’une municipalité puisse édicter un règlement sur le sujet dans l’objectif de protéger la santé de ses citoyens. Ceci est d’une importance majeure puisque, bien souvent, ce sont les initiatives locales qui sont les plus efficaces en la matière : le gouvernement du Canada offre même des fonds pour ce type d’actions.

Réparations civiles

En ce qui a trait aux réparations civiles, Colombie-Britannique c. Canadian Forest fournit un bon exemple. En l’espèce, il s’agit d’une entreprise canadienne qui a causé un feu de forêt dans la province. Dans cette décision, la Cour affirme son devoir de décider sur la question des réparations qui, comme vu précédemment, n’a pas encore été prévue par le législateur : « [j]e n’accepte pas l’idée que les “dommages-intérêts environnementaux” soient à ce point particuliers que notre Cour ne puisse examiner cette question. »


Pour demander l’indemnité, il faut se « bas[er] sur une théorie cohérente des dommages, sur une méthode permettant d’évaluer ces dommages et sur une preuve suffisante. » Le fardeau de preuve appartient à celui qui demande compensation et la méthode appropriée de calcul est laissée à la discrétion des experts en première instance. La Cour avoue en revanche qu’une méthode adéquate d’évaluation des dommages reste difficile à déterminer. De ce flou résulte des réparations à caractère trop arbitraire ou trop simpliste. Ainsi, le système judiciaire n’est pas arrivé à un stade suffisamment mature pour réparer de façon intégrale les atteintes à l’environnement.

« Réparations » pénales

Dans R. c. Wholesale Travel Group Inc., un arrêt phare en droit pénal, la Cour n’exclut pas la
possibilité d’une peine d’emprisonnement pour les auteurs d’une infraction réglementaire : y compris les atteintes à l’environnement prévues dans différents règlements. Certaines atteintes à l’environnement seraient considérées si graves, que cette peine serait justifiée par le principe de proportionnalité. Elle cite en exemple plusieurs catastrophes environnementales « telles Bhopal, Tchernobyl et Exxon Valdez. »On voit ici une claire intention de la Cour suprême de dissuader les Canadiens d’enfreindre ces règlements et ainsi de protéger l’environnement.

Réparations constitutionnelles

Finalement, bien que la Cour ne se soit pas prononcée sur le sujet des réparations constitutionnelles environnementales directement, il est possible d’établir un lien avec ces réparations et celles en droit autochtone. En effet, dans plusieurs arrêts marquants, tels que l’arrêt Sparrow, l’arrêt Delgamuukw et l’arrêt Nation Tsilhqot'in, la Cour a établi que la Couronne ne pouvait violer le droit autochtone sans répondre au test de justification où « la justification de la conservation et de la gestion des ressources ne Finalement, bien que la Cour ne se soit pas prononcée sur le sujet des réparations constitutionnelles environnementales directement, il est possible d’établir un lien avec ces réparations et celles en droit autochtone. En effet, dans plusieurs arrêts marquants, tels que l’arrêt Sparrow, l’arrêt Delgamuukw et l’arrêt Nation Tsilhqot'in, la Cour a établi que la Couronne ne pouvait violer le droit autochtone sans répondre au test de justification où « la justification de la conservation et de la gestion des ressources ne soulève cependant aucune controverse. » On peut même parler d’une certaine constitutionnalisation du développement durable : « Le gouvernement doit donc agir d’une manière qui respecte le fait que le titre ancestral est un droit collectif inhérent aux générations actuelles et futures. »


Cet exemple de réparations constitutionnelles offrant une protection à la violation des droits des autochtones et une certaine protection à l’environnement permet d’extrapoler sur une possible réparation en vertu de la Charte canadienne. En effet, la protection à la vie, à la sécurité et à la liberté accordée à l’article 7 de cette Charte pourrait offrir un recours en invalidation de législation ou de réglementation qui irait à l’encontre de l’environnement.


La place du Canada vis-à-vis le droit international

Le Canada ne fait évidemment pas partie des pays les moins à jour en ce qui concerne les réparations environnementales, mais il n’est pas non plus le modèle à suivre. À l’international, un rapport du MEDEF (syndicat des employeurs en France) met en lumière l’avant-gardisme de la législation en termes de réparations environnementales. En effet, la responsabilité peut dorénavant être de type avec ou sans fautes sur des dommages qui sont réalisés ou sur le point d’être réalisés. Il s’agit d’une codification du principe de prévention prévu en droit international de l’environnement qui est une avancée majeure dans le domaine. De plus, ce rapport explique que la réparation des dommages environnementaux se ferait exclusivement en nature. Ceci faisant, on priorise la restauration et la protection de l’environnement à la compensation pécuniaire.


Le Canada n’est pas, par contre, le seul à faire face à ces défis : à l’international, la « question de la réparation du préjudice écologique “pur” reste [...] posée. » De plus, il est prévu que « [Le droit environnemental international] s’est orienté vers une facilitation de la mise en cause de la responsabilité, ainsi que vers un élargissement de la définition du dommage réparable. » En ce domaine, l’État satisfait bien les critères internationaux en permettant une codification large.

La Cour suprême du Canada et le développement durable

Le développement durable se veut une réponse aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs dans un équilibre entre le pilier économique, le pilier social et le pilier écologique.

Au Canada, plusieurs décisions mettent de l’avant l’importance de l’environnement comme valeur sociétale fondamentale. On parle même d’un « objectif public d’une importance supérieure ». Le système judiciaire possède donc un pouvoir d’interprétation en faveur de l’environnement qui porte à penser, qu’à l’avenir, la Cour pourrait jouer un rôle plus important. Malgré cela, le flou juridique créé par unemultiplicité des possibilités de réparations dans le domaine ainsi que par l’absence de codification claire sur le sujet offrent un plancher instable pour la contribution, sur le plan judiciaire, à un véritable développement durable : le pilier écologique ne profite pas, encore aujourd’hui, d’une protection adéquate pour faire contrepoids aux forces économiques.